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Chapitre 1 : L’espace et le langage

II. L’Expression verbale et gestuelle du mouvement chez des enfants et adultes des langues persane et azérie

2) Le codage de mouvement (déplacement) dans la langue azérie,

3.1 Le codage de mouvement dans la langue persane

3.1.2 La structure verbale dans la langue persane

Vu qu’un événement de mouvement (le déplacement dans l’espace) est souvent codé dans les verbes, nous analyserons d'abord la structure verbale du persan dans cette section. A cet effet, nous ferons état brièvement des études sur la structure verbale de cette langue.

De nombreux linguistes Dabir-Moghadam (1997), Barjasteh (1983), Khanlari (1990), ont étudié la structure des verbes persans, mais peu ont étudié la sémantique des verbes de mouvement avec déplacement dans cette langue.

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De manière générale, les recherches sur les verbes persans peuvent être divisés en deux : les unes portent sur la signification verbale ou sur les concepts sémantiques codés dans le verbe ; les autres s’intéressent aux structures syntaxiques des verbes persans, même si les études syntaxiques (particulièrement de verbes composés), sont plus importantes que les études de sémantique. Cependant les chercheurs comme (Tournadre et Lessan-Pezeshki, sous publication) ont considéré à la fois les aspects sémantiques et syntaxiques des verbes en persans.

Pour étudier les verbes persans en tenant compte la typologie de Talmy (1983) sur le codage du mouvement par racine verbale ou par satellites, il nous faut d'abord examiner la structure syntaxique des verbes persans en général puis, dans la section suivante notre intérêt se focalisera sur les verbes de mouvement (déplacement).

Le persan possède plusieurs verbes composés. Les verbes persans sont structurellement divisés en deux : les verbes « simples » et les verbes « non-simples » (Sasani, 2010). Au niveau sémantique comme la montré Nouri (2019) les verbes composés sont plus riches par rapport aux verbes simples. Cependant le débat sur le verbe, en particulier d’un verbe non-simple, est un débat très controversé. Jusqu’à présent, de nombreux linguistes ont tenté de fournir une analyse claire sur la structure des verbes non-simple (des verbes composés) en persan, notamment Farshidvard (1968), Barjasteh (1983), Khanlari (1990), Bateni (1991, 1995), Spencer (1991), Dabir-Moghadam (1997), Ahmadi-Givi et Anvari (1995), Karimi-Doostan (1997), Mahootian (1997), Mace (2003), Müller (2010), Family (2006, 2014), Sasani et Azkia (2012), Samvelian et Faghiri (2013), Shabani Jadidi (2014) entre autres.

Nous ne pouvons présenter en détail toutes les classifications, définitions et les discussions autour du verbe persan. Nous ne retiendrons que l’une des études récentes, celle de Sasani (2010) qui a le mérite d’être assez générale et complète et donc moins controversée.

Définissons d'abord le verbe non-simple : C’est le verbe dans lequel le sens final résulte d'une combinaison d'au moins deux morphèmes distincts ; sa structure composite comprend au moins deux mots, chacun doté d’un sens propre. Comme l'a noté Azkia (2012), des linguistes comme Müller (2010) hésitent à considérer ces structures complexes comme l'équivalent d’un mot ou d’une phrase.

Comme cela vient d’être mentionné, la structure du verbe non-simple en persan est constituée de deux ou trois (parfois plus) morphèmes distincts. Dans ce genre de verbes, l’élément non-verbal peut être un nom, un adjectif ou une préposition qui adjoindra un sens nouveau à la composante verbale. Family (2006) a étudié ces verbes en persan. D’après elle, la grande majorité des verbes se présentent comme des formes composées à partir d'un verbe support (VS = un verbe léger comme « faire », « donner », « aller », « avoir », « venir », etc.), et d'un autre élément lexical, qu’elle appelle le préverbe (PV) ». Les verbes supports (VS), fonctionnent comme ce qu’on appelle en anglais the light verbs. Autrement dit, la plupart des verbes persans sont non-simples, et se construisent avec un light verb (conjugable) auquel s’ajoute en complément une partie non-verbale (non-conjugable). Selon Family (2014), contrairement à l’anglais ou le français qu’ils ont chacun plus de 5000 verbes simples, le persan possède moins de 200 verbes simples et donc la majorité des verbes de cette langue sont des verbes composés. Le terme light verb en anglais ou le verbe de support

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en français se réfèrent aux différents types de construction verbale dans les langues différentes. Par exemple

take a walk en anglais ou faire le ménage en français. Le verbe faire en français avec différents mots peut créer de nouveaux verbes avec de nouvelles significations. Ces types de constructions multi-mots existent dans de nombreuses langues. Dans les verbes persans, comme mentionné précédemment, les constructions verbales de type non-simple comportent un verbe de support tel kardan/faire, dadan/donner, zadan/frapper etc. mais ces verbes au niveau de la productivité pour créer des nouvelles significations, sont différents. La signification de ces formes composées ne peut pas toujours être comprise en traduisant séparément chaque élément comme l'illustrent les exemples (de 1 à 11) dans le tableau 3:

