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1.  Histoire et caractéristiques des microsporidies

1.1.   Caractères particuliers

Dans la phylogénie actuelle, les microsporidies sont considérées comme des organismes dérivés des champignons, appartenant au phylum Microsporidia (Figure 3). À ce jour, 187 genres, hébergeant environ 1 500 espèces, ont été recensés (Figure 4) (Corradi, 2015). Les microsporidies sont des eucaryotes parasites unicellulaires relativement peu complexes du fait de l’absence de mitochondries et de peroxysomes, et de la présence d’un appareil de Golgi non structuré en dictyosomes (Beznoussenko et al., 2007). Les microsporidies possèdent cependant différentes caractéristiques procaryotiques telles que des ribosomes de type 70S, composés d’ARN ribosomaux (ARNr) 16S et 23S. L’ARNr 23S présente néanmoins la particularité d’être fusionné à un ARNr 5,8S eucaryotique. Enfin, les microsporidies sont également caractérisées par des génomes très compacts qui sont généralement de taille extrêmement réduite (Sharma et al., 2014) (Annexe 1). L’absence de mitochondries a d’ailleurs contribué à l’idée que les microsporidies devaient être considérées comme des eucaryotes primitifs « amitochondriaux ». Elles furent ainsi classées dans les années 1980 dans le clade des Archezoa

(Figure 5) (Corradi, 2015) où figuraient d’autres organismes ne possédant pas de mitochondries (e.g. Entamoeba, Giardia, Trichomonas), aujourd’hui phylogénétiquement distincts les uns des autres (Keeling & Fast, 2002).

Cependant, la preuve phylogénétique que la microsporidie est étroitement liée aux champignons a rendu impossible la détermination d’un ancêtre dépourvu de mitochondries, contestant ainsi l’existence des Archezoa (Keeling et al., 2009). Ceci remit en cause l’origine de l’absence de vraies mitochondries, considérant plutôt une perte de l’organite qu’une absence totale de celui-ci au cours de l’évolution de ces organismes amitochondriaux. En outre, la découverte d’organites semblant dériver d’une mitochondrie ancestrale comportant des protéines chaperonnes mitochondriales comme Hsp70 ou Hsp60 (respectivement impliquées dans la machinerie d’import des protéines et dans leur repliement), contribue au rejet de l’idée que les microsporidies constituent un groupe primitif d’organismes amitochondriaux.

Ces organites apparentés aux mitochondries, décrits sous le nom d’hydrogénosomes (e.g. Trichomonas), de mitochondries anaérobies (e.g. Fasciola, Ascaris ou Euglena) ou productrices d’hydrogène (e.g. Blastocystis), et de mitosomes (e.g. Entamoeba et Giardia), possèdent des propriétés particulières (Figure 6). Comme les mitochondries, ces organites ont généralement un contenu enzymatique, impliqué dans les voies métaboliques de production d’énergie, variable selon

 

 

 

Figure  6.  Classification  fonctionnelle  des  organites  d’origine  mitochondriale.  Cette  classification  propose 

l’existence de 5 classes d’organites de type mitochondrial, parmi lesquels 4 sont impliqués dans la production  d’énergie.  Classe  1  :  la  mitochondrie  aérobie  (la  plus  «  classique  »)  utilise  l’oxygène  comme  accepteur  final  d’électrons. Classe 2 : la mitochondrie anaérobie utilise quant à elle, un accepteur d’électrons produit de façon  endogène,  comme  le  fumarate  en  remplacement  de  l’oxygène.  Classe  3  :  la  mitochondrie  productrice  d’hydrogène (H2) possède une hydrogénase et utilise les protons comme accepteurs d’électrons. Classe 4 : le  mitosome a la particularité de ne pas produire d’ATP. Le rouge indique que l’oxygène est consommé au cours de  la production d’ATP, le bleu que la production d’ATP est réalisée sans oxygène et le jaune que l’organite n’est  pas impliqué dans la production d’ATP (d’après Müller et al., 2012). 

 

Figure  7.  Représentation  schématique  du  mitosome  chez  les  microsporidies.  Cet  organite  d’origine 

mitochondriale  présente  une  morphologie  très  simple  et  n’a  conservé  que  très  peu  de  fonctions  de  la  mitochondrie. Il est délimité par une double membrane au sein de laquelle différentes structures telles qu’une  glycérol‐3‐phosphate  déshydrogénase  mitochondriale  (GPDH)  et  certaines  sous‐unités  des  complexes  mitochondriaux  des  membranes  interne  et  externe,  impliqué  dans  la  translocation  des  protéines  (TIM22  et  TOM70), sont retrouvées. Le rôle principal de cet organite cryptique serait l’assemblage des centres fer/soufre  (Fe/S). La biogénèse des complexes Fe/S aboutirait à la formation d’une ferrédoxine active, protéine participant  au transport des électrons (d’apèrs Vivarès et al., 2002). 

Chapitre 1 – Les Microsporidies

7 l’organite et l’organisme considérés, correspondant à une adaptation des organismes vis-à-vis de

l’environnement dans lequel ils évoluent ou de leur mode de vie. Par exemple le mitosome des microsporidies est adapté à leur mode de vie parasitaire (Müller et al., 2012).

