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Chapitre 1 : L’espace et le langage

II. L’Expression verbale et gestuelle du mouvement chez des enfants et adultes des langues persane et azérie

6) L’encodage bidimensionnel de la manière-et-cause dans les verbes azéris

3.3 Conclusion sur la comparaison de l’encodage linguistique de mouvement en persan et azéri persan et azéri

Nous avons analysé le codage de la trajectoire, de la manière, de la cause et de leurs combinaisons dans la structure verbale de deux langues jugées typologiquement différentes : le persan et l’azéri.

Nous avons identifié les caractéristiques propres à chaque langue. Tenant compte des études préalables, (surtout en persan), notre analyse a révélé de nouveaux aspects de ces deux langues.

Le persan, une langue indo-européenne, a été classé comme langue à cadrage verbal, cependant Feiz (2007, 2011) a souligné des obstacles à ce classement car cette langue montre à la fois des caractéristiques de cadrage verbal et des caractéristiques de cadrage satellitaire, ce qui a été également étudié par (Azkia, 2012). Ceci apparait 1) dans la construction verbale avec les verbes non-simples, et 2) dans la possibilité d’adjoindre un adverbe directionnel situé juste après le verbe principal. Cette dernière remarque est très importante car des adverbes directionnels, en tant que satellites, précisent la direction du mouvement et laissent le verbe principal coder la manière du mouvement, ce qui est la caractéristique d’une langue à cadrage satellitaire. Certes, tous les verbes exprimant le déplacement en persan n’ont pas cette possibilité mais cependant, les satellites directionnels peuvent être utilisés avec une quantité considérable de verbes. Cette possibilité d’adjonction des adverbes directionnels au verbe principal ne peut pas être facilement jugé comme des stratégies typiques ou atypiques de cette langue ; une étude diachronique est nécessaire pour étudier l’évolution de cette construction. Il faut aussi rappeler que notre analyse se fonde sur la langue orale en usage à Téhéran, qui est dans certains cas différente de la langue écrite. Or le codage du mouvement dans les expressions verbales spontanées appelées, par Slobin (1987), codable expression. Si les locuteurs persans montrent une forte tendance à indiquer la trajectoire en ajoutant les adverbes directionnels après le verbe pendant la communication orale, ce n’est pas toujours autorisé à l’écrit. Considérant le fait que les approches fonctionnelles de grammaire diffèrent des approches formelles, notre intérêt n’est pas limité à la langue formelle mais aussi au langage oral. Les expressions verbales spontanées pour l’encodage du mouvement en persan montrent certaines différences avec l’encodage grammatical de mouvement et celui concerne l’emploi des prépositions adverbiales en tant que satellites verbaux qui précisent la direction de la trajectoire dans les énoncés oraux. L’observation de l’encodage de mouvement au niveau du langage oral ne permet pas de classifier facilement le persan comme une langue à cadrage verbal selon typologie proposée par Talmy (2000a, 2000b).

Comme l’explique Imbert (2008, p. 14), « le but d’une typologie est de mettre en lumière les différences et similarités qui existent entre les langues, selon certains critères ». Elle argumente que l’objectif d’une typologie est triple : classification, comparaison et explication. L’auteur en se référant à Givon (2001) explique qu’afin de pouvoir classifier les langues selon une typologie il faut observer et étudier différents types de structure et de les regrouper dans des « méta-types » plus généraux. Par contre, elle souligne aussi le fait que « pendant longtemps les linguistes ont essentiellement exploité la typologie comme méthode de

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classification en délaissant son potentiel de comparaison. » (Imbert, 2008, p. 14-15). Dans cette thèse nous avons pris en compte la typologie de Talmy (2000a, 2000b), mais au-delà de la simple classification selon cette typologie (cadrage verbal vs cadrage satellitaire), nous avons aussi essayé de présenter une comparaison translinguistique afin de d’observer et découvrir des constructions verbales qui, d’après Croft (2003), « ne sont parfois pas visible qu’à l’échelle translinguistique » (cité dans Imbert, 2008, p. 14). Imbert (2008) souligne que ce rôle de typologie est important et fondamental car cette comparaison en permettant de dégager des schémas typologiques, va nous permettre de voir des tendances universelles dans les langues que d’autres méthodes ne permettent pas d’observer. Le troisième objectif d’une typologie selon Imbert (2008) est qu’elle permet d’expliquer les différents schémas dans une langue ainsi que leur évolution.

