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Antioxydants en balance : la protection contre le stress oxydant

Les espèces réactives de l’oxygène sont en général présentes à de faibles concentrations dans la cellule. Ces concentrations sont régulées par un équilibre entre leur taux de production et leur taux d’élimination par des systèmes enzymatiques ou non enzymatiques, les antioxydants (Figure 43), afin de conserver l’intégrité de la balance pro-oxydants/anti-oxydants.

4.1. Les antioxydants enzymatiques

Cette protection est liée à des molécules qui, à faibles doses, sont capables d’entrer en compétition avec les cibles des ERO et peuvent ainsi diminuer ou empêcher leur oxydation. Les superoxydes dismutases ou SOD sont des métalloenzymes dont le site catalytique est successivement réduit puis oxydé par l’anion superoxyde. Il existe deux isoformes cytosoliques, à zinc ou à cuivre (Zn/CuSOD), et une SOD à manganèse (MnSOD) présente dans la matrice mitochondriale (Figure 36). À faible concentration, les ERO mitochondriales peuvent être neutralisées par la MnSOD au niveau de la membrane interne mitochondriale, ainsi que dans la matrice (Bevilacqua et al., 2012). Si le radical

                Figure 43. Les systèmes antioxydants. L’O2 est capable de capter un électron pour former le radical superoxyde  O2•‐. Ce dernier est catalysé par les superoxydes dismutases (SOD) et forme du peroxyde d’hydrogène H2O2. Des  hyperoxydes ROOH et des lipoperoxydes LOOH sont également produits. Les antioxydants enzymatiques tels que  les glutathion peroxydases (GPx) permettent la détoxication de ces composés, tandis que la catalase convertit  l’H2O2 en H2O. D’autres enzymes telles que les thiorédoxines (Trx), les peroxyrédoxines (Prx) et les glutathion‐S‐ transférases (GST) permettent l’élimination des espèces réactives de l’oxygène (ERO) et le maintien de l’équilibre  entre pro‐ et antioxydants. En outre, plusieurs composés non enzymatiques, notamment les vitamines E et C (Vit  E, Vit C) et le glutathion (GSH), peuvent interagir avec les radicaux et les détoxiquer (d’après Delattre et al., 2005;  Barouki 2006). (Schéma : Kocer A., communication personnelle). Chez l’abeille, la littérature a décrit notamment  la présence de SOD, GPx, GR, GST, Trx, Prx, et CAT (Corona and Robinson 2006).       

 Chapitre 1 – Le Stress Oxydant   

61  superoxyde O2•‐  n’est pas spontanément dismuté en H2O2, il est pris en charge par les SOD qui vont 

catalyser cette réaction (Wang et al., 2013) afin de l’éliminer, ou tout du moins de le maintenir à une  faible concentration : 2O2•‐ + 2H+ → H2O2 + O2

Les SOD inhibent également la peroxydation des phospholipides (Dupré‐Crochet et al., 2013). Les  produits de la lipoperoxydation peuvent être aussi pris en charge par la glutathion peroxydase (GPx).  C’est une enzyme formée de quatre sous‐unités identiques dont le site actif contient du sélénium. À  l’instar  des  NOX,  la  GPx  est  présente  à  l'intérieur  des  cellules  sous  deux  isoformes  :  la  c‐GPX,  cytosolique  et  mitochondriale,  et  la  PH‐GPx  membranaire  (Ursini,  1995).  Ces  deux  isoformes  contribuent à la réduction des hyperoxydes LOOH, mais aussi du peroxyde d’hydrogène en oxydant le  glutathion GSH : H2O2 + 2GSH → 2H2O + GSSG. 

Le peroxyde d’hydrogène peut également être réduit par la peroxyrédoxine (Prx) (Figure 43) selon  la  réaction  :  Prx  réduit  (Prxréd)  +  H2O2  →  Prx  oxydé  (Prxox)  +  2H2O.  Tout  comme  les  enzymes  précédentes,  elle  peut  être  présente  dans  le  cytosol  et  dans  la  mitochondrie,  mais  aussi  dans  les  chloroplastes  des  végétaux,  ou  encore  les  peroxysomes  et  associées  à  la  membrane  plasmique  ou  nucléaire (Wood et al., 2003). À plus forte concentration, la Prx exerce aussi un rôle antioxydant sur  les lipides oxydés (LOOH) et les protéines oxydées (ROOH) selon la réaction :  

Prxréd + L(ou R)OOH + 2 e‐ → Prxox + L(ou R)OH + 2H2O. 

