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L’impact de l’allocation parentale d’éducation sur la participation des mères de deux enfants au marché du travail

Conciliation entre vie familiale et vie professionnelle : l’effet du congé parental

6.3 L’impact de l’allocation parentale d’éducation sur la participation des mères de deux enfants au marché du travail

L’impact de l’allocation parentale d’éducation sur la participation des mères au marché du travail peut être estimé à partir de différences de différences (Piketty, 2005). La méthode d’estimation la plus simple qui consiste à comparer le taux d’activité des mères de deux enfants dont le benjamin a moins de trois ans avant et après la réforme ne permet pas de neutraliser la tendance générale à la hausse de l’activité des mères. Les estimations en différences de différences permettent de résoudre cette insuffisance. On suppose que si la réforme n’avait pas été mise en place, l’évolution du taux d’activité des mères de deux enfants dont le benjamin a moins de trois ans aurait été identique à celle du taux d’activité des autres mères ayant un enfant de moins de trois ans.

L’estimation en différences de différences de l’effet de l’extension de l’Allocation parentale d’éducation sur la participation des mères au marché du travail consiste à régresser cette dernière sur le fait que la mère ait pu bénéficier de l’Allocation parentale d’éducation pour son deuxième enfant (ape2), sur le fait qu’elle ait eu un troisième enfant (x) et sur l’interaction entre ses deux variables.

On estime l’équation suivante sur l’échantillon des mères ayant au moins deux enfants : i i i i i i i i i w s s ape x x ape y =α'01 12 23 2 +δ12 ∗ 2 +ε (6.1)

Où yi est une indicatrice qui vaut 1 si la mère est active, xi est une indicatrice qui vaut 1 si la

avant ou après juillet 1994 et donc si la mère a pu bénéficier ou non de l’Allocation parentale d’éducation à sa naissance. On note sji le sexe de l’enfant de rang j. Il est égal à 1 si l’enfant

est un garçon, 0 si l’enfant est une fille. Les autres variables explicatives sont des indicateurs d'âge, d'âge à la première naissance, la différence d’âge entre les deux aînés (en mois), le statut d’immigration, le niveau de diplôme et des effets fixes annuels.

La variable d’interaction entre ‘plus de 2 enfants’ (xi) et ‘ape2’ vaut 1 si la mère a eu un

troisième enfant et que le second est né après juillet 1994. Le coefficient δ2 donne alors

l’impact de l’Allocation parentale d’éducation sur la participation des mères au marché du travail.

Les résultats de l’estimation de l’équation 6.1 sont présentés dans la première colonne du tableau 6.2. Nos estimations suggèrent un impact de l’Allocation parentale d’éducation sur l’activité des mères de deux enfants dont le deuxième a moins de trois ans d’environ 16 points. Piketty (2005) estime une équation de ce type par probit et trouve que l’extension de l’Allocation parentale d’éducation aux mères de deux enfants a réduit leur taux d’activité d’une vingtaine de points. Suivant la spécification retenue, l’effet marginal qu’il obtient passe d’environ 15 points à 22 points. Avec une méthode d’estimation, une spécification et des échantillons différents, nous obtenons des résultats relativement proches de ceux de Piketty (2005).

Tableau 6.2 – Impact de l’Allocation parentale d’éducation sur la participation des mères au marché du travail

MCO DMC Même sexe DMC Jumeaux-2 MCO DMC Jumeaux-1 0,162*** (0,029) 0,243 (0,631) 0,222*** (0,078) -0,152*** (0,009) -0,128 (0,089) 23407 23407 23407 37217 37217

Plus de 2 enfants Plus d'1 enfant

N

Variable explicative : Technique d'estimation:

Degré de significativité : * : 10% ** : 5% *** : 1%

CHAMP :Dans les trois premières colonnes : femmes en couple âgées de 21 à 35 ans ayant au moins deux enfants et dont au moins un des trois premiers enfants a moins de trois ans. Dans les deux dernières colonnes :femmes en couple âgées de 21 à 35 ans ayant au moins un enfant et dont au moins un des deux premiers enfants a moins de trois ans.

