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Etude 2. Courrier_psy

3. Intérêt des outils au vu des objectifs de l’étude

3.2. Intérêt d’un recours à une communication engageante

La communication engageante propose une articulation des stratégies centrées sur l’information et la persuasion avec les paradigmes de l’engagement, cumulant de fait leurs bénéfices respectifs (Girandola et Joule, 2008 ; Joule 2000 ; Joule, Py et Bernard, 2004). La coaction des deux champs permet d’améliorer l’adhérence (objectif 2) (Joule et Halimi- Falkowicz, 2007 ; Marchioli et Courbet, 2010 ; Priolo et Milhabet, 2008). Elle permet également de renforcer l’autonomie, l’implication, l’esprit d’initiative et la satisfaction de la personne eu égard au processus de décision (objectif 1) (Arkes et Blumer, 1985 ; Coch et French, 1948 ; Grandjean et Guéguen, 2011 ; Guéguen et al., 2011a).

3.2.1. Intérêt d’une communication persuasive

L’intérêt de la communication persuasive est principalement d’inciter les personnes à adopter la recommandation (objectif 2). Cela en permettant d’optimiser le traitement du message par le sujet (Cacioppo et Petty, 1984 ; Dignan et al., 1994 ; Hansen et Robinson,

1980 ; Rothman et Kiviniemi, 1999) (raccord au 1er principe du modèle articulateur),

d’induire ou de renforcer chez lui une motivation préexistante (Boer et Seydel, 1995 ;

Girandola, 2000 ; Rosenstock, 1966 ; Witte, 1992) (raccord au 2nd principe) pour la canaliser

ensuite dans le sens du changement. La persuasion permet en outre de faciliter l’adhérence

aux recommandations (DeBusk et al., 1994 ; Legler et al., 2012) (raccord au 3ème principe)

tout en limitant la prégnance des influences délétères (Petty et Cacioppo, 1979) (raccord au

4ème principe). Dans le cadre de la persuasion, la façon de dire les choses est ainsi presque

plus importante que le contenu du message. Cela nous évoque le concept de diplomatie. Les outils et les procédés de la persuasion sont ceux préconisés par les modèles explicatifs du traitement de l’information (Cacioppo et Petty, 1984) et de l’autorégulation (Bandura, 1991 ; Hall et Fong, 2007 ; Lang et Carstensen, 2002 ; Leventhal et al., 1984) (cadrage de la communication, valorisation du sentiment d’auto-efficacité, sensibilisation

adaptée au risque, gestion des indices systématiques et heuristiques du message, etc.),

lesquels à notre sens permettent d’appréhender et d’obvier l’interférence de la peur (Chaiken

et al., 1996 ; Das et al., 2003 ; Girandola, 2000 ; Leventhal, 1971 ; Rogers, 1975) comme de

la temporalité (Hall et Fong, 2007 ; Zimbardo et Boyd, 1999), soient deux des trois facteurs enclins à expliquer avec le désir d’autonomie les freins au dépistage du cancer dans nos sociétés hypermodernes (cf. étude du contexte).

154  La perspective fera donc l’objet d’un courrier B : Autonomie et diplomatie.

3.2.2. Intérêt d’une adaptation du pied-dans-la-porte

Le pied-dans-la-porte met à ce titre davantage d’emphase sur l’autonomie (contexte de

liberté). Le paradigme permet d’augmenter significativement l’adhérence au comportement

cible (Guéguen et al., 2008 ; Harris, 1972 ; Pascual et Guéguen, 2005 ; Pliner et al., 1974) (objectif 2). Il optimise en outre la remontée des informations aux enquêtes (Hansen et Robinson, 1980). Cela laisse à penser l’approche efficiente en vu d’augmenter la pratique du test mais aussi la remonté des exclusions médicales, soient les deux pendants de la participation ajustée (objectif 2). D’un autre côté, le paradigme permet l’implication des personnes, favorisant de fait leur identification à la prise de décision et donc leur satisfaction (Grandjean et Guéguen, 2011 ; Guéguen et al., 2011a) (objectif 1).

Notons que l’opérationnalisation du pied-dans-la-porte ne se fera pas dans les conditions aseptisées du laboratoire. La visée est appliquée. Elle ambitionne un compromis entre le respect des modalités optimales du paradigme (Beaman, 1983 ; Burger, 1999 ; DeJong, 1979 ; Fern et al., 1986) et la réalité du terrain. Il s’agira de fait d’une adaptation.

Il n’est ainsi pas envisagé de pouvoir recourir à un acte préparatoire. Tout du moins pas à long terme sur une base moyenne de 500 000 individus ; chaque courrier supplémentaire

ayant un coût unitaire minimum de 0,60 € représentant près de 300 000 € sur le budget global

de la campagne (cf. annexes), et nous mesurons désormais la difficulté d’établir une telle requête par téléphone (cf. Cotelco). Nous convierons donc à la place les sujets à se remémorer leurs propres conduites de prévention, leurs propres actes préparatoires, et à les unir sous la bannière d’une unique cognition ; leur motivation intrinsèque à veiller sur leur santé.

Nous en sommes bien conscients ; l’action gagne en faisabilité ce qu’elle tend à perdre en efficacité. De notre point de vue, il serait néanmoins frustrant pour ADECA Alsace d’avoir entre les mains une solution miracle hélas impossible à mettre en œuvre. Cela d’autant plus qu’une stratégie approchante, le pied-dans-la-mémoire, montre des bénéfices évidents sur l’adhérence (Aronson et al., 1991 ; Girandola et Roussiau, 2003 ; Martinie et Fointiat, 2010), la dissonance court-circuitant le recours aux stratégies défensives (Joule, 1987a).