La  Prx  oxydée  devient  inactive  et  le  transfert  d’électrons  à  la  thiorédoxine  (Trx)  réduite  est  alors  nécessaire pour restaurer son activité catalytique : Prxox + Trxréd → Prxréd + Trxox

Enfin, la catalase est formée de quatre groupements hémiques contenant du fer ferrique (Fe3+). Elle  est présente au niveau des peroxysomes et catalyse la réduction du H2O2 en accélérant la réaction de  dismutation de l'eau oxygénée selon la réaction : 2H2O2 → 2H2O + O2. Tout comme la SOD, elle participe  également à l’inhibition de l’oxydation des lipides (Dupré‐Crochet et al., 2013) (Figure 43). 

 

4.2. Les antioxydants non‐enzymatiques 

Les enzymes ne sont pas les seuls éléments mis à disposition par la cellule pour contrôler la quantité  d’ERO. En effet, il existe diverses molécules antioxydantes, donc réductrices, non enzymatiques telles  que  les  vitamines  C  et  E  (respectivement  l’acide  ascorbique  et  le  tocophérol),  les  caroténoïdes  ou  encore les quinones, mais aussi le glutathion (GSH), la cystéine, la cystéamine et la pantéthéine (Figure  43). Des protéines chélatrices de métaux ou liant les groupements hémiques, ainsi que certains acides  aminés,  même  s’ils  ont  de  faibles  propriétés  antioxydantes,  participent  aussi  aux  mécanismes  de  neutralisation des ERO lorsqu’ils sont en quantité suffisante (Delattre et al., 2005).  

              Figure 44. Récapitulatif des voies métaboliques à l’origine de la production d’espèces réactives de l’oxygène  (ERO). L’O2 est capable de capter un électron, formant le radical superoxyde O2•‐. Ce dernier est catalysé par les  superoxydes dismutases (SOD) pour donner de l’H2O2, transformé en radical hydroxyle HO par la réaction de  Fenton. L’HO est extrêmement réactif et oxyde très rapidement les molécules voisines formant parfois d’autres  radicaux libres. L’H2O2 peut aussi subir des réactions de détoxication catalysées par la catalase et les peroxydases  GPx  et  Prx.  De  même,  plusieurs  composés,  notamment  les  vitamines  E  et  C  et  le  glutathion  (GSH),  peuvent  interagir avec les radicaux et les détoxiquer. Le métabolisme de l’oxygène croise celui de l’azote puisque O2•‐  peut  interagir  avec  un  autre  radical,  le  monoxyde  d’azote  NO,  conduisant  à  la  production  de  peroxynitrite  (ONOO),  un  autre  composé  toxique.  La  myéloperoxydase  (MPO)  permet  en  présence  d’ion  Cl,  la  formation  d’acide hypochloreux HOCl à partir de l’H2O2 (d’après Delattre et al., 2005 ; Barouki, 2006). 

Chapitre 1 – Le Stress Oxydant

62 Enfin, certains minéraux et oligoéléments ont une action antioxydante, notamment en agissant

comme cofacteurs des enzymes antioxydantes (SOD, GPX) ou en participant à la neutralisation des radicaux libres produits par exemple par les cellules de l’immunité.

Ces mécanismes de catabolisme et d’anabolisme des ERO sont récapitulés dans la Figure 44.