NOTE : les écarts-types sont indiqués entre parenthèses et corrigés des corrélations spatiales et sérielles potentielles. Les autres explicatives sont les indicateurs d'âge, d'âge à la 1ère naissance, le statut d’immigration, le diplôme et des effets fixes annuels. Dans les trois premières colonnes sont inclus également : la différence d’âge entre les deux aînés, le sexe du premier et du deuxième enfant et l'effet principal de l'Allocation parentale d’éducation de rang deux.

Ces résultats sont également très proches de ce qu’on observait en statistiques descriptives (graphique 6.1). Sous l’hypothèse que sans la réforme le taux d’activité des mères de deux enfants aurait évolué comme celui des mères d’un enfant ou de trois enfants ou plus, leur taux d’activité aurait été d’environ 70% en 1998. Il n’était en réalité que de 53%, soit une différence de 17 points. Autrement dit, l’introduction d’effets fixes annuels et de caractéristiques individuelles ne modifie pas substantiellement les estimations.

Supposer que, sans la réforme, le taux d’activité des mères de deux enfants aurait évolué de la même manière que celui des mères qui ne sont pas impactées par la réforme revient à supposer que la différence de taux d’activité des mères selon le nombre d’enfants est identique avant et après la réforme. Autrement dit, le biais affectant l’estimation par les moindres carrés ordinaires de l’effet de la fécondité sur l’activité des mères ne varie pas après la réforme. Si on note y = β1 x ape2 + β2 x (1-ape2) + ε, on a :

) ( ) , cov( ˆ 1 1 x V x ε β β = + , après la réforme ) ( ) , cov( ˆ 2 2 x V x ε β β = + , avant la réforme

Où le rapport entre la covariance de x avec ε et la variance de x représente le biais potentiel des estimations par les moindres carrés ordinaires. D’après les résultats du chapitre 4, l’estimation de l’impact de la fécondité sur l’activité est biaisé, c’est-à-dire que cov (ε,x) ≠ 0. Dans ce cas, βˆ1−βˆ2= β1 - β2 si la covariance ne varie pas selon que les mères de deux enfants

soient exposées ou non à la politique. En revanche, si ε est corrélé avec (x ape2), la covariance est différente avant et après la réforme, et βˆ1−βˆ2 est biaisé.

Afin de tester le biais potentiel affectant les estimations en différences de différences, nous instrumentons la variable de fécondité xi par les différents instruments déjà utilisés au

chapitre 4, à savoir ‘même sexe’ (qui vaut 1 si les deux aînés sont de même sexe) et ‘jumeaux- 2’ (qui vaut 1 si la deuxième naissance était gémellaire).

Les estimations obtenues par les doubles moindres carrés donnent une estimation non biaisée de β1 et β2, et par conséquent une estimation non biaisée de β1 - β2. D’après le tableau

6.2, les estimations de βˆ1−βˆ2 ne sont pas significativement différentes lorsqu’on utilise les doubles moindres carrés plutôt que les moindres carrés ordinaires. Cela suggère que le biais affectant les estimations par les moindres carrés ordinaires ne varie pas selon que les mères de

deux enfants soient éligibles ou non à l’Allocation parentale d’éducation et que l’estimation en différence de différence n’est pas biaisée.

Plus précisément, les estimations par variable instrumentale confirment les estimations en différence de différence. Lorsque ‘même sexe’ est utilisé comme instrument, les estimations sont imprécises et, bien que de même signe, le coefficient est non significatif. Lorsque les naissances gémellaires de rang deux sont utilisées comme instrument, on trouve que l’Allocation parentale d’éducation a un impact significativement négatif d’environ 22 points sur l’activité des mères de deux enfants. Ce résultat est également confirmé sur l’échantillon élargi des mères d’au moins un enfant (deux dernières colonnes). Dans ce cas, le coefficient estimé par les doubles moindres carrés (-0,128) est significatif au seuil de 14%.

Par conséquent, la décision de participation des mères d’au moins deux enfants au marché du travail semble être fortement influencée par l’incitation financière que constitue l’Allocation parentale d’éducation. Ceci est cohérent avec le résultat de Piketty (2005) selon lequel fin 1997, sur 220 000 allocataires de l’Allocation parentale d’éducation de rang deux à taux plein, entre 50% et 70% n’auraient pas arrêté de travailler à la naissance de leur deuxième enfant si elle n’avaient pas pu bénéficier de l’allocation.