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La typologie de Fouquet, Gauvin et Letablier (1999)

Politiques familiales et conciliation entre vie familiale et vie professionnelle

5.2 Les politiques familiales en Europe

5.2.1 La typologie de Fouquet, Gauvin et Letablier (1999)

Après avoir exposé la typologie de Fouquet, Gauvin et Letablier (1999), nous présentons les politiques familiales françaises et tentons de situer la France au regard de cette typologie. Etablir une typologie est compliqué et en effectuant un tel exercice, on laisse nécessairement de côté certaines caractéristiques des pays. Néanmoins, l’avantage est qu’en regroupant des pays qui se « ressemblent » par certains aspects, il est possible d’identifier des expériences communes de politique publique et de se faire une première idée de celles qui semblent faciliter la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Fouquet, Gauvin, et Letablier (1999) ont établi une typologie qui classe les nations européennes en quatre groupes suivant les politiques menées et les programmes offerts.

Le modèle « social-démocrate universaliste » caractérise en particulier les pays scandinaves (Suède, Finlande et Danemark) où l’action publique se donne pour objectif de garantir l’égalité entre hommes et femmes ainsi que le bien-être des citoyens et en particulier celui des enfants. Il se caractérise en outre par une négociation collective et un dialogue social développés et puissants grâce auxquels les pays ont pu mettre en place des actions variées et des prestations généreuses pour permettre aux parents de concilier responsabilités familiales et professionnelles. Ce modèle privilégie donc la possibilité pour les hommes et les femmes de se maintenir en emploi tout en assumant leurs responsabilités familiales. Trois éléments caractérisent ce modèle : une grande qualité et variété de mesures publiques (services publics accessibles et développés de garde d’enfants, aménagement du temps de travail, congés parentaux), l’égalité entre hommes et femmes (lois et politiques publiques incitant à un partage plus équitable des temps dédiés au travail et à la famille), et une action gouvernementale fondée sur la notion de citoyenneté (égalité des individus : politiques de l’enfance et d’égalité des sexes). C’est dans les pays où l’on trouve ce modèle que les taux d’activité féminin et de fécondité sont les plus élevés. Même s’il existe des temps partiels involontaires, l’action publique vise à en réduire l’impact en allongeant la durée du temps partiel. Ainsi, les temps partiels y sont plus longs que la moyenne européenne.

Le modèle « conservateur » est typique de l’Europe continentale (Allemagne, Autriche, Pays-Bas) qui privilégie la protection de la famille en tant qu’institution. Typiquement en Autriche, les membres de la famille sont des ayants droit du chef de famille en matière de protection sociale. Jusqu’au début des années 1980, l’activité professionnelle des femmes était peu encouragée. On a donc plutôt une alternance entre emploi et famille qu’une véritable conciliation. Les politiques publiques incitent plutôt les femmes à opter pour une stratégie d’entrée et de sortie du marché du travail qui permet de combiner emploi et famille, mais à des moments différents. L’Etat encourage les femmes à quitter le marché du travail ou à réduire leur temps de travail pour élever leurs enfants en bas âge et à y revenir quand ils sont grands, le plus souvent à temps partiel. Le taux d’activité des femmes est important mais nombre d’entre elles prennent des congés parentaux et travaillent à temps partiel ce qui réduit leur revenu, leur qualification et leurs possibilités de carrière. En Allemagne, le congé parental rémunéré a ainsi été mis en place afin de préserver le rôle des mères au sein de la famille au détriment de la continuité de leur vie professionnelle. Aux Pays-Bas, le temps partiel a davantage été encouragé dans le but de motiver l’entrée des femmes dans la vie active et ainsi de passer d’un modèle de la « femme au foyer » à un modèle de ménage à deux actifs. Aujourd’hui les temps partiels tendent à s’y allonger. Les équipements collectifs pour la petite enfance sont peu développés en Allemagne et aux Pays-Bas.

Le modèle « libéral » est associé aux pays anglo-saxons qui se caractérisent par leur non- interventionnisme visant à respecter la liberté individuelle et la vie privée. Il y a dans ces pays une quasi-absence de mesures étatiques en matière de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Par exemple, le Royaume-Uni a longtemps retardé la transposition des directives européennes sur le congé de maternité dans sa législation nationale et le congé parental n’existe pas. L’offre de modes de garde est rare, d’initiative locale ou privée. Dans la mesure où la négociation collective est faible et décentralisée, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle est laissée à l’initiative des individus et des employeurs. Afin d’éviter l’inactivité prolongée des mères qui élèvent leurs enfants seules, et le coût que cela représenterait pour les finances publiques, le Royaume-Uni a mis en place des politiques d’incitation au travail des personnes bénéficiaires de l’aide sociale : la « welfare to work », inspirée des Etats-Unis. Dans les couples, le modèle de l’homme principal apporteur de ressources (« male bread-winner ») et d’une répartition sexuée des tâches au sein des couples reste dominant. Pour toutes ces raisons, les femmes travaillent en majorité à temps partiels courts (vingt heures ou moins par semaine).

Le modèle « méridional » des pays du sud de l’Europe se caractérise également par une absence de politiques publiques. La même absence de législation prévaut que dans les pays anglo-saxons, mais pour des raisons différentes. En Espagne par exemple, les principes communautaires ont été accueillis favorablement mais leur mise en œuvre est longue parce que coûteuse. Dans ces pays, la famille est une institution et ce sont les solidarités familiales qui permettent notamment de concilier vie familiale et vie professionnelle. Malgré une hausse importante des taux d’activité féminine depuis les années 1990, ceux-ci restent faibles. De plus, dans la mesure où la société ne s’est pas encore adaptée au travail féminin, les tensions entre vie familiale et vie professionnelle sont fortes et la fécondité dans ces pays est la plus faible d’Europe. Certains progrès semblent apparaître grâce à de nouveaux acteurs locaux (municipalité, région).