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II. Le développement neuronal

3. Le cône de croissance

Le cône de croissance a été décrit pour la première fois par Ramon Y Cajal en 1890 comme « Une concentration du protoplasme sous une forme canonique dotée d’un mouvement amiboïde. D’un point du vue fonctionnelle, il peut être considéré comme une sorte de bélier ‘battering ram’, doté d'une sensibilité chimique magnifique, avec des mouvements amiboïdes rapides et avec une certaine force impulsive, grâce à laquelle il est en mesure d’avancer et surmonter les obstacles rencontrés sur son chemin jusqu'à ce qu'il arrive à sa destination» (Levine and Marcillo, 2008, Levine et al., 2008). En 1907, Ross Harrison a confirmé l’existence de cette structure motile en utilisant pour la première fois des neurones d’embryon de grenouille R. pipiens in

vivo. Il a décrit le développement neuronal comme suit : Les expériences ont montré

que le développement d’un neurone est basé sur deux phénomènes : i) La formation du nerf primitif via l’extension du protoplasme neuroblastique en filament, ii) La formation des « neurofibrillae » ou cytosquelette dans ces filaments (Keshishian, 2004). Avec les connaissances et les techniques dont nous disposons aujourd’hui,

Le cône de croissance est donc cette structure amiboïde située au bout de l’axone en croissance et qui est spécialisé dans l’élongation et le guidage du neurite, de l’axone ou de la dendrite en croissance. Les cônes de croissance de l’axone et des dendrites se ressemblent morphologiquement et fonctionnellement, à l’exception de la présence des polyribosomes dans le cas des dendrites (Miller and Peters, 1981, Miller, 1988).

Le cône de croissance est capable d’explorer son entourage et de répondre à des signaux environnementaux variés. Il est responsable de la génération des forces, grâce au remodelage de son cytosquelette, nécessaires à sa progression et donc à l’élongation axonale (Lamoureux et al., 1997). Il contient principalement deux composants du cytosquelette, les filaments d’actine ou actine-F et le microtubules (MT) (Dent and Gertler, 2003). La grande dynamique de cette structure et le décodage des informations extracellulaires lui permettent de trouver son chemin et sa cible avec une précision impressionnante. Ce sont les molécules d’adhésion qui assurent le guidage du cône. Ces molécules peuvent être présentées soit par les cellules avoisinantes, comme les molécules transmembranaires d’adhésion cellulaire ou CAM (Maness and Schachner, 2007) ou par la matrice extracellulaire, comme les laminines et les fibronectines (Evans et al., 2007). En fait, ces molécules fournissent la surface nécessaire pour l’adhésion des récepteurs du cône et elles activent aussi la signalisation cellulaire utilisée par la machinerie du guidage axonal. D’autres molécules inhibent l’adhésion du cône induisant ainsi sa rétraction, comme les éphrines par exemple (Guan and Rao, 2003).

3.1. Structure du cône de croissance

Le cône consiste en un prolongement protoplasmique contenant la majorité des organelles et des régions périphériques minces et motiles. Ces extensions périphériques peuvent prendre soit i) la forme de filopodes qui sont des structures longues et fines ressemblant à des projections minces sous forme de doigts, ou ii) la forme des lamellipodes qui correspondent à de larges extensions membranaires. Ces deux extensions sont riches en filament d’actine. Les filaments d’actine forment un réseau polygonal complexe directement en dessous de l'ensemble de la membrane plasmique du cône de croissance et ils représentent pratiquement le seul

constituant des filopodes et des lamellipodes (Bunge, 1973, Yamada and Wessells, 1973). La dynamique de ces deux structures est assurée par un flux de filaments d’actine et des protéines associées (Bray and Chapman, 1985).

La distribution différentielle de ces deux composants majeurs du cytosquelette au sein du cône permet de définir ou distinguer trois régions différentes. En effet, le cône de croissance est caractérisé par un domaine central (C) riche en microtubules (MT), un autre domaine périphérique (P) constitué de lamellipodes et de filopodes et qui est riche en filaments d’actine, et pour finir une zone dite de transition (T) qui est située entre ces deux domaines (Figure 3).

En plus de son cytosquelette, le cône de croissance contient différentes structures membranaires comme le réticulum irrégulier, des vésicules claires, des vacuoles, des vésicules recouvertes, des vésicules à cœur dense, des mitochondries et des structures lysosomales (Tennyson, 1970) (Del Cerro et al., 1968).

Figure 3: Structure et organisation du cytosquelette au sein du cône de croissance.

L’actine est en vert et les microtubules en rouge.

