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Chapitre 1 : L’espace et le langage

II. L’Expression verbale et gestuelle du mouvement chez des enfants et adultes des langues persane et azérie

6) L’encodage bidimensionnel de la manière-et-cause dans les verbes azéris

4.1 Problématique et objectifs de l’étude

4.1.1 L’effet de la langue

4) Y a-t-il un effet de l’âge sur les productions gestuelles dans chacune des deux langues ?

5) La relation gestes-paroles est-elle similaire chez les locuteurs des deux langues ? à quel point ? et pourquoi ?

6) Y a-t-il une augmentation de l’information dans les énoncés bimodaux avec l’âge (qui serait alors une caractéristique générale du développement) ?

4.1.1 L’effet de la langue

L’analyse du codage d’un évènement spatial a été fait sur plusieurs langues typologiquement différentes sous les catégories des langues à cadrage satellitaire et verbal (Typologie proposée par Talmy, 2000a, 2000b). Ces analyses ont souvent examiné le codage de la trajectoire ou la manière du mouvement d’un point de vue syntaxique ou sémantique. Quand dans les langues à cadrage satellitaire les deux éléments ont la possibilité d'être exprimés en même temps dans un seul verbe, les langues à cadrage verbal, codent habituellement la trajectoire dans le verbe principal et la manière vient ensuite dans l'adverbe. Comme déjà montré dans le chapitre 3, les langues persane et azérie ont des caractéristiques à la fois similaires et différents pour enoder le mouvement. Nous avons aussi montré que malgré le fait que ces deux langues appartiennent à des familles de langues différentes (turque et indo-européenne), le codage du mouvement présente plus de similitudes que les différences. Pour le but de cette recherche qui est une analyse linguistique et gestuelle, il faut d’abord définir les variables indépendantes et dépendantes. Les variables indépendantes de notre étude sont la langue et l’âge. Le but est d’analyser leurs effets sur la parole et le geste en tant que les variables dépendantes. Pour ce faire, nous allons commencer par l’analyse du langage et ensuite on procède à l’analyse de la gestualité afin de terminer l’étude par l’analyse de la relation geste-parole.

Pour le premier objectif de cette recherche qui vise à analyser la parole et l’encodage linguistique du mouvement, dans un premier temps nous envisageons de faire des analyses sur l’effet de la langue sur les productions verbales de nos participants dans deux langues. Dans ce but nous allons focaliser sur les verbes

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produits. Rappelons que de manière générale le point important est le niveau d’observation. Il faut clarifier si la comparaison se situe au niveau verbal ou s’il s'agit de comparer les propositions exprimées par les locuteurs de chaque langue. Dans cette thèse nous avons décidé de centrer notre analyse sur les verbes. La raison vient du fait que malgré la possibilité d’encodage des éléments conceptuels du mouvement par les différentes composantes réparties dans la proposition, mais souvant, comme étudié dans le chapitre 3, les locuteurs persans et azéris verbalisent les dimensions du mouvement dans le verbe et par conséquent l’analyse verbale va révéler leurs tendance d’encodage de mouvement. De plus, notre observation au niveau de la proposition nous a montré aucune différence avec l’observation au niveau verbal.

Nos analyses au niveau du verbe seront faites en trois étapes : La première étape sera consacrée aux analyses syntaxiques sur la structure verbale dans les deux langues. Les analyses seront commencées par l’analyse au niveau du verbe. En ce qui concerne la structure grammaticale des verbes du mouvement dans ces deux langues, nous avons introduit quatre catégories de structure verbale : Les verbes simple (SV), les verbes simples accompagnés d’un satellite verbale (SV+sat), les verbes non-simples (NSV) et les verbes non-simples accompagnées d’un satellite verbale (NSV+sat). Selon ces catégories, nous avons vu que de manière générale, la langue persane (en tant que langue indo-européenne) montre à la fois les caractéristiques des langues à cadrage verbal et satellitaire tandis que la langue azérie (en tant que langue altaïque) est une langue à cadrage verbal.

Du coup, dans un premier temps nous allons voir quel est l‘effet des contraintes syntaxiques appliquées par les locuteurs de ces deux langues présentées dans le chapitre 3 sur l’expression verbale du mouvement. Ensuite dans la deuxième étape nous allons faire des analyses au niveau sémantique sur le contenu verbal dans les deux langues et allons voir l’encodage linguistique des éléments sémantiques du mouvement (trajectoire, manière, cause ou leurs combinaison) dans le verbe dans chaque langue. Sur le plan sémantique, les locuteurs des langues à cadrage satellitaire indiquent à la fois les deux dimensions du mouvement (trajectoire et manière) tandis que les locuteurs des langues à cadrage verbal n’indiquent qu’une seule dimension à la fois. En choisissant le persan et l’azéri, nous voulons vérifier cette typologie et élargir la base de données et approfondir les connaissances dans le domaine de la recherche sur les effets du cadrage linguistique sur la verbalisation des locuteurs.