Verbe persan Gloss Valeur grammaticale des composants Traduction

1 zamin khordan sol frapper Nom + composant verbal tomber 2 zendegi kardan vie faire Nom + composant verbal vivre 3 gul zadan tromperie frapper Nom + composant verbale tromper 4 shekast dadan echec donner Nom + composant verbale vaincre 5 asib didan blessure voir Nom + composant verbale être blessé

6 pâyân yâftan fin trouver Nom + composant verbale terminer

7 e'teqâd dâshtan croyance avoir Nom + composant verbale croire

8 be donya amadan au monde venir Prép + Nom + composant verbale être né

9 az dast dâdan de main donner Prép + Nom + composant verbale perdre

10 dor zadan tour TAPER Nom + composant verbal tourner 11 rah raftan chemin partir Nom + composant verbale marcher 12 sor khordan lisse frapper Adjective + composant verbal glisser 13 hol dadan pousse donner Nom + composant verbale pousser 14 birun raftan dehor partir Adverbe + composant verbale sortir Tableau 3 - Exemples de verbes composés (non-simple) en persan.

Khanlari (1990) et Bateni (1989) estiment que dès le XIIIe siècle, les verbes non-simples persans commencent à remplacer les verbes simples. Par exemple, le verbe sor khordan qui signifie glisser en français a remplacé l’ancien verbe simple soridan. Cet exemple est cité par Azkia (2012, p. 154).

Cependant, la structure verbale en persan, en particulier la structure des verbes non-simples de cette langue, est un sujet complexe qui nécessite des connaissances approfondies, mais une brève introduction de

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ci suffira pour des fins de cette thèse et pour pouvoir étudier les comportements gestuels des locuteurs persans.

Voyons par exemple les verbes simples et non-simples dans les constructions causatives persanes.

En ce qui concerne la construction causative en persan, selon Lotfi (2008) il en existerait deux types, l’un lexical, l’autre morphologique. Dans le premier cas, il n’y a pas de similitude entre le verbe principal et sa forme causative (voir les exemples 5 et 6) :

(5) Armin umad khune

Armin Venir-PASSE-3S la maison “Armin est venu à la maison”

(6) Moalem Armin ro ferestad khune

maîtresse Armin-NOM MO envoyer-PASSE-3S la maison « La maîtresse a envoyé Armin à la maison »

Le verbe umad/est venu dans l’exemple (5), est un verbe simple, non transitif. Le verbe ferestad/envoyé est un verbe simple transitif, qui est la forme causative du verbe umad. Il en va de même des deux verbes to die et to kill en anglais ou les deux verbes mourir et tuer en français. Deux exemples en français sont : le cafard est mort et Mathilde a tué le cafard.

Dans le second cas par contre, le type morphologique implique un processus de suffixation. Le suffixe causatif -un est directement attaché au verbe principal avant d'ajouter une inflexion de temps / accord (Lotfi, 2008). Le suffixe causatif est un élément closed-class de la langue qui code la causalité du mouvement. Deux exemples des cas causatifs morphologiques :

Exemple causatif morphologique

(7) Pirezan az khiabun gozasht vieille

dame

de la rue passer-PASSE-3S

« La vieille dame est passé dans la rue »

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Sara vieille dame

MO de la rue passer-causatif-3S

« Sara a fait traverser la vieille dame de la rue »

Il y a d’autres exemples, comme le montrent les paires suivantes :

Larzidan/Larzundan (trembler/faire trembler)

paridan/parundan (saute/faire sauter)

raghsidan/raghsundan (dancer/faire dancer)

Cependant, le type causatif morphologique n'est plus productif, la plupart du temps, il a été remplacé par des verbes composés ou par des verbes non-simples. Un verbe causatif se construit donc en ajoutant un verbe comme (kardan (faire), dâdan (donner), shodan/(devenir) à un nom ou à un adjectif. Nous présentons trois exemples qui suivent :

(9) Farar kard (il s’est enfui)

Farari dad (faire fuir quelqu’un) (10) Obur kard (il a traversé)

Obur dad (il l’a traversé)

(11) Khoshal shod (il est devenu heureux)

Khoshal kard (il l’a rendu heureux)

