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1.  Histoire et caractéristiques des microsporidies

1.2.  La spore microsporidienne

La plupart du temps ovales, mais aussi parfois sphériques ou filiformes, les spores ont une taille qui varie généralement de 1 µm pour Enterocytozoon bieneusi à quelques micromètres (Sharma et al., 2014). Les spores d’E. cuniculi mesurent environ 2,2 x 1,2 µm (Taupin, 2006), contre 4,4 x 2,2 µm pour celles de N. ceranae (Chen et al., 2009b). L’enveloppe de la spore comprend une membrane plasmique qui est recouverte d’une paroi rigide lui conférant son caractère de résistance au milieu extérieur hostile en conservant une pression osmotique interne élevée. Ainsi, les spores d’E. cuniculi peuvent survivre à un pH acide de 4 ou basique de 9 durant 24h, et conservent leur pouvoir infectieux suite à un traitement à 56°C pendant 1h ou après une conservation à 4°C pendant 2 ans (Koudela et al., 1999). Les spores de N. ceranae quant à elles, peuvent rester viables suite à des traitements thermiques de 35 et 60°C durant une heure à un mois. A contrario, elles sont sensibles aux températures négatives puisqu’une diminution de la capacité infectieuse est observée après congélation à -20°C (Fenoy et al., 2009). De plus, une exposition des spores de N. ceranae aux UV entraine une perte de leur viabilité, de 50% après 5 min de traitement à 100% après 45 min d’exposition (Zheng et al., 2014). Ces expériences soulignent la capacité des spores à résister à des conditions environnementales difficiles (température, pH) bien que cela soit difficile de conserver la totalité des spores viables. C’est la constitution de la paroi sporale qui confère à la spore son caractère de résistance.

En effet, la paroi des spores microsporidiennes est constituée de deux couches : l’exospore et l’endospore (Figure 8). L’exospore, couche la plus externe, est principalement constituée de protéines,

Tableau 1. Protéines du tube polaire (PTP) chez différentes espèces microsporidiennes.  : séquence complète ; ! séquence partielle ;  : séquence non déterminée (d'après Weiss et al., 2014).

Espèce microsporidienne PTP1 PTP2 PTP3 PTP4 PTP5 Encephalitozoon cuniculi      Encephalitozoon intestinalis      Encephalitozoon hellem      Encephalitozoon romaleae      Antonospora locustae   !   Paranosema grylli   !! Enterocytozoon bieneusi      Trachipleistophora hominis    !Nosema ceranae      Nosema bombycis      Anncaliia algerae !    Vittaforma corneae   !  

Vavraia culicis floridensis     

Edhazardia aedis     

Nematocida parisii     

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9 les SWP (Spore Wall Proteins) et de glycoprotéines. Une quinzaine de SWP ont été identifiées chez

différentes espèces d’Encephalitozoon ainsi que chez Nosema bombycis (Weiss et al., 2014). L’endospore, qui repose sur la membrane plasmique, est de plus grande épaisseur et majoritairement formée de chitine associée à des protéines, les EnP (Endospore proteins), qui permettent d’établir des ponts avec l’exospore et la membrane plasmique (Weiss et al., 2014). Les protéines de la paroi sporale pourraient être en partie impliquées dans le processus d’infection des microsporidies, en particulier dans les processus d’adhésion de la spore aux glycosaminoglycanes de la surface de la cellule hôte. Cependant, seule la protéine EnP1, présente chez les Encephalitozoon, semble jouer un rôle dans les mécanismes d’établissement de pont disulfures entre la spore et la cellule hôte. EnP1 ne semble d’ailleurs pas exprimée uniquement au niveau de l’endospore, mais également au niveau du disque d’ancrage et à la surface de l’exospore chez les espèces E. intestinalis et E. cuniculi (Southern et al., 2007).