Et finalement en troisième étape, nous allons poursuivre nos analyses en considérant l’interaction entre la structure et le contenu du verbe à savoir comment les éléments de mouvement se codent dans les structures grammaticales des verbes de mouvement dans les deux langues étudiées.

Une fois les deux comparaisons (premier et deuxième étape) faites séparément (au niveau structurelle et sémantique), nous poursuivrons au troisième volet des analyses linguistiques : l’analyse de la relation entre la structure verbale et son contenu sémantique dans le processus de l’encodage du mouvement.

La question qui se pose ici est la raison pour laquelle nous avons besoin de faire des analyses sur la relation et l’interaction entre les éléments sémantiques et les structures verbales ?

En fait la question fondamentale selon la typologie talmyenne est de savoir comment les éléments sémantiques du mouvement sont codés dans une proposition ou par un verbe dans une langue donnée.

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Pourquoi on trouve une langue à cadrage satellitaire (l’anglais par exemple) quand une autre langue (le français par exemple) est à cadrage verbal ?

La réponse (Talmy, 2000a, 2000b) implique de considérer :

1) l’élément sémantique du mouvement comme la trajectoire, manière, etc.

2) la structure verbale dans laquelle cet élément va être codé comme le verbe simple(SV), etc.

Par exemple dans le verbe anglais roll down, la trajectoire comme élément du mouvement est codée par quelle partie de la structure verbale ? La racine ? Le satellite ? quel est le rôle des satellites verbales dans la langue anglaise ? La réponse à ces types de questions va de pair avec l’élément sémantique et la structure grammaticale du verbe.

Dans notre étude, nous cherchons également à savoir comment ces différents éléments sémantiques du mouvement sont codés dans les énoncés de nos sujets entant que les locuteurs persans et azéris. On pourra se demander par exemple comment la trajectoire est codée : par la racine verbale ? par le satellite ? est-ce que le codage de la manière du mouvement se fait par un verbe simple (SV) ? un verbe non-simple (NSV) ? Si elle est codée dans la racine verbale ou ailleurs ?

Pour répondre à cette question concernant les deux langues ici étudiées, il nous faudra d’abord analyser les structures verbales produites dans chaque langue (première étape), puis dégager la tendance des encodages d'éléments sémantiques dans les énoncés des locuteurs natifs de chaque langue sans se soucier de la structure grammaticale du verbe (deuxième étape), ce qui constitue un prérequis pour la 3ème étape, Nous pourrons alors apporter une réponse, peut-être partielle, à la problématique de cette recherche.

C’est seulement à partir des analyses de cette troisième étape qu’on peut montrer la relation entre les éléments sémantiques du mouvement et leurs encodages dans la structure grammaticale des verbes. Autrement dit cette analyse permettra de savoir, selon les énoncés oraux des locuteurs natifs, si les langues persane ou azérie sont satellitaires ou plutôt qu'à cadrage verbal, et ainsi d’examiner nos conclusions du chapitre 3, qui présentaient déjà l’encodage du mouvement par ces deux langues. Pour ce faire, nous prendrons en considération les énoncés des locuteurs natifs dans leurs narrations pendant leur communication orale.

Dans un deuxième temps, suite au deuxième objectif de cette recherche, l’effet de la variable indépendantes de la langue sera analysé sur le geste.

Les analyses gestuelles seront faites dans quatre étapes : - La fréquence de la gestualité

- Le contenu sémantique des gestes - Perspective narrative gestuelle - La relation geste-parole

Dans un premier temps, nous analyserons la fréquence de la production gestuelle chez des persans et des azéris. Dans un deuxième temps l’analyse portera sur les préférences spécifiques que locuteurs,

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manifestent au niveau sémantique dans l’expression gestuelle du mouvement. La langue est la variable indépendante et les éléments sémantiques tel que (la trajectoire, la manière, la cause et leurs combinaisons) sont nos variables dépendantes représenté dans le geste. En choisissant ces deux langues, nous voulons examiner les effets du cadrage linguistique sur la gestualité des locuteurs.

Troisièmement, nous allons analyser l’effet de la langue sur la perspective narrative gestuelle. La variable dépendante à deux modalités différentes : perspective d’observateur et perspective d’acteur. McNeil (1992), a montré que les enfants préfèrent indiquer la manière dans leur gestualité ; cependant Gullberg et al. (2008a, 2008b) ne confirment cette observation que partiellement. En fait la perspective narrative d’observateur est la perspective la plus dominante et fréquente à tous les âges. La perspective d’acteur est légèrement plus fréquente chez les enfants. Nous allons examiner cette problématique dans notre étude en comparant les Persans et les Azéris.

Finalement notre intérêt se portera sur la relation entre les expressions verbales et gestuelles de nos participants : pour l’encodage du mouvement on se demandera si gestes et paroles sont coexpressives ou non ? Codent-ils exactement la même dimension du mouvement avec des moyens différents, ou leurs codages respectifs sont-ils doués d'une certaine autonomie ?

