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Données et statistiques descriptives

Conciliation entre vie familiale et vie professionnelle : l’effet du congé parental

6.2 Données et statistiques descriptives

Les données utilisées dans cette section sont celles des enquêtes Emploi de 1990 à 1998. Nous n’utilisons pas les données issues des recensements de population de 1990 et 1999. Le premier est disponible au quart et le second au vingtième, ce qui rend les résultats difficilement comparables. De plus, le recensement de 1990 ne donne pas la date de naissance exacte des enfants ce qui empêche d’identifier les naissances gémellaires. Le choix de la période 1990-1998 résulte d’un arbitrage entre avoir un maximum d’observations pour produire des estimations par variables instrumentales précises, et isoler l’effet de l’extension de l’Allocation parentale d’éducation des autres changements ou réformes qui ont pu affecter l’effet de la fécondité sur l’activité des mères. 1990-1998 est la période la plus longue que nous pouvons utiliser74. Nous excluons les années précédentes car entre 1989 et 1990, l’enquête Emploi a été modifiée, et nous excluons les années ultérieures parce que la réforme des 35 heures a été annoncée en juin 1998 (l’enquête Emploi ayant été menée en mars 1998).

Notre échantillon est constitué de femmes en couple de 21 à 35 ans ayant au moins deux enfants et dont au moins un est âgé de moins de trois ans au moment de l’enquête (N = 23 407). Nous vérifions que l’échantillon élargi des mères âgées de 21 à 40 ans donne des résultats qualitativement identiques. L’échantillon est restreint aux mères en couple qui étaient a priori les seules concernées par la réforme (puisque les mères élevant seules un jeune enfant pouvaient généralement bénéficier d’une allocation supérieure à l’Allocation parentale d’éducation depuis 1976). De plus, l’allocation étant destinée aux mères d’au moins deux enfants dont au moins un est âgé de moins de trois ans, l’échantillon est restreint aux mères de deux enfants dont le deuxième a moins de trois ans et aux mères de trois enfants ou plus dont le troisième a moins de trois ans. La sélection de l’échantillon ne se fait donc pas sur le nombre d’enfants ce qui biaiserait notre échantillon, mais sur l’âge des enfants. Nous

74 Piketty (2005) s’arrête en 1997, mais afin de comparer l’effet d’avoir plus de deux enfants suivant que les

mères ont eu leur deuxième enfant avant ou après juillet 1994, nous conservons également 1998 afin que notre échantillon contienne suffisamment de mères de trois enfants ayant eu leur second enfant après la réforme.

sélectionnons les mères d’au moins trois enfants en fonction de l’âge du troisième enfant plutôt que du dernier afin de pouvoir comparer les réductions d’activité lorsque le second et le troisième enfant sont dans la même tranche d’âge. De plus, l’âge du dernier enfant est corrélé avec le nombre d’enfants : plus une mère a d’enfants, plus le dernier est jeune, plus la probabilité qu’elle soit dans notre échantillon est grande. Dans ce cas, notre échantillon serait biaisé : les mères ayant plus de trois enfants seraient surreprésentées par rapport aux mères ayant trois enfants.

Le tableau 6.1 donne quelques statistiques descriptives. Parmi toutes les femmes ayant deux enfants ou plus et dont au moins un a moins de trois ans, 30% en ont eu au moins un troisième. Dans cet échantillon, un peu plus de 50% des familles ont des aînés du même sexe et un peu plus de 51% des premières naissances sont des garçons ce qui est conforme aux statistiques nationales. Environ 0,9% des secondes naissances sont gémellaires.