La spore renferme un appareil invasif appelé aussi « appareil d’extrusion », qui est formé de quatre éléments (Figure 8) :

- (i) le disque d’ancrage, ou capuchon polaire, situé au pôle antérieur de la spore ;

- (ii) le tube polaire, enroulé dans le sporoplasme (i.e. contenu de la spore), et dont le nombre de tours, considéré comme un critère d’identification des espèces, varie entre 4 et 30. Par exemple, E. cuniculi présente 5 à 6 tours de spires sur une seule rangée, tandis que N. ceranae en présente 18 à 23 tours sur deux rangées (Fries et al., 1996; Chen et al., 2009a). Selon l’espèce microsporidienne considérée, la taille du tube polaire varie entre 50 et 500 µm de longueur, avec un diamètre de 0,1-0,2 à 6 µm lors du passage du sporoplasme (Weiss et al., 2014) ;

- (iii) le polaroplaste lamellaire, caractérisé par un empilement de structures membranaires et qui formeraient la future membrane plasmique du sporoplasme libéré dans le cytoplasme de la cellule hôte. Le polaroplaste lamellaire se distingue du polaroplaste vésiculaire qui correspond à l’appareil de Golgi de la microsporidie ;

- (iv) la vacuole postérieure, qui semble jouer un rôle clé dans la décharge du sporoplasme lors de la germination de la spore.

Depuis la première description du tube polaire des microsporidies il y a environ 125 ans (Thélohan, 1894), de nombreuses études ont permis de caractériser ses principaux composants. Cinq protéines du tube polaire (PTP) ont ainsi été identifiées à ce jour chez différentes espèces microsporidiennes (PTP1 à PTP5) (Delbac et al., 1998, 2001; Peuvel et al., 2000; Weiss et al., 2014) (Tableau 1).

Plusieurs études ont contribué à l’hypothèse selon laquelle les PTP seraient impliquées dans le processus d’extrusion du tube polaire. Les PTP seraient en effet, déposés sur la pointe croissante du tube après la rupture du disque d’ancrage et subiraient une modification de leur potentiel redox suite

Tableau 2. Principales caractéristiques des microsporidies Encephalitozoon cuniculi et Nosema ceranae.

Caractéristiques Encephalitozoon cuniculi Nosema ceranae

Taille de la spore 2,2 x 1,2 µm

(Taupin, 2006)

4,4 x 2,2 µm

(Chen et al., 2009a)

Tours de spires 5 à 6 tours

(Taupin, 2006)

18 à 23 tours

(Fries et al., 1996; Chen et al., 2009a)

Type de noyau Monocaryon Diplocaryon

Taille du génome nucléaire 2,5 Mpb (Katinka et al., 2001; Peyretaillade et al., 2009) 5,7 à 7,9 Mpb

(Cornman et al., 2009; Pelin et al., 2015)

Interface hôte-parasite Vacuole parasitophore Contact direct avec le cytoplasme de la cellule hôte

Hôtes Mammifères Certains Hyménoptères

Type de cellules infectées Epithéliales, endothéliales,

macrophages Epithéliales intestinales

Figure 9. Les différentes étapes de la dévagination du tube polaire et de la libération du sporoplasme. (A) Spore

mature « dormante » présente dans l’environnement contenant un tube polaire enroulé dans le sporoplasme. Le tube polaire est représenté en noir et le noyau en gris. (B) Gonflement de la vacuole postérieure et rupture du disque d’ancrage au pôle antérieur de la spore. (C et D) Dévagination (sortie) du tube polaire à la manière d’un « doigt de gant inversé ». (E) Passage du contenu cellulaire (sporoplasme et noyau) au travers du tube polaire. (F) La totalité du sporoplasme est déversée dans le cytoplasme de la cellule hôte. La membrane plasmique délimitant le sporoplasme libéré a pour origine des membranes du polaroplaste lamellaire présent au pôle apical de la spore (d’après Keeling and Fast, 2002).

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10 à l’exposition à l’environnement extérieur. Cette modification du potentiel redox entre l'intérieur du

tube polaire et l'extérieur de la spore pourrait déclencher la formation de ponts disulfures dans les PTP, favorisant une modification de configuration des PTP et provoquant ainsi le déploiement du tube polaire, jusqu’à ce que la réserve de PTP soit épuisée (Weiss et al., 2014). Une étude plus récente indique que la protéine PTP4 jouerait un rôle dans l’attachement du tube à la cellule hôte lors de l’invasion en interagissant avec le récepteur à la transferrine de cette dernière (Han et al., 2017).

Ainsi, les caractères structuraux et organisationnels des microsporidies, en particulier sous leur forme sporale, sont très caractéristiques d’une espèce à l’autre et peuvent servir de critères de différentiation et d’identification des espèces, en complément des analyses de phylogénie moléculaire. Le tableau 2 répertorie les principales caractéristiques d’E. cuniculi et de N. ceranae, les deux espèces étudiées au cours de ma thèse.