Concernant la relation geste-parole

Le langage et la gestualité sont considérés comme co-expressifs (McNeil, 2000 ; 2005 ; Kendon, 2004). Gullberg et al. (2008b) dans leur étude sur le contenu verbale et gestuel chez les Français ont montré la redondance de cette relation. Deux ans plus tard, Gullberg et al. (2010) en comparant les locuteurs Français et Anglais modifient leur discussion et confirment que la redondance est uniquement observée chez les Français qui ont une forte préférence à indiquer la trajectoire. Fibigerová, Guidetti et Šulová (2010, 2012) ont observé le même résultat que Gullberg et al. (2010). Notre intérêt pour savoir la nature de cette relation geste-parole en persan et en azéri dans ce travail porte attention sur le nombre et le type de l’élément sémantique indiqué dans le langage et le geste. En comparant les représentations verbales et gestuelles par des locuteurs azéris et persans, nous allons observer une répartition différente des éléments sémantiques du mouvement entre les modalités. En les observant plus précisément, nous avons distingué quatre types de distribution de l’information spatiale sur les deux modalités de représentations (parole et geste). Afin de pouvoir analyser la problématique du contenu sémantique du geste et de la parole, nous avons défini quatre types globaux. Toutes les configurations de l’encodage des éléments du mouvement dans le langage et la gestualité entrent dans l’un de ces quatre types. On les a nommés ainsi :

Le type A, le type B, le type C et enfin le type D. Chacun de ces quatre types ont leurs propre sous-catégories.

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Le premier type nommé Type A, se réalise lorsque les descriptions verbales et gestuelles indiquent le même élément sémantique ou bien la même dimension du mouvement. L’information en tant qu’un élément sémantique est distribuée de façon identique dans la parole et le geste, ce qui se traduit en term de coexpressivité sémantique entre des descriptions verbale-gestuelle. Dans ce cas, l’élément sémantique comme la trajectoire est codé à la fois dans le langage et dans la gestualité. Les trois dimensions du mouvement étudiés dans cette thèse sont : la trajectoire, la manière et la cause. Nous aurons six cas de coexpressivité parole-geste affichés dans le tableau suivant. Rappelons que les éléments de mouvement dans la parole et le geste sont égaux en nombre et en type.

Le deuxième type nommé le Type B, se réalise lorsque les descriptions verbale et gestuelle indiquent qu’une seule information mais de façon différent. Par exemple quand la description verbale indique la trajectoire du mouvement alors que la description gestuelle indique la manière du mouvement. Les éléments sémantiques de mouvement dans la parole et dans les gestes sont égaux en nombre mais de types différents. En prenant tous les trois dimensions du mouvement étudié dans cette thèse, nous obtenons 6 cas de type B montré dans le tableau 6.

La troisième type nommé le Type C, fonctionne l’information indiquée dans la description verbale est supérieure par rapport de l’information indiqué dans la description gestuelle. Par exemple quand le sujet indique à la fois les deux dimensions du mouvement la trajectoire-et-manière à travers la verbalisation, son geste n’indique que la trajectoire du mouvement. Les éléments du mouvement dans la parole et le geste ne sont pas égaux en nombre ni en type. En prenant les trois dimensions du mouvement étudiés dans cette thèse, nous aurons 6 cas de type C affiché dans le tableau 7.

Type A A1 A2 A3 A4 A5 A6

Parole T M C TM TC MC

Geste T M C TM TC MC

Tableau 5 - la distribution des éléments sémantiques entre la parole et le geste (Type A)

Type B B1 B2 B3 B4 B5 B6

Parole T M T C M C

Geste M T C T C M

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La troisième type nommé le Type D, a lieu lorsque l’information indiquée dans la description verbale est inférieure par rapport de l’information indiquée dans la description gestuelle. Par exemple, le locuteur, en parlant d’une scène avec une référence spatiale, se verbalise que la trajectoire alors que son geste indique à la fois les deux dimensions de la trajectoire-et-manière. En prenant les trois dimensions du mouvement étudié dans cette thèse, nous aurons 6 cas de type D affiché dans le tableau 8.

Type D D1 D2 D3 D4 D5 D6

Parole T M T C M C

Geste TM TM TC TC MC MC

Tableau 8 - la distribution des éléments sémantiques entre la parole et le geste (Type D)

Afin d’analyser la relation geste-parole dans cette étude, nous allons observer si le moment de l’encodage de l’information codé dans la parole est 1) identique 2) différent, 3) supérieur, 4) inférieur de l’information indiqué dans le geste.

Suite aux explications ci-dessus, quatre configurations différentes avec leurs sous-catégories peuvent émerger pour la distribution d'éléments sémantiques entre les modalités dont nous allons les étudiés dans le chapitre 5.

Type C C1 C2 C3 C4 C5 C6

Parole TM TM TC TC MC MC

Geste T M T C M C

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