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Le concept est une similitude de la chose

Nous disons que le mot est un signe du concept, et le concept, une similitude de la chose. Mais pourquoi ne disons-nous pas que le concept est un signe de la chose? Le concept, en effet, n’est-il pas aussi un signe de la chose? Oui et non.

38 Ibid, chapitre II, 3, page 139. 39 Ibid., chapitre III, 4, page 141.

D’une manière, nous pouvons dire que le concept est un signe de la chose, simplement parce qu’il est une similitude de la chose. Le concept, en effet, est une similitude de la chose, parce qu’il a la même forme que la chose. Et il a la même forme que la chose, parce que l’homme reçoit dans !’intelligence la forme intelligible de la chose, comme il reçoit dans le sens la forme sensible de la chose. Et de cette manière, le concept est un signe de la chose, parce qu’il fait connaître la chose, dont il est une similitude.

Mais d’une autre manière, bien que le concept fasse connaître la chose, nous ne disons pas cependant qu’il est un signe de la chose, mais une similitude de la chose. Nous disons, en effet, que le mot est un signe de la chose. De telle sorte que si nous disions que le concept aussi est un signe de la chose, on pourrait alors penser que le concept est un signe de la chose, de la même manière que le mot. Or, le mot est un signe artificiel de la chose, tandis que le concept est un signe naturel. Et de cette manière, nous ne disons pas que le concept est un signe de la chose, mais une similitude de la chose, pour que l’on ne pense pas que le concept est un signe artificiel de la chose.

C’est l’intelligence, par les concepts, qui unit les mots aux choses. Saint Thomas aurait pu dire que les concepts sont signes des choses, mais parce que les concepts sont des choses naturelles, il emploie le terme similitude·, les mots sont signes du concept et les concepts similitudes des choses.40

De plus, nous ne disons pas que le concept est un signe de la chose, parce qu’il n’est pas un signe, à strictement parler. Et pourquoi? Parce qu’un signe, à strictement parler, fait non seulement connaître une autre chose, mais il est lui-même connu directement, par le sens. Or, le concept, bien qu’il fasse connaître la chose dont il est une similitude, n’est cependant pas connu directement, par le sens, puisqu’il est dans !’intelligence. Et le mot? Il est un signe de la chose, à strictement parler, parce qu’il est connu directement, par le sens. En effet, ou bien le mot est entendu quand il est parlé, ou bien il est vu quand il est écrit. Et de cette manière, nous ne disons pas que le concept est un signe de la chose, parce qu’il n’est pas, à strictement parler, un signe de la chose.

Un effet sensible a par lui-même ceci qu’il conduit à la connaissance d’une autre chose, comme se faisant connaître premièrement et par lui-même à l’homme, parce que toute notre connaissance tire son origine du sens. Mais les effets intelligibles n’ont pas ceci qu’ils puissent conduire à la connaissance d’une autre chose, sinon en tant qu’ils sont manifestés par une autre chose, c’est-à-dire par certaines choses sensibles. Et de là vient que sont premièrement et principalement dites des signes les choses qui s’offrent aux sens, comme Augustin dit dans le deuxième livre du traité sur La doctrine chrétienne, où il dit que “le signe est ce qui, en plus de l’aspect qui se présente aux sens, fait venir quelque chose d’autre à la connaissance.” Or, les effets intelligibles n’ont pas raison de signe, sinon selon qu’ils ont été manifestés par certains signes.41

Ainsi donc, nous ne disons pas que le concept est un signe de la chose, mais une similitude de la chose. Cependant, le mot n’est pas une similitude de la chose, parce qu’il n’a pas la même forme que la chose.

41 Saint Thomasd’Aquin, Summa theologiae, op. cit., tomus IV, pars III, questio LX, articulus IV, ad

1, 281 lb26-42: “Effectus autem sensibilis per se habet quod ducat in cognitionem alterius, quasi primo et per se homini innotescens, quia omnis nostra cognitio a sensu oritur. Effectus autem intelligibiles non habent quod possint ducere in cognitionem alterius nisi inquantum sunt per aliud manifestati, idest per aliqua sensibilia. Et inde est quod primo et principaliter dicuntur signa quae sensibus offeruntur, sicut Augustinus dicit in II De

Doctr. Christ., ubi dicit quod “signum est quod praeter speciem quam ingerit sensibus, facit aliquid aliud in

cognitionem venire”. Effectus autem intelligibiles non habent rationem signi nisi secundum quod sunt manifestati per aliqua signa.”