Jusqu'à présent, on voit qu'en persan, divers mots tels que les adjectifs, les adverbes et les noms, peuvent être ajoutés aux verbes ou aux auxiliaires et créer de nouveaux verbes avec de nouvelles significations. La fertilité de ces verbes est énorme. Ce mécanisme peut générer des milliers de nouveaux verbes différents. D'autre part, ces formes composées, au niveau syntaxique, ont parfois la capacité de se séparer dans la phrase. Autrement dit, d'autres composants de la phrase (notamment des adverbes qui modifient le sens du verbe) peuvent parfois se placer entre la partie non-verbale et le verbe auxiliaire (surtout en langue orale). Notons qu’il n’y a pas accord général entre les linguistes persans sur les frontières de la définition des verbes simples ou composés. Dans ce travail de thèse, nous référons seulement au langage oral car notre but final est d’étudier les gestes co-verbaux qui accompagnent les verbalisations des locuteurs natifs. Les exemples suivants illustrent ces points :

(12) Kapitan dirooz bazi kard

capitaine hier jeu Faire-PASSE-3S

“le capitaine a joué hier”

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(13)

capitaine hier jeu-EZ bien Faire-PASSE-3S “le capitaine a bien joué hier”

(14) zelzeleh khune ra tekun dad

Tremblement de terre la maison Obj direct Bouge-donner-PASSE-3S « Tremblement de terre a bougé la maison »

(15) zelzeleh khune ra tekun-e vahshatnaki dad

Tremblement de terre la maison Obj direct Bouge-EZ terrible Donner-PASSE-3S « Le tremblement de terre a terriblement bougé la maison »

Certains linguistes, utilisant ce même argument, soutiennent l’idée que ces formes composées ne sont pas nécessairement à considérer comme des verbes, car si ces formes étaient vraiment lexicalisées, on ne pourrait les séparer dans la phrase. Pour définir la limite entre ces formes composées et les verbes simples, ces linguistes précisent les caractéristiques propres au verbe persan mais pourtant comme mentionné ci-avant, il n’y a pas un accord global sur la définition de la structure du verbe non-simple en persan. Cependant dans le domaine de linguistique cognitive, Samvelian et Faghiri (2013) en étudiant les verbes non-simples en persan à la fois au niveau syntaxique et sémantique, proposent de considérer ces constructions verbales comme des unités sémantiques pouvant être répertoriées dans un dictionnaire. Dans cette thèse, il n'y a aucun moyen de tracer des frontières entre les arguments des linguistes persans sur le sujet controversé des verbes composés (non-simples). Nous nous arrêterons donc aux verbes de mouvement avec déplacement tel qu’ils sont produits dans les énoncés oraux avec une approche fonctionnelle. Notre analyse se fondera sur les travaux de Sasani (2014a, 2014b) et celui de d’Azkia et al. (2015) sur la classification des verbes non-simplesen persan qui sera utilisée dans les étapes suivantes. Dans ce travail de thèse, premièrement, nous avons pris comme la base, la classification des verbes en persan proposée par Sasani (2014a, 2014b) et deuxièmement, afin de pouvoir étudier les verbes de mouvement (déplacement) de point de vu de typologie talmyenne et vu l’importance de l’encodage de la trajectoire dans les construction verbale (racine verbale contre le satellite ajouté) en tant que l’événement principal de mouvement (Core-Schema), et troisièmement en considérant l’emploi des adpositions aux verbes de trajectoire qui ont le rôle de préciser la direction dans les énoncés oraux chez les locuteurs natifs, nous avons décidé d’introduire et définir 4 catégories de structure verbale pour étudier les verbes de mouvement (les verbes de déplacement) en persan :

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1) Le verbe simple (SV)

2) Le verbe simple+satellite (SV+SAT) 3) Le verbe non-simple (NSV)

4) Le verbe non-simple+satellite (NSV+SAT)

L’idée de cette catégorisation est venue en étudiant et en faisant une analyse morphosyntaxique des stratégies d’encodage de la trajectoire et la structure des verbes de déplacement en persan que nous allons expliquer plus en détail dans la section suivante. Rappelons que d’un côté les satellites verbaux jouent un rôle important dans la typologie proposée par Talmy (2000a, 2000b), et d’autre côté se sont très présentes dans les verbalisations des locuteurs natifs persans, ce qui nous a amené à étudier les verbes de déplacement en persan, en focalisant sur l’emploi des adpositions (de trajectoire) aux verbes et les satellites verbaux. Rappelons que les satellites dont nous allons prendre en compte ne sont forcément pas considérés comme des composants des structures verbales en persan, surtout d’un point de vue grammaticale et dans la langue écrite (d’où ce débat controversé sur les constructions verbales en persan), mais notre niveau d’observation concerne les énoncés oraux et du coup dans les cas où la direction de mouvement est indiquée et précisée par un morphème juste après le verbe, on va la considérer en tant qu’un satellite ajouté au verbe qui précise la direction.

Dans ce qui suit dans ce chapitre, nous allons expliquer les 4 catégories des verbes de mouvement que nous avons introduits.