Concernant les adverbes directionnels, des analyses critiques ont pointé la façon dont les prépositions spatiales et les particules adverbiales ont été traitées dans les études, qu’elles soient traditionnelles ou récentes (Huddleston & Pollum, 2002 ; Van Valin & LaPolla, 1997). On remarque le manque d’accord des linguistes sur la façon de les classer et les définir. Comme l'explique Moreno (2005), traditionnellement, les adverbes spatiaux et les prépositions spatiales ont été considérés comme étroitement liés. Cependant, leur organisation syntaxique les distingue. Les grammairiens (Quirk et al., 1985 ; Downing et Locke, 1992 ; Givon, 1993) considèrent les adverbes et les prépositions spatiaux et temporels liés à l’expression des concepts d'espace et de temps. Nous avons vu de tels exemples dans les structures verbales en persan et en azéri lorsqu’on code la direction de la trajectoire. Certes, la description des expressions de localisation et leur classement dans n'importe quelle langue nécessiterait une enquête plus approfondie impossible à réaliser dans le cadre de notre étude qui se concentre sur la structure verbale du codage du déplacement. Mais comme l’a expliqué Sasani (2014a, 2014b) pour le persan, les adverbes spatiaux et les prépositions qui s’ajoutent au verbe principal sont des satellites du verbe qui précisent la direction du mouvement dans les verbes de mouvement. De la même façon, en raison de l’influence du persan sur la langue azérie, ces adverbes spatiaux s’ajoutent au verbe principal et se placent après le verbe en azéri (postposition au verbe) pour en préciser la direction d’un déplacement. Le troisième objectif de cette approche typologique (après la classification et la comparaison) qui sert à expliquer l’évolution des schémas et les constructions verbales nécessite une étude plus profonde avec une approche diachronique qui ne rend pas dans le cadre de ce travail de thèse.

En comparant ces deux langues, une autre influence de la langue persane sur l’azérie a été observée sur la construction verbale des verbes composés (non-simples) qui se traduisent du persan vers l’azéri. Selon notre analyse dans ce chapitre, à travers les exemples donnés, nous avons montré que les verbes persans se répartissent au long d’un continuum contenant deux pôles (codage lexical vs codage satellitaire).

La schématisation des éléments conceptuels du mouvement n’est pas toujours similaire chez les locuteurs persans. Le persan possède plusieurs verbes de manière et peu de verbes de trajectoire (Azkia, 2012), ce qui est caractéristique des langues à cadrage satellitaire. En revanche Feiz (2007) l’a montré, au moment de la description orale d’une scène spatiale, les Persans produisent plutôt des verbes de trajectoire (même

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d’une façon répétitive), la manière étant alors codée soit par l’adverbe soit par une proposition séparée, soit même en étant ignorée dans les énoncés, ce qui est caractéristique des langues à cadrage verbal. Les différences d’approches (théorique chez d’Azkia (2012) et expérimentale chez de Feiz (2007) sont à considérer. Il faut examiner plusieurs verbes à travers une méthode expérimentale et naturelle et délicatement ciblée dans le but d’analyser des expressions produites par des locuteurs natifs. C’est de cette manière qu’on peut mieux comprendre la stratégie dominante du codage des mouvements par les locuteurs natifs d’une langue, ainsi que leurs façons de schématiser les scènes spatiales pour découvrir et prendre en considération les paramètres non linguistiques qui déterminent le codage du mouvement. Notre but dans ce travail est d’observer également les productions gestuelles des locuteurs natifs concernant le codage du mouvement, ce qui peut révéler certains aspects non-linguistiques dans la schématisation du mouvement(déplacement) chez les locuteurs.

