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financement des entreprises

4.1 Imperfections du marché et coût de financement des firmes

4.1.3 La théorie de la hiérarchie de financement

La théorie de hiérarchie de financement essaie d‘expliquer les décisions de structure

de capital en prenant en considération d‘une manière inhérente l‘asymétrie d‘information qui

existe entre les différentes parties. Les premiers qui ont pris en considération l‘asymétrie d‘information dans la structure du capital sont Myers [1984] et Myers et Majluf [1984]. Ils

montrent que le choix de structure de capital atténue l‘inefficience des décisions

d‘investissement de la firme causée par l‘asymétrie d‘information. Nous avons rappelé

précédemment que l‘émission d‘actions et de dette implique des coûts qui sont parfois assez élevés. Les firmes ont donc une forte préférence pour le financement interne (Myers, 1984).

La théorie de hiérarchie de financement décrite par Myers [1984] et Myers et Majluf [1984] prescrit donc un ordre strict ou une hiérarchie de financement correspondant à un ordre lexicographique: les firmes utilisent d‘abord les fonds internes, ensuite la dette et seulement quand de telles options peu risquées sont épuisées que les firmes ont recours au financement par actions.

Le financement interne est supposé être la source de financement la moins chère, suivi

dans l‘ordre par la dette et les actions. La disponibilité des fonds internes permet alors aux firmes d‘entreprendre des projets d‘investissement sans recourir au financement externe qui

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les opportunités d’investissement dépassent les cash flows opérationnels, et qui ont épuisé

leur capacité à émettre des dettes à faible risque, peuvent renoncer à de bons investissements plutôt que de se financer par émission de titres risqués»155.

Cette théorie est schématisée par Fazzari, Hubbard et Peterson [1998 : 156] comme suit :

D 1, D2 et D3 représentent le plan de demande d‘investissement. Quand la demande d‘investissement est faible au niveau D1, l‘investissement est financé par les fonds internes, relativement peu

coûteux. Si la demande d‘investissement passe à Dβ, la firme opte pour le financement par dette après avoir épuisé les fonds internes. Finalement, si la demande d‘investissement est très

élevée et atteint D3, le financement par actions est utilisé après que le financement interne et la dette soient épuisés.

155‗‗ Firms whose investment opportunities outstrip operating cash flows, and which have used up their ability to

issue low-risk debt, may forego good investments rather than issue risky securities to finance them‘‘[Myers et Majluf 1984, pp.219].

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Cette hiérarchie de financement peut être expliquée par plusieurs facteurs. Ces facteurs incluent, outre les coûts associés à chaque forme de financement liés au degré d‘asymétrie

d‘information, la « risquabilité » de chaque forme de financement et au signal que l‘émission d‘une certaine forme de financement apporte au marché. Myers et Majluf [1984] attribuent

quant à eux cette hiérarchisation des financements à l‘asymétrie d‘information. En effet, les

dirigeants ont une meilleure connaissance de la qualité d‘une firme ou de ses projets d‘investissement que les investisseurs externes. Ils peuvent alors utiliser leurs informations

privées pour émettre des titres risqués. Toutefois, les investisseurs (externes) ont conscience

des problèmes d‘anti-sélection et s‘ils sont appelés à financer ces projets, ils exigent des

primes en compensation.

Le degré d‘asymétrie d‘information lié à l‘émission d‘actions est plus élevé comparé à celui de la dette. Ceci s‘explique par le fait que les intermédiaires financiers sont capables de contrôler la firme et de pouvoir accéder à des informations non accessibles à d‘autres

investisseurs. Les investisseurs externes ne peuvent pas contrôler les firmes et exigent donc une prime plus élevée sur le financement par actions.

L‘émission de dette et d‘actions occasionne aussi des coûts liés aux conflits d‘agence.

L‘émission de dette peut entraîner des conflits entre les dirigeants et les créanciers tandis que

l‘émission d‘actions peut provoquer des conflits entre les dirigeants et les actionnaires. En outre, l‘émission de dette suscite un remboursement du capital et des intérêts que la firme doit

payer nonobstant sa situation financière, ce qui augmente le risque de détresse financière.

Pour toutes ces raisons les firmes préfèrent d‘abord le financement interne et ensuite le financement par dette à l‘émission d‘actions.

Bond et Meghir [1994a] expliquent que cette hiérarchie de financement est indépendante des questions fiscales. En effet, même si aux Etats-Unis le recours aux fonds internes peut être justifié par le fait que les dividendes soient plus taxés que les gains en capitaux, cette explication s‘avère insuffisante en Grande Bretagne où les taux d‘imposition

varient largement en fonction des types d‘actionnaires. Olinear et Rudebusch [1992] montrent

à travers une étude empirique sur 120 firmes américaines durant la période 1977-1983 que ni les coûts de transaction, mesurés par la taille de la firme, ni les coûts d‘agence approximés par

la structure de capital, n‘expliquent la hiérarchie de financement. Ils concluent alors que la

194 En présence d‘asymétrie d‘information, le financement d‘un projet dépend non seulement des rendements de ce dernier mais aussi de la richesse nette de l‘emprunteur, car

cette dernière garantit une implication et un engagement de sa part. En effet, plus un emprunteur aura investi de sa propre richesse dans le financement d'un projet, moins ses intérêts divergent de ceux de son prêteur, puisqu'il perdra beaucoup en cas de faillite (Rosenwald, 2001). Holmstrom et Tirole [1997] élaborent un modèle d‘équilibre pour analyser comment la richesse de la firme affecte, en présence de l‘asymétrie d‘information,

ses sources de financement entre le financement direct et le financement indirect. L‘apport de

leur modèle par rapport aux études précédentes est qu‘il intègre à la fois les facteurs de

demande (variation du collatéral) et les facteurs d‘offre (variation du capital de l‘intermédiaire) ; ainsi, les choix de la firme sont influencés non seulement par la situation

financière de cette dernière mais aussi par celle des intermédiaires financiers.

En guise de conclusion, nous mentionnons que l‘asymétrie d‘information qui prévaut entre les dirigeants d‘une firme et les bailleurs de fonds externes, ainsi que les conflits d‘agence qui en découlent entre les dirigeants, les actionnaires et les créanciers génèrent des

décotes, des coûts de contrôle et de surveillance ainsi que des coûts de défaillance financière

qui accentuent l‘écart entre les coûts du financement interne et du financement externe. Ceci

accentuerait les contraintes de financement des firmes et baisserait l‘investissement.

Les problèmes relatifs à la relation entre les décisions d‘investissement et les fonds internes de la firme peuvent être envisagés à la fois d‘un point de vue macroéconomique et

microéconomique. Le premier se rapporte à la théorie de l‘accélérateur financier et consiste à identifier les facteurs financiers qui interviennent dans la propagation des petits chocs. Le

second traite des problèmes de l‘asymétrie d‘information entre les emprunteurs et les prêteurs

et engendre un écart entre le coût du financement interne et le coût du financement externe (Hubbard, 1998). Nous allons centrer notre analyse sur le deuxième aspect, en mettant en exergue comment les imperfections informationnelles agissent sur le finanement des projets et sur l‘investissement à travers la relation « richesse nette, coût du financement externe et investissement ».