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La science-fiction

Dans le document Masques et miroirs (Page 179-200)

l’imaginaire comme excès de réel

1.2 La science-fiction

À l’autre frontière du fantastique, on place traditionnellement (comme Castex, Caillois, Vax...) la science-fiction, qui est une sorte de merveilleux scientifique. Né d’un désir d’ailleurs (dont les traces en littérature sont très anciennes, de Lucien de Samosate à l’Arioste, Cyrano de Bergerac ou Jules Verne) et lié à l’anticipation, ce genre se développe surtout à partir duXIXesiècle, grâce aux avancées scienti-fiques et technologiques. Il est proche du merveilleux dans la mesure où, là non plus, il n’y a pas rupture de cohérence, les événements étranges y étant justifiés à partir de nouvelles données. Todorov note à ce propos : « Ici, le surnaturel est expliqué de manière rationnelle

1. Ibid.« Assez, assez, par pitié ! — hurla tout à coup Lucrezia en se couvrant le visage de ses mains, et elle se mit à pleurer, à sangloter fort, en tremblant comme si elle avait froid. »

1 Les motifs traditionnels

mais à partir de lois que la science contemporaine ne reconnaît pas1. » La science-fiction peut varier, suivant en cela la conception de la science elle-même, de l’utopie la plus optimiste à la crainte la plus noire des ravages d’un progrès mal maîtrisé, mais elle sert aussi sou-vent la réflexion sur le monde présent.

On trouve aussi chez Landolfi à la fois un rêve de mondes lointains, et un certain regard critique sur le nôtre. Mais comme pour le fée-rique, ces thèmes n’ont souvent que l’apparence de la science-fiction. « Asfù » (Il mar delle blatte), par exemple, part d’une banale conversation sur les romans russes et le bonheur, et sans transition (grâce au dialogue « libre ») nous nous trouvons en plein voyage inter-galactique à destination d’Asfù, étoile de la Nébuleuse Andromède. Mais le vaisseau spatial a tout d’un train, la Terre n’est plus qu’un arrêt secondaire, et les voyageurs, provenant de tout l’univers, ont des conversations bien banales pour ne pas dire, paradoxalement, bien « terre-à-terre ». Ici la science-fiction (la « fantascienza ») est plus du côté de la fantaisie que de la science, l’humour provenant des situa-tions artificielles ainsi créées, et des noms inventés pour l’occasion. Asfù, « terre de délices », est en fait un prétexte pour représenter un lointain merveilleux, une promesse de bonheur, proche en cela de l’île rêvée par Lucrezia à la fin de « Il mar delle blatte » (« sur une mer bleue, sous un ciel bleu, au milieu d’arbres toujours verts... ») ; ou encore d’une autre île, celle des mers du Sud, refuge des amants incestueux deUn amore del nostro tempo.

Si l’on retourne la situation, on peut aussi considérer la Terre depuis le lointain d’une autre planète. Les auteurs du XVIIIe siècle, en particulier (comme Voltaire dans Micromégas), se sont servis du point de vue d’extraterrestres présumés, dans un but politique et philosophique, pour critiquer la société de leur temps sur le mode humoristique et satirique. On trouve dansRacconti impossibilideux récits (« Quattro chiacchiere in famiglia » et « Un concetto astruso ») qui pourraient appartenir à cette tradition. La satire des Terriens s’y présente sous forme de dialogues plus ou moins pédagogiques entre ce qui semble être un père et son fils dans le premier cas, et entre un professeur et ses élèves, dans le second. Mais la réflexion, ici, loin d’être sociale, se borne à ce qui reste l’unique « engagement » de Lan-dolfi : le langage et sa pratique.

Un autre récit satirique « épingle », sous forme de dialogue encore, la trop grande prétention de la race humaine qui peine à admettre que pour d’autres êtres, elle pourrait bien n’être que microscopique, pour ne pas dire inexistante1.

La satire s’exerce aussi, comme on a pu le voir, aux dépens de la science et des scientifiques. Landolfi les désacralise dans tous ses faux traités, tournant surtout en dérision leur langage, encore une fois, et leurs trop grandes certitudes. (Rappelons par exemple le traité « Da : L’astronomia esposta al popolo. Nozioni d’astronomia

siderone-bulare », daté de 2051 ).

Le récit « Nuove rivelazioni sulla psiche umana : l’uomo di Mann-heim » se place bien, de prime abord, dans la même veine ; mais la fin a une portée, cette fois-ci, beaucoup plus universelle. Ce qui n’était au départ que le pastiche d’un traité déjà existant, se termine sur une vision très négative du devenir humain. Landolfi, par son pes-simisme naturel, se montre ici précurseur (dès 1941) d’un courant de pensée qui, né de la première bombe atomique, prévoit la dispari-tion de l’homme, et qui deviendra un thème récurrent de la science-fiction moderne : des romans commeDemain les chiensde Clifford Simak (1952), ouLa planète des singesde Pierre Boulle (1963), déve-loppent ainsi une problématique très proche de celle du « Cane di Mannheim ».