4.3. Cas de la N-acétylcystéine

La N-acétylcystéine, ou NAC, est un acide aminé non essentiel dérivant de la cystéine et précurseur du glutathion, principal antioxydant endogène de l’organisme. Grâce au groupement thiol qui le compose et qui est sensible à l’oxydation, la N-acétylcystéine se trouve être une cible préférentielle pour les ERO. Utilisé chez l’Homme comme médicament en tant qu’agent mucolytique, par cassure des ponts disulfures des mucoprotéines (glycoprotéines contenant plus de 10% d’hydrate de carbone), il permet en effet de diminuer l’excédent de mucus encombrant les voies respiratoires en cas de grippe, bronchite ou sinusite ou même de fibrose kystique (mucoviscidose). La N-acétylcystéine est souvent utilisée dans les études portant sur le stress oxydant. Elle peut être administrée à des cellules in vitro préalablement exposées à un pro-oxydant comme l’H2O2 (Xiao et al., 2014), mais aussi conjointement à l’insecticide fipronil (Ki et al., 2012; Park et al., 2013; Romero et al., 2016), afin d’évaluer les capacité de la NAC à temporiser les effets pro-oxydants du fipronil. In vivo, la NAC a été testée sur des insectes comme la drosophile (Sun et al., 2012) ou les abeilles pour contrebalancer les effets de l’herbicide paraquat (Cousin et al., 2013).

4.4. Les systèmes de réparation post-ERO

Lorsque les espèces réactives de l’oxygène échappent aux antioxydants, et provoquent des dégâts sur les protéines, les lipides et l’ADN, la cellule dispose de divers systèmes de réparation ou d’élimination pour limiter les effets délétères. Hormis les systèmes de réparation des dommages causés à l’ADN, les produits de l’oxydation des protéines et des lipides sont éliminés de la cellule.

Concernant les lipides peroxydés, les systèmes protéiques de protection, les phospolipases, vont avant tout stopper la réaction en chaîne se déroulant lors de la lipoperoxydation, et supprimer les parties fortement endommagées afin de permettre la réparation par d’autres systèmes enzymatiques. En effet, les acétyltransférases vont remplacer les acides gras éliminés tandis que la glutathion transférase se charge de la réparation des acides gras oxydés. Les protéines oxydées quant à elles vont être prise en charge par le protéasome qui va les dégrader in fine en résidus acides aminés, recyclés pour la formation de nouvelles protéines (Costa et al., 2007). L’ADN oxydé est pris en charge par des exo- et des endonucléases qui vont éliminer les fragments endommagés. Les glycosylases et la

Tableau 8. Systèmes enzymatiques antioxydants prédits dans le génome d’A. mellifera et mesure de l'activité de certains d'entre eux lors d'une infection par N. ceranae.

Antioxydant prédit

(Nikolenko et al., 2012) Acronyme Fonction antioxydante

Activité en présence de N.

ceranae

Catalase CAT Réduction de l’H2O2 en

H2O

Diminution de l’expression du gène

(Aufauvre et al., 2014) Augmentation de l’expression du gène (Dussaubat et al., 2012) Glutathion peroxydase GPx Réduction de l’H2O2 en H2O par oxydation du glutathion Diminution de l’activité (Dussaubat et al., 2012)

Glutathion peroxydase like GPx-like

Augmentation de l’expression du gène

(Dussaubat et al., 2012)

Glutathion réductase GRx Réduction de la GST Pas de modification de l’activité

(Dussaubat et al., 2012)

Glutathion-S-transférase GST Réduction des

xénobiotiques

Augmentation de l’activité

(Vidau et al., 2011a)

Augmentation de la quantité (Vidau et al., 2014) Méthionine sulfoxyde réductase A et B Msr Réduction de la Trx - Peroxyrédoxine Prx Réduction de l’H2O2 en H2O par oxydation de la Prx - Superoxydes dismutases mitochondriales (MnSOD) et cytosoliques (Cu/ZnSOD)

SOD Réduction de l’O2•- en H2O2

Pas de modification de l’activité

(Dussaubat et al., 2012)

Thiorédoxine réductase TrxR Réduction de la Prx Augmentation de la quantité

(Vidau et al., 2014)

Vitellogénine Vg

Cible préférentielle des ERO, comparativement à d’autres protéines de l’hémolymphe

Diminution de l’expression du gène

(Antúnez et al., 2009 ; Goblirsch et

al., 2013)

Augmentation de la quantité chez les reines

(Alaux et al., 2011)

Diminution de l’expression du gène corrélée avec l’augmentation de la charge sporale

(Antúnez et al., 2013)

Augmentation de l’expression du gène en présence de pollen

(Dussaubat et al., 2013 ; Zengh et al., 2014)

Chapitre 1 – Le Stress Oxydant

63 polymérase vont permettre le remplacement des vides laissés par les précédentes enzymes et enfin

les ligases vont pouvoir assembler le tout pour faire la liaison entre les segments réparés.