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Etude 2. Courrier_psy

2.1. La perspective d’un Choix Informé

Prendre part aux décisions, c’est connaître les tenants et aboutissants de chaque alternative (bénéfices, limites, écueils). Les campagnes de promotion du dépistage en taisent cependant les risques, survendant l’efficacité du dispositif. Jørgensen et consorts (2008) qualifient de sorte sans réserve les actions de propagande.

Les individus ont d’un autre côté de plus en plus accès à l’information (e.g. smartphones

équipés d’Internet) (Barus-Michel, 2006 ; Enriquez, 2006). Ils ne tardent pas à se heurter à

des renseignements contradictoires, suscitant en eux l’ambiguïté (Han, Moser et Klein, 2006), le doute et la méfiance (Meszaros et al., 1996).

De plus en plus de professionnels de santé se déterminent ainsi à faire évoluer leur pratique, adhérant volontiers à la politique de transparence (Stefanek, 2011) du choix informé (Gøtzsche, Hartling, Nielsen et Brodersen, 2008 ; Irwig, McCaffery, Salkeld et Bossuyts, 2006 ; Jørgensen, Brodersen, Hartling, Nielsen et Gøtzsche, 2008).

140 2.1.1. Spécificité de l’approche

La perspective dérive du consentement éclairé médical. Elle s’en détache néanmoins par une forme moins standardisée (Rimer, Briss, Zeller, Chan et Woolf, 2004). Le professionnel ne présélectionne aucune option. Il ne cherche plus l’approbation de son patient à un choix bilatéral entre deux alternatives, autrement dit à un non-choix en vérité. Désormais, le patient a accès à l’intégralité de l’éventail d’options (Vennin, 2007). Il a ainsi connaissance des avantages, des limites et des risques à se faire comme à ne pas se faire dépister (Irwig et al., 2006 ; Jørgensen et al., 2008 ; Safarti, Howden-Chapman, Woodward et Salmond, 1998), devenant dès lors éclairé dans sa prise de décision.

2.1.2. Intérêt de la stratégie

La politique de transparence sert un intérêt pluriel. La première conséquence est de nature éthique. L’approche est une alternative au paternalisme libéral (Ploug, Holm et Brodersen, 2012). Elle privilégie l’éducation à la persuasion (G.R.E.D. 2012 ; Stefanek, 2011), ne surévalue pas les bénéfices de la recommandation et ne minimise ni ne tait les écueils du dispositif. La perspective fait vœu d’objectivité et de transparence, palliant de fait le pendant marketing de la sensibilisation (Wollochin, Schwartz, Black et Kramer, 2012).

La deuxième conséquence a trait à la qualité de la décision. Rimer et consorts (2004) établissent que le choix informé améliore le niveau et la qualité des connaissances spécifiques du sujet, ce que confirment les équipes encadrées par Smith (2010) et Steckelberg (2011). L’approche aide l’individu à réduire le conflit décisionnel qui l’habite. Elle est en ce sens implicative, favorise l’engagement et la satisfaction de la personne eu égard au processus d’information et de décision. Dans une société qui ne cherche plus à expliquer mais à trouver des responsables (Barus-Michel, 2006), où le monde médical vit dans la crainte du procès (Elmore et Fletcher, 2012 ; Leclet, 2012), le choix informé semble ainsi trouver naturellement sa place, concédant les incertitudes de la prévention, tout en amenant la population cible à se forger des attentes plus réalistes sur le dépistage (Gros, 2013).

La troisième conséquence est incitative. L’approche pallie les effets nuisibles d’un manque d’information en faisant la lumière sur les zones d’incertitudes du dépistage. Elle tend de fait à résoudre l’ambiguïté du message, et par là même, la méfiance des bénéficiaires à son encontre (Corneille, 1993 ; Han et al., 2006 ; Meszaros et al., 1996). Ces derniers sont

141 ainsi mis en confiance, ce qui réduit leur réactance (Coulter et Pinto, 1995 ; Petty et Cacioppo, 1977 ; 1979 ; Sitbon et Maresca, 2002) et les incline plus favorablement à suivre la recommandation (Homer et Kahle, 1990 ; Hovland et Weiss 1951).

2.1.3. Limites et écueils d’un choix informé

Pour autant, peu d’études testent l’impact de la perspective sur l’adhérence (Steckelberg, Hülfenhaus, Haastert et Mühlhauser, 2011). La raison en est que les partisans du choix informé ne considèrent pas la participation comme un critère de mesure pertinent du succès de la campagne. Elle ne rend ainsi pas compte selon eux de la qualité de la décision mais plutôt du rendement atteint. Un tel parti pris conduirait les annonceurs à une dérive dans leur manière de présenter le dépistage à la population (Irwig et al., 2006).

Le choix informé ne revêt néanmoins d’effet ni sur l’intention, ni sur les actes (Marteau et al., 2010 ; Steckelberg et al., 2011 ; Trevena et al., 2008). Il faut dire que c’est le propre des campagnes centrées sur l’information et l’éducation (Albarracin et al., 2006 ; Peterson et al., 2000). L’évocation des risques tend même dans certaines études à réduire la participation du public cible (Fenton, 2011 ; Rimer et al., 2004 ; Smith et al., 2010). Les stratégies sujettes à caution suscitent ainsi le doute (Fenton, 2011), la peur (Chu, 1966). Elles sont plus difficilement adoptées (Lerman et al., 1990) à fortiori lorsque leur coût n’est pas relativisé (Leventhal et Niles, 1964). Le recours au choix informé doit donc être mesuré sous peine d’induire des expectations rédhibitoires d’inconfort (Aimee et al., 2008 ; Senore et al., 2010), de douleur (Banks et al., 1995 ; Rosenstock, 1966 ; Senore et al., 2010) ou de dangerosité (Dabbs et Leventhal, 1966 ; Meszaros et al., 1996) de la recommandation.

L’exhaustivité de l’information ne figure de plus pas nécessairement une aide à la décision. L’éventail d’alternatives rend le message complexe (Fenton, 2011), confus (Han et al., 2006 ; Rothman et Kiviniemi, 1999) et en soi source de barrières (Mosca et al., 2006). Ascher (2006) évoque en ce sens la tyrannie des possibilités. Lewin (1935) quant à lui, parle du conflit à devoir faire un choix. Le public ne dispose pas d’un recul médical suffisant pour traiter l’information technique (Elmore et Fletcher, 2012 ; Stefanek, 2011). Benbassat et consorts (1998) distinguent à cet effet deux dimensions de la préférence du patient. La recherche d’information d’un côté, préférentiellement pratique (Kantola, Syme et Campbell, 1984 ; Moorman et Maturlich, 1993) et de l’autre, l’attitude envers le self-management de la

142 maladie ; les sujets rapportant ainsi vouloir être informés mais jugeant le médecin plus légitime qu’eux à prendre une décision médicale.

Ils s’en remettent alors préférentiellement à sa décision (Benbassat et al., 1998). C'est-à- dire à l’influence de la recommandation médicale (Jacobson et al., 2004 ; Karwalajtys et al., 2006). D’autres enjeux (motivationnels, contextuels) semblent dès lors sous-tendre l’implication. L’engagement (Kiesler, 1970 ; Kiesler et Sakumura, 1966) ambitionne de considérer de tels enjeux, étant admis comme un facteur d’émergence (Carré et Fenouillet, 2009) et d’autodétermination (Deci et Ryan, 2000) de la motivation.