Cette vision d’un destin collectif de l’homme, typique de la science-fiction, reste cependant exceptionnelle chez Landolfi, dont l’intérêt va toujours vers une expérience individuelle.

C’est ainsi que le roman Cancroregina, bien que présentant de nombreux motifs typiques de la science-fiction, ne peut être limité à cette catégorie. Certes, on y trouve un vaisseau spatial, mais dont le nom même et les caractéristiques sont très improbables d’un point de vue scientifique et technique. Le savant fou, dépassé par son inven-tion, appartient également à une longue tradiinven-tion, dont les exemples les plus marquants apparaissent surtout au XIXe siècle : chez Mary Shelley avec son Docteur Frankenstein, chez Poe (La vérité sur l’étrange cas de Monsieur Valdemar), chez Villiers de l’Isle-Adam (L’Ève future) ou encore chez l’un des premiers auteurs de science-fiction proprement dits, H. G. Wells. Ancien aussi est le thème du voyage vers la Lune, abandonné d’ailleurs à l’époque moderne où

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les découvertes scientifiques permettent d’imaginer des destinations beaucoup plus lointaines. En revanche, la révolte de la machine contre l’homme est devenue presque un leitmotiv de la science-fiction contemporaine, que ce soit dans la littérature ou, plus récemment encore, au cinéma (on pense par exemple à2001 Odyssée de l’espace

de S. Kubrick, adapté de la nouvelle d’Arthur ClarkeLa sentinelle). Malgré ces points communs apparents, comme l’affirme Giancarlo Pandini : « Chiamare dunque Cancroregina racconto di science-fiction è errato, come errato sarebbe considerarlo un’esplorazione avventurosa dello spazio celeste (sulla scia di Verne, o diSomnium

di Keplero, o dell’Ève future di Villiers de l’Isle-Adam) ; o ancora un viaggio siderale caro agli autori di “space-operas”, che negli anni Cinquanta conobbero il loro boom anche in Italia ; niente di tutto questo1. »

Tous ces motifs, regroupés principalement dans la première par-tie de Cancroregina, ne sont en fait qu’un prétexte à une réflexion philosophique essentiellement individuelle, qui s’exprime dans la deuxième partie sous la forme du journal, et qui concerne des thèmes récurrents chez Landolfi : la difficulté de vivre, la mort, le langage... Avec son ironie habituelle, l’écrivain joue avec la science-fiction comme il le fait pour d’autres styles, pour mieux les intégrer, déviés, transformés, à sa pratique. Un autre critique constate ainsi : « In Can-croregina vengono dunque pazientemente e capillarmente costruiti e poi smantellati i presupposti pertinenti all’attribuzione del testo al genere fantascientifico, in un gioco sapientemente orchestrato tanto da acquistare una rilevanza di primo piano, e da imporre la consi-derazione di un livello metaletterario di interpretazione intrinseco al testo landolfiano2. » Généralement d’ailleurs, la critique voit dans ce

1. G. Pandini, Landolfi,op. cit., p. 56. « Appeler, donc,Cancroreginarécit de science-fiction est une erreur, comme il serait une erreur de le considérer comme une aventureuse exploration de l’espace céleste (dans le sillage de Verne, ou de

Somniumde Kepler, ou deL’Ève future de Villiers de L’Isle-Adam) ; ou encore comme un voyage sidéral cher aux auteurs de “space-operas”, qui, dans les années Cinquante, connurent leur “boom” en Italie aussi ; rien de tout cela. »

2. Diego Dejaco, « Un punto di svolta nella narrativa landolfiana : Cancroregina », inStrumenti critici, no61, septembre 1989, p. 413. « DansCancroregina, les présup-posés pertinents pour l’attribution du texte au genre science-fiction, sont patiemment et minutieusement construits, et puis démantelés, dans un jeu savamment orchestré, si bien qu’ils acquièrent une importance de premier plan, et qu’ils obligent à prendre en compte un niveau métalittéraire d’interprétation, intrinsèque au texte landolfien. »

roman un tournant dans l’œuvre de Landolfi, non pas par ces pseudo-aspects de science-fiction, mais parce qu’il marque l’apparition du premier de ses « diari », l’écrivain exprimant sous cette forme ses réflexions, ses angoisses, ses obsessions1..., comme il va le faire de plus en plus, et ce dèsLa bière du pecheur, publiée juste après.

Beaucoup plus léger de ton et de sujet, est le récit « Roboto accade-mico » : là encore, cependant, un motif classique (ici celui de l’intelli-gence artificielle, à travers une machine programmée pour répondre à toutes les questions) est utilisé et dévié pour devenir une mélodra-matique histoire d’amour impossible2.

Landolfi, d’après certains de ses amis, ignorait la littérature de science-fiction du XXe siècle. Si on en retrouve cependant certains thèmes chez lui, c’est dans la mesure où cette forme est également une manière de mettre en question la réalité, de la manipuler, et d’en montrer, à travers le jeu sur l’espace et le temps, la relativité. C’est sans doute dans ce sens qu’il faut comprendre la remarque que l’on trouve dans Rien va : « Mi par chiaro che sