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Les pesticides : impacts sur la santé des abeilles 

Il  semble  a  priori  difficile  d’anticiper  le  devenir  et  l’impact  d’un  polluant  sur  un  processus  biologique,  parfois‐même  en  ayant  des  molécules  et  des  systèmes  modèles.  En  effet,  la  définition  même d’un écosystème, caractérisé par le biotope et la biocénose qui le constituent, mais surtout par  les transferts d’énergie et de matière entre ces derniers, rend complexe la prédiction du devenir des  polluants d’une part et de l’écosystème d’autre part.   En effet, la grande diversité de polluants, en termes de molécules mères mais aussi de formulation  commerciale, de propriétés physico‐chimiques, et de doses utilisées, rend difficile la comparaison des  effets des différentes molécules sur un écosystème. À l’inverse, les réactions d’un écosystème sur une  molécule  (dégradation,  persistance,  rémanence  du  produit…)  peuvent  varier  en  fonction  de  l’écosystème. 

Dans cet « imbroglio moléculaire » constitué par les polluants environnementaux, certaines classes  de molécules forcent naturellement à la suspicion (Vidau, 2009). Seulement, toutes les études ne se  retrouvent pas lorsqu’il s’agit d’incriminer une molécule en particulier concernant son impact avéré  ou  non  sur  un  organisme.  Mais  force  est  de  constater,  grâce  notamment  aux  études  écologiques,  toxicologiques,  ou  épidémiologiques,  qu’une  catégorie  de  molécules  se  détache  particulièrement  quant aux effets néfastes sur l’environnement et les organismes : les pesticides10

Ainsi,  les  pesticides  de  par  leur  nature  à  induire  des  perturbations  physiologiques  voire  des  pathologies notamment chez l’Homme,  ont largement été étudiés et beaucoup de recherches sont  portées sur les modes d’exposition des organismes. Un grand nombre d’entre elles montrent que la  présence de ces pesticides, notamment les pesticides systémiques, dans l’environnement a également  un impact négatif sur la santé des organismes non‐cibles tels que des microorganismes terrestres et  aquatiques, des amphibiens, des annélides ou des arthropodes (Figure 27).   

1. Devenir des pesticides dans l’environnement 

Le premier pesticide commercialisé à grande échelle dans le milieu du XXème siècle et qui connut  un succès fulgurant, fût le dichlorodiphényltrichloroéthane, plus connu sous le nom de DDT.         10 Le terme pesticide est dérivé du latin « pestis » signifiant « fléau ». Les pesticides sont définis, selon la FAO  (Food  and  Agriculture  Organisation)  et  l’OMS  (Organisation  Mondiale  de  la  Santé)  comme  «  toute  substance 

destinée à prévenir, détruire, attirer, repousser ou lutter contre tout élément nuisible, plante ou insecte, pendant  la production, l’entreposage, le transport, la distribution et la transformation de denrées alimentaires, de produits  agricoles ou d’aliments pour animaux ». 

 

 

 

Figure 29. Différents domaines d'utilisation des pesticides. Hors du carré noir se trouvent les antiparasitaires et 

les  biocides  n’utilisant  pas  de  molécules  pesticides  comme  principe  actif  (extrait  naturels  de  plantes,  microorganismes,  antibiotiques…).  Observatoire  des  Résidus  de  Pesticides  de  l’ANSES, www.observatoire‐ pesticides.gouv.fr).   

 

Figure 30. Cartes de contamination des eaux de surfaces et souterraines en France en 2013. La recherche de 

pesticides (A et C) et leur quantification (B et D) ont été réalisées dans les cours d’eau de surface (A et B) ainsi  que dans les eaux souterraines (C et D).

 

Chapitre 1 – Les Pesticides

39 Utilisé pour protéger les populations humaines des parasites et insectes vecteurs de maladies, il

contribua fortement à diminuer la présence du typhus et à l’éradication du paludisme en Europe et en Amérique du Nord. Mais au début des années 1960, le doute s’installe quant aux réels bienfaits de cette molécules sur l’environnement et la santé humaine (Carson, 1962), et à partir des années 1970, le DDT fût peu à peu interdit d’utilisation. À l’heure actuelle, il reste cependant le point de référence pour la comparaison de la toxicité des pesticides produits.