Nous présentons dans la seconde partie du tableau 6.1 quelques caractéristiques sociodémographiques. Dans notre échantillon, les mères ont en moyenne 30 ans et ont eu leur premier enfant à environ 23 ans et demi. 37% des mères de notre échantillon n’ont pas de diplôme et environ 20% ont un diplôme supérieur au baccalauréat. Comparé à la population générale, les mères de notre échantillon ont eu leur premier enfant plus tôt et sont moins diplômées. L’âge moyen à la première maternité était de 26 ans en 1990 et 27 ans en 1998 (Ined). Dans la période 1990-1998, parmi les femmes de 21 à 35 ans, 30% n’ont pas de diplôme et 24% ont un diplôme supérieur au baccalauréat (enquêtes Emploi 1990-1998). Ces caractéristiques ne sont pas indépendantes de notre problématique. Elles pourraient résulter soit du fait que nous sélectionnons les mères ayant au moins deux enfants, soit du fait que ces dernières ont entre 21 et 35 ans. Pour tester si nos résultats sont sensibles au fait que notre échantillon est composé de mères relativement jeunes, nous les comparons aux résultats obtenus sur l’échantillon élargi des mères de 21 à 40 ans. Quoi qu’il en soit, les résultats obtenus sur cet échantillon ne concernent que les mères d’au moins deux enfants et ne peuvent être généralisés aux femmes sans enfant et aux mères d’un enfant. Dans la mesure où le nombre de mères françaises ayant plus de deux enfants a substantiellement diminué ces trente dernières années, l’étude de la transition de deux à plus de deux enfants présente un intérêt majeur (Breton et Prioux, 2005).

Tableau 6.1 - Statistiques descriptives, femmes âgées de 21 à 35 ans ayant 2 enfants ou plus et dont au moins un a moins de trois ans

Variables Toutes En couple

Caractéristiques de fécondité

Nombre d'enfants 2,31

(0,50)

2,31

(0,50)

Femmes ayant plus de deux enfants (1)

0,295

(0,456)

0,294

(0,456)

Femmes dont le 1er enfant est un garçon(1)

0,513

(0,500)

0,514

(0,500)

Femmes dont le 2ème enfant est un garçon(1)

0,512

(0,500)

0,511

(0,500)

Femmes dont les deux aînés sont des garçons(1)

0,264

(0,441)

0,264

(0,441)

Femmes dont les deux aînés sont des filles(1)

0,238

(0,426)

0,238

(0,426)

Femmes dont les deux aînés

sont de même sexe (1) 0,503 (0,500)

0,502

(0,500)

Jumeaux en 2ème position(1) 0,009 (0,096) 0,009 (0,097)

Caractéristiques sociodémographiques Age 30,1 (3,2) 30,2 (3,1)

Age à la 1ère naissance 23,6 (3,4) 23,7 (3,4) Aucun diplôme (1) 0,370 (0,483) 0,359 (0,480) Diplôme <= baccalauréat (1) 0,436 (0,496) 0,442 (0,497) Diplôme > baccalauréat (1) 0,194 (0,395) 0,199 (0,399)

Caractéristiques d'activité

Femmes qui travaillent (1) 0,559 (0,497) 0,556 (0,497) Heures travaillées (moyenne par

semaine) 34,0 (9,7)

33,9

(9,6)

Salaire mensuel (en francs) 6655 (3161) 6654 (3117) Nombre d'observations 24704 23407

Moyennes et (écarts-types)

CHAMP :femmes âgées de 21 à 35 ans ayant au moins deux enfants et dont au moins un a moins de trois ans. NOTE :ce sont des proportions.