Concernant l’azéri, à notre connaissance cette étude des verbes de mouvement est la première étude dans cette langue. Nous en avons analysé la construction verbale et la structure syntaxique. Au niveau lexical le nombre élevé de verbes simples qui codent une seule dimension et au niveau syntaxique, le codage de la manière par l’adverbe ou par la proposition séparée, nous ont amenée à classer cette langue parmi les langues à cadrage verbal. Mais un point important que nous avons mis en évidence est l’influence de la langue persane au niveau de la construction verbale pour les verbes non-simples. Cela n’est pas négligeable. Cette influence débouche sur des similitudes remarquables dans le codage du mouvement, malgré la différence typologique des deux langues. On analysera donc les différences et similitudes de codage du mouvement en persan et azéri selon les expressions orales produites pendant la narration des locuteurs natifs dans ces deux langues.

Comme déjà mentionné au début de ce chapitre, notre étude présentée dans ce chapitre 3, fait partie de notre résultat dans l’étude sur le codage du déplacement dans les deux langues. Il faut préciser que l’objectif principal de cette thèse n’est pas de déterminer à quel type appartiennent ces deux langues, mais de comparer les expressions multimodales des locuteurs à travers une étude inter-langue pendant la narration d’un récit. Nous envisageons dans ce travail d’examiner à travers d’une méthodologie expérimentale, les expressions orales des locuteurs natifs des deux langues en question à savoir si leurs productions verbales correspondent aux caractéristiques de leur langue et ensuite de pouvoir étudier leurs productions gestuelles et donc enrichir la base de donnée sur l’étude des langues et la représentation gestuelle en codage du mouvement. En fait, pour nous permettre de mieux comprendre la relation entre la gestualité et la parole, l’analyse linguistique du codage du MD (mouvement avec déplacement) dans les deux langues était un préliminaire indispensable.

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Chapitre 4 : Méthodologie

Dans cette recherche, dont le but est d’étudier l’encodage du mouvement et de son développement à travers l’âge, nous avons décidé d’étudier les discours narratifs des locuteurs pendant une communication orale qui sollicite à la fois des ressources linguistiques et non-linguistiques à l’aide d’une méthodologie expérimentale qu’on va présenter dans ce chapitre. Donc, nous présenterons dans un premier temps, la problématique et les objectifs de notre étude suivie des hypothèses. S’agissant de notre méthodologie, nous allons également expliciter comment nous avons recueilli, transcrit et annoté les actes de communications dans notre corpus grâce au logiciel ELAN.

Concernant l’encodage du mouvement, nous savons déjà que les langues fonctionnent différement et qu’elles ont leurs propres règles et le pattern spécifique de chaque langue est imposé dans les productions verbales des locuteurs. Il semble difficile d’analyser l’encodage de la conception du mouvement, en considérant que la langue et les productions verbales en tant qu’un seul facteur qui influence l’expression du mouvement.

En tenant en compte du rôle des gestes dans le développement, nous allons pouvoir mieux examiner celui lors de la narration des locuteurs.

Comme déjà mentionné cette recherche a deux aspects : inter-linguistique et développementale. Donc nous allons comparer deux langues, le persane et l’azéri, dans leur codage du mouvement et aussi l’évolution de ce codage à travers l’âge.

Les raisons pour lesquelles nous avons choisi ces deux langues : Premièrement ce sont deux langues différentes qui ont des caractéristiques différentes selon la typologie proposée par Talmy (2000a, 2000b), même qui ont aussi des similitudes considérables selon la même typologie. Dans le chapitre 2, nous avons comparé le codage du mouvement par ces deux langues à la fois au niveaux sémantique et syntaxique et nous avons vu à quel point elles sont différentes et/ou similaires ; ainsi nous allons comparer les productions linguistiques et gestuels des locuteurs de ces deux langues. Deuxièmement, cette recherche est première étude qui compare ces deux langues au niveau du codage du mouvement. La langue azérie n’a jamais fait l’objet de ce genre d’étude, ni au niveau linguistique ni gestuel. La langue persane, à notre connaissance, a été étudiée au niveau linguistique mais pas à celui gestuel. Nous allons donc enrichir la base de données linguistiques créées précédemment par d’autres chercheurs. Il faut souligner que l’aspect comparatif de cette recherche n’a jamais fait l’objet d’étude. Troisièmement, ces deux langues sont respectivement la languematernelle (persan) et la langue paternel (azéri) de l’auteur de cette recherche.

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