Cinq groupes de pesticides existent aujourd’hui : les fongicides (avec lesquels sont regroupés les bactéricides), les herbicides, les insecticides (incluant aussi les acaricides et les nématocides), les molluscicides (limacides et hélicides) et les rodenticides, qui sont respectivement dirigés contre les champignons (ou bactéries), les plantes, les insectes (incluant les acariens et les vers), les mollusques (limaces et escargots) et les rongeurs.

L’immense succès des pesticides en applications agricoles afin d’optimiser la production de denrées alimentaires, a entraîné une étendue rapide de leur utilisation. Mais, en raison de leurs propriétés toxicologiques, leur ubiquité et leur persistance dans l’environnement, leur présence et leur concentration dans la chaîne alimentaire, ils constituent un véritable danger. Ils sont actuellement considérés comme les principaux polluants environnementaux à l’origine de résidus toxiques (molécules mères, produits de dégradation (métabolites), adjuvants) dans les trois compartiments de l’écosystème que sont l’air, l’eau et le sol, mais aussi dans toutes les matrices environnementales

(Figure 28). Le secteur agricole, souvent pointé du doigt, n’est pas le seul secteur utilisant des pesticides. En effet, ils sont largement utilisés dans l’industrie ou encore le domaine médical, pour des usages professionnels ou domestiques, bien que le terme « pesticides » soit réservé au secteur agricole

(Figure 29), et l’intérêt porté quant à leurs effets secondaires est de plus en plus important.

Présents dans l’eau, les pesticides peuvent ruisseler et polluer les eaux de surfaces, et infiltrer le sol en contaminant notamment les nappes phréatiques (Figure 30). Ils peuvent aussi être transportés dans l’atmosphère par l’évaporation et être ensuite retrouvés dans les eaux de pluies.

Les pesticides peuvent également contaminer l’air, suite aux épandages agricoles ou domestiques, ou lors des processus de volatilisation ou d’érosion des sols. Les vents favorisent le transport des aérosols, et peuvent propager les pesticides bien au-delà de leurs zones d’utilisation.

La flore est également exposée à ces molécules toxiques, soit par contact direct suite aux épandages ou via l’eau contaminée absorbée par leur système racinaire, soit indirectement lorsque la graine est dite « enrobée ». L’enrobage des semences consiste à débarrasser les graines de leur coque protectrice, et d’appliquer un traitement chimique (à base d’insecticide et/ou de fongicide) ou biologique (en présence de bactéries), afin de créer une couche protectrice artificielle dirigée contre

                  Figure  31.  Multiples  voies  d'exposition  des  abeilles  aux  pesticides.  Les  abeilles  sont  exposées  de  manière 

chronique ou aigüe, par voie orale ou topique, aux pesticides à différents niveaux dans l’environnement (air, eau  et  plantes).  Les  butineuses  sont  les  plus  exposées  car  elles  rapportent  à  la  ruche  ces  contaminants  qu’elles  portent sur elles ou qu’elles transportent dans le pollen, l’eau ou le nectar contaminés (d’après Medrzycki, 2016).  De manière indirecte, elles vont ainsi exposer les autres individus de la colonie, et en particulier le couvain via le  nourrissage de celui‐ci avec des produits contaminés. Les abeilles peuvent également être exposées directement  dans la ruche, via les traitements acaricides par exemple qui sont réalisés par l’apiculteur pour lutter contre les  acariens parasites tels que Varroa destructor.     

Chapitre 1 – Les Pesticides   

40  les organismes nuisibles. Ceux‐ci seront exposés par contact ou de manière systémique, c’est‐à‐dire 

que  la  molécule  diffusera  à  travers  toute  la  plante  via  le  système  vasculaire  au  cours  de  son  développement.