 La perspective fera donc l’objet d’un courrier C : Autonomie, diplomatie et

155 3.2.3. Intérêt d’une adaptation de la porte-au-nez

La porte-au-nez améliore sans conteste l’adhérence (Cialdini et al., 1975 ; DeJong, 1979 ; Dillard, Hunter et Burgoon, 1984 ; Fern et al., 1986 ; O’Keefe et Hale, 1998 ; 2001 ; Pascual et Guéguen, 2005). Elle a l’avantage de produire des effets même par écrit (Guéguen, 2003 ; O’Keefe et al., 2001). Associé au bénéfice de la communication persuasive, le paradigme représente une piste d’investigation sérieuse pour susciter la participation (objectif 2), ce d’autant plus qu’il bénéficie d’un retour particulièrement positif de la part des médecins (Millar, 2001) et des individus y étant exposés (Benton et al., 1972 ; Cialdini et Ascani, 1976), améliorant de sorte la qualité du processus de décision (objectif 1).

De la même manière que précédemment, notre application s’inspire de la porte-au-nez sans être la porte-au-nez. Elle ne s’apparente à aucun paradigme connu. L’adaptation veille néanmoins à poursuivre les mêmes enjeux, à savoir faire appel aux ressources valorisées de l’individu (sens des responsabilités, de la réciprocité, autonomie), lesquelles renvoient aux trois maillons centraux de sa motivation (besoin de compétence, d’appartenance et

d’autonomie) (Deci et Ryan, 2000 ; Ryan et Deci, 2000).

Comme nous le verrons, la déclinaison sollicitera particulièrement la responsabilisation, centrale dans l’implication de la personne dans ses décisions comme dans ses actes (Berkowitz, 1973 ; Darley et Latané, 1968) (objectif 1). Cela en mettant l’emphase sur son autonomie (contexte de liberté) tout en l’amenant à considérer l’importance d’acter une décision quelle qu’elle soit (faire le test, retourner le coupon), à fortiori lorsque l’instigateur de la requête s’avère être aussi respectable (Goldman et al., 1984 ; Takemura, 1993) qu’ADECA Alsace (association à but non lucratif, prévention de la santé).

 La perspective fera donc l’objet d’un courrier D : Autonomie, diplomatie et

responsabilisation.

3.2.4. Conformité de la communication engageante avec l’articulation

La table 12 ci-après illustre la façon dont la communication engageante peut permettre de satisfaire aux principes d’amélioration (leviers) des campagnes de promotion issus de notre travail théorique. La grille servira de canevas à la rédaction du courrier de persuasion B –

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Autonomie, diplomatie et valorisation de la motivation intrinsèque – et D – Autonomie, diplomatie et responsabilisation –.

Table 12. Correspondance entre les principes du modèle articulateur et les apports de la communication engageante

 1) La communication doit être accessible pour être pertinente.

- Utiliser des indices centraux et périphériques pour susciter l’attention du sujet quelle que soit sa probabilité d’élaboration. - Employer un discours ajusté à sa compréhension (langue, vocabulaire non spécifique).

- Soigner les caractéristiques du message (vividité, couleurs, concision, effets d’emphase). - Privilégier un canal adapté à l’usage du public ciblé par la communication (invitations postales).

 2) La communication doit pouvoir susciter ou réactiver un inconfort motivant.

- Sensibiliser le sujet à la sévérité du risque par un dosage adéquat de la menace (perspective d’atteinte d’une ressource). - Susciter chez lui un sentiment de vulnérabilité par un cadrage proximal du risque.

- Susciter chez lui un sentiment de vulnérabilité par l’emploi de qualificatifs (fréquence) plutôt que par l’épidémiologie. - Susciter chez lui un sentiment de vulnérabilité par un cadrage négatif impliquant.

 3) La communication doit savoir appuyer et soutenir les vecteurs du changement.

- Faire prendre conscience à la personne que le comportement permet un contrôle sur le risque (forte utilité perçue). - Induire chez elle un sentiment d’efficacité élevé par un cadrage positif des bénéfices de l’action recommandée. - Induire chez elle un sentiment d’efficacité élevé par un cadrage proximal de ces bénéfices.

- Valoriser la confiance de la personne en ses capacités à mettre en œuvre la recommandation (étiquetage, soutien). - Renforcer son sentiment d’auto-efficacité en lui faisant percevoir la solution de manière moins coûteuse (praticité). - Valoriser son expérience passée (actes préparatoires) et lui faire remémorer son expérience vicariante.

- Impliquer l’individu par la mise en place d’un contexte d’engagement (internalisation, haut niveau d’identification).

 4) La communication doit veiller à ne pas induire d’inconfort délétère au changement.

- Limiter les informations laissant penser à tort à l’inutilité de la solution (limites du test).

- Restreindre les données non significatives pouvant faire assimiler la recommandation à un danger (effets secondaires). - Lever l’ambiguïté de la communication (consensus entre experts).

- Valoriser l’autonomie de la personne (contexte de choix, évocation sémantique de la liberté, partenariat).

 5) La communication doit faire émerger les tensions incompatibles avec le statu quo.

- Prendre en considération l’éventail complet des motivations du sujet à réaliser le comportement (besoin de compétence, besoin d’appartenance, besoin de contrôle).

- Mettre la personne en condition de ne pouvoir assouvir certaines motivations qu’au moyen de l’action recommandée (maintien d’une image favorable, respect des normes de responsabilité, de réciprocité, de consistance).

- Susciter et/ou amplifier certaines tensions-rebond (peur, culpabilité, dissonance).