3.2. Organisation et dynamique du cytosquelette au sein du cône de croissance

Pour sa mobilité, le cône de croissance engage son cytosquelette en réponse aux signaux extracellulaires. Ces signaux agissent sur la dynamique des microtubules et

indispensable pour la croissance neuritique et le guidage du cône de croissance (Letourneau and Ressler, 1984, Lowery and Van Vactor, 2009). Certaines études ont montré que la dépolymérisation des microtubules, par la colchicine, n’affecte pas immédiatement les filopodes mais induit une rétraction de l’axone (Yamada and Wessells, 1971). En revanche, la dépolymérisation de l’actine-F, avec la cytochalasine B, induit la rétraction des filopodes du cône et l’arrêt de l’extension axonale (Yamada et al., 1970). Plus tard, d’autres études ont montré que la dépolymérisation de l’actine-F n’affecte pas l’extension axonale, mais en revanche, elle cause une croissance mal orienté (Lafont et al., 1993, Dent and Kalil, 2001). Ceci suggère bien que le cytosquelette d’actine assure la morphologie du cône et son guidage, alors que les microtubules sont essentiels pour la structure de l’axone et son élongation.

3.3. Le cytosquelette d’actine

Il se présente sous forme de microfilament ou filaments d’actine (actine-F pour actine filamenteuse). Ces filaments sont des polymères hélicoïdaux, résultant de la polymérisation de monomères d’actine ou l’actine globulaires (Actine-G). Les neurones contiennent les isoformes non musculaires : l’actine β et γ (Choo and Bray, 1978).

3.4. La dynamique de l’actine

L’actine-F est un polymère polarisé puisqu’il possède une extrémité à croissance rapide (extrémité ‘+’ ou « barbed end) et une extrémité à croissance lente, qui est le siège préférentiel de la perte de monomères d’actine monomérique ou actine-G (extrémité ’–’ ou pointed end). Les filaments d’actine sont composés de monomères d’actine couplés à l’ATP ou l’ADP. L’hydrolyse de l’ATP en ADP est irréversible et joue un rôle dans le désassemblage des filaments d’actine. La croissance de microfilament d’actine est caractérisée en partie par un mécanisme de tapis roulant (treadmilling) correspondant à l’addition au niveau de l’extrémité (+) de monomères issus de la dépolymérisation de l’extrémité (-). Les monomères actine-ADP sont dissociés lentement au niveau de l’extrémité (-), tandis que les monomères

actine-ATP sont associés au niveau de l’extrémité (+). L’hydrolyse de l’actine-ATP est essentielle pour maintenir le processus de « treadmilling » (Fujiwara et al., 2002). La dynamique de cette structure (polymérisation, stabilité et destruction) est hautement régulée pendant chaque stade de la progression du cône. Dans le cône, l’extrémité (+) est orienté vers la membrane plasmique, alors que l’extrémité (-) est orientée vers la zone de transition T (Dent and Gertler, 2003)

Le cytosquelette d’actine est hautement dynamique dans le domaine périphérique (P) et la zone de transition (T), où il est constamment réorganisé, alors qu’au niveau du domaine central l’actine est plus stable. Les filaments d’actine sont assemblés à l’extrémité distale des filopodes et des lamellipodes. Ils sont transportés d’une manière rétrograde vers la zone (T) où ils sont recyclés et désassemblés (Lin and Forscher, 1995, Schaefer et al., 2002). Ce transport rétrograde vers la zone (T) est assuré par la protéine moteur myosine II. C’est dans cette zone que les molécules de la myosine II forment un arc contractile avec l’actine (Medeiros et al., 2006). Le flux rétrograde de l’actine dans le cône ainsi que la polymérisation en tapis roulant permettent ainsi de fournir la force nécessaire à l’avancée du cône (Burnette et al., 2008).

3.5. Les microtubules

Les microtubules ont des structures protéiques de forme cylindrique polarisées. Ils présentent une extrémité dite « moins » et d’une extrémité dite « plus » orientée vers la périphérie de la cellule. L’extrémité plus est nommée ainsi car elle présente une vitesse d’assemblage des dimères de tubulines plus élevée. Ils sont composés de dimères de tubuline assemblé en un réseau linéaire. Ces dimères de tubuline sont formés d’unités hétérodimériques de tubuline α et β. Ces dimères sont capables de s’autoassocier longitudinalement pour former dans un premier temps un protofilament ; ces derniers s’associant ensuite de manière hélicoïdale pour former un microtubule. L’association de chaque dimère est dépendante de la liaison du GTP (Carlier, 1982). Entre 11-15 protofilaments qui formeront la paroi de MT donnent naissance à une structure tubulaire de 25 nm de diamètre (Luduena, 1998).

Au niveau du cône de croissance, les MT du domaine P agissent comme des senseurs du guidage, alors que ceux du domaine C sont impliqués dans l’orientation du cône (Gordon-Weeks, 2004). Les MT servent aussi comme un support au transport axonal antérograde et rétrograde rapides.

Pour finir, les MT interagissent aussi avec l’actine. Cette interaction semble contrôler la localisation des MT et leurs dynamiques (Lowery and Van Vactor, 2009, Dent et al., 2011, Suter and Miller, 2011).