La troisième partie du tableau 6.1 donne des statistiques descriptives sur l’offre de travail. Nous appelons « taux de participation au marché du travail » le pourcentage de mères de notre échantillon qui sont actives. Piketty (2005) utilise les taux d’emploi. Nous préférons utiliser ici les taux d’activité, c’est-à-dire que l’on intègre les chômeuses. L’objectif est d’étudier comment la réforme a modifié l’effet d’avoir plus de deux enfants sur la décision d’activité. Or, a priori une chômeuse a décidé de travailler, ce qui n’est pas le cas d’une femme inactive. Même si la frontière entre les deux situations est floue, il nous semble plus adéquat de considérer les taux d’activité plutôt que les taux d’emploi ce qui reviendrait à considérer la situation effective d’emploi des mères et non le « choix » qu’elles ont fait. On distingue ainsi les mères qui ont choisi de travailler et de ne pas bénéficier de l’Allocation parentale d’éducation, des mères inactives qui sont susceptibles de percevoir l’Allocation parentale d’éducation. Cette distinction est compatible avec les règles d’éligibilité à l’Allocation parentale d’éducation dans la mesure où elle ne peut être cumulée aux allocations chômage. Par conséquent, les chômeuses ne peuvent pas bénéficier de l’Allocation parentale d’éducation. Dans notre échantillon, 56% des mères sont actives. Pour le nombre d’heures travaillées par semaine, l’échantillon est restreint aux mères de deux enfants en emploi qui travaillent entre 10 et 60 heures par semaine. Les mères en emploi travaillent en moyenne 34 heures par semaine. Pour le salaire, l’échantillon est restreint aux mères de deux enfants en emploi qui travaillent entre 10 et 60 heures par semaine et dont le salaire mensuel est compris entre 1 500 et 60 000 francs. Leur salaire mensuel moyen est de 6 650 francs (environ 1 000 euros). Aucune différence n’apparaît entre l’échantillon complet et l’échantillon des femmes en couple.

L’évolution annuelle des taux d’activité et du nombre moyen d’heures hebdomadaires travaillées par les mères en emploi, en fonction du nombre d’enfants, est donnée au graphique 6.1. Le taux d’activité des mères d’un enfant âgé de moins de trois ans et celui des mères de trois enfants ou plus (dont le troisième a moins de trois ans) évoluent parallèlement entre 1990 et 1998. En particulier, ils ne diminuent pas en 1994-1995. En revanche, celui des mères de deux enfants dont le benjamin a moins de trois ans chute entre 1994 et 1998 de plus de 17 points (alors qu’il croissait entre 1990 et 1994). Seules les mères concernées par la réforme voient leur taux d’activité chuter, et ce, exactement au moment de sa mise en place. En conséquence, le taux d’activité des mères de deux enfants se rapproche de celui des mères de trois enfants ou plus (l’écart des taux d’activité passe ainsi de 37 points à 20 points sur la

période), tandis qu’il s’éloigne de celui des mères d’un enfant (l’écart des taux d’activité passe ainsi de 13 points à 30 points sur la période).

Graphique 6.1 – Evolution annuelle des taux d’activité et du nombre moyen d’heures travaillées par semaine par les mères en fonction du nombre d’enfants

Evolution des taux d'activité

30 40 50 60 70 80 90 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 date d'enquête en %

femmes ayant 1 enfant de moins de trois ans

femmes ayant 2 enfants dont un de moins de trois ans

femmes ayant 3 enfants ou plus dont le 3ème a moins de trois ans

CHAMP : mères en couple âgées de 21 à 35 ans et dont au moins un des trois premiers enfants a moins de trois ans. SOURCE : enquêtes Emploi 1990-1998, Insee.

Evolution du nombre d'heures travaillées

30 31 32 33 34 35 36 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 date d'enquête en n om bre d' he ur es

femmes ayant 1 enfant de moins de trois ans femmes ayant 2 enfants dont un de moins de trois ans

femmes ayant 3 enfants ou plus dont le 3ème a moins de trois ans

CHAMP : mères employées en couple âgées de 21 à 35 ans et dont au moins un des trois premiers enfants a moins de trois ans.

L’évolution des heures travaillées est moins claire mais fait apparaître le même type d’évolution : alors que le nombre moyen d’heures travaillées par les mères de deux enfants se rapproche de celui des mères de trois enfants ou plus (l’écart passe ainsi de 1,5 heure à 0,5 heure en moyenne), il s’éloigne de celui des mères d’un enfant (l’écart passe de 1 heure à 2 heures). Ces statistiques descriptives montrent que l’offre de travail des mères décroît à mesure que le nombre d’enfants augmente, et que cette corrélation entre fécondité et offre de travail des mères varie après la réforme de 1994. Ceci est cohérent avec l’idée selon laquelle l’effet négatif d’avoir plus de deux enfants sur l’activité des mères pourrait provenir en partie de l’Allocation parentale d’éducation.

6.3 L’impact de l’allocation parentale d’éducation sur la participation