Délimités par une double membrane, les mitosomes ne présentent cependant pas de crêtes et sont de plus petite taille que celle des mitochondries, soit environ 50 à 500 nm contre environ 1 µm selon des organismes considérés (Roussel, 2011). Le nombre de mitosomes peut varier en fonction des espèces, notamment au sein des microsporidies, comme par exemple chez Trachipleistophora hominis qui en possède une trentaine contre moins d’une dizaine chez E. cuniculi (Hjort et al., 2010). Les mitosomes ne possèdent pas de génome et ont perdu de nombreuses fonctions caractéristiques des mitochondries comme l’absence des complexes impliqués dans la chaîne de phosphorylation oxydative, l’absence de cycle de Krebs, et même, l’absence de production d’énergie.

En revanche, il a été montré que les mitosomes jouent un rôle majeur dans la biosynthèse des centres fer-soufre (Fe/S) et leur incorporation dans les protéines Fe/S fonctionnelles, celles-ci étant souvent impliquées dans les réactions d’oxydo-réduction (Vávra & Lukeš, 2013). Cette activité d’assemblage des centres Fe/S au sein des mitosomes a été démontrée chez les espèce T. hominis et E. cuniculi (Goldberg et al., 2008) (Figure 7). Enfin, l’absence de gènes codant pour des transporteurs membranaires, les MCF (Mitochondrial Carrier Family), permettant le passage d’ATP et d’ADP au travers de la membrane interne de la mitochondrie, a été observée dans les mitosomes (Katinka et al., 2001). Ils possèdent néanmoins d’autres transporteurs de nucléotides d’origine bactérienne appelés NTTs (Nucleotide Transporters) qui sont des translocases ATP/ADP (Tsaousis et al., 2008).

Contrairement aux mitochondries, les mitosomes sont incapables de produire leur propre énergie en quantité suffisante, d’où la nécessité d’effectuer cet apport depuis l’extérieur pour le métabolisme cellulaire, afin de compléter l’apport d’ATP généré par la microsporidie via la glycolyse. Tsaousis et collaborateurs ont ainsi montré que, parmi les quatre transporteurs d’ATP de la famille des NTTs présents chez E. cuniculi, trois d’entre eux étaient retrouvés à la surface du parasite lorsque le parasite se développe dans la cellule hôte, le quatrième étant localisé dans la membrane du mitosome. Ceci suggère la présence d’une réserve d’ATP en provenance de l’hôte dans le cytosol du parasite, à disposition du mitosome (Tsaousis et al., 2008). Cette forte dépendance énergétique des microsporidies vis-à-vis de l’hôte est un autre trait caractérisant ces parasites. Une récente étude publiée par Freibert et collaborateurs a mis en lumière l’origine évolutive des protéines Fe/S et des voies métaboliques impliquées. Leurs résultats montrent une origine bactérienne des voies d’assemblage des protéines Fe/S, mais aussi archéenne en ce qui concerne les protéines Fe/S cytosoliques et nucléaires, appuyant la thèse de l’origine chimérique des eucaryotes (Freibert et al., 2017).

                Figure 8. Structure des spores microsporidiennes d’Encephalitozoon cuniculi (A‐B) et de Nosema ceranae (C‐ D). Schémas représentatifs (A) de l’ultrastructure d’une spore d’E. cuniculi (d’après Keeling and Fast, 2002) et (D)  de N. ceranae. Une photographie en microscopie électronique à transmission de chacune des spores est donnée :  (B) coupe d’une spore d’E. cuniculi montrant le passage du sporoplasme au travers du tube polaire dévaginé  (Cliché Delbac F., communication personnelle), et (C) coupe d’une spore de N. ceranae montrant les différentes  structures intracellulaires et notamment les sections du tube polaire enroulé (d’après Aufauvre, 2013).       

Chapitre 1 – Les Microsporidies

8 Le matériel génétique des microsporidies peut être regroupé au sein d’un seul noyau

(monocaryon), comme c’est le cas chez E. cuniculi, ou de deux noyaux accolés (diplocaryon), e.g N. ceranae (Figure 8). La taille des génomes microsporidiens (Annexe 1) varie entre 2,2 Mpb pour Encephalitozoon romalae et Encephalitozoon intestinalis (Pombert et al., 2012) et 51,4 Mpb chez Edhazardia aedis, parasite des moustiques (Desjardins et al., 2015). Généralement, les génomes sont relativement petits, plus petits que de nombreux génomes bactériens. E. cuniculi, dont plusieurs souches ont été séquencées, possède un génome inférieur à 3 Mpb (Katinka et al., 2001; Peyretaillade et al., 2009; Pombert et al., 2013; Pelin et al., 2016), quant à celui de N. ceranae, il est de 7,9 Mpb (Cornman et al., 2009), bien que sa taille ait été estimée à 5,7 Mpb par Pelin et collaborateurs (Pelin et al., 2015).

Au cours de leur cycle de développement, les microsporidies se présentent sous deux formes : la forme végétative sous laquelle elles vont croître et se multiplier au sein d’une cellule hôte, et la spore qui leur permet d’être disséminées dans l’organisme puis l’environnement pour y survivre jusqu’au prochain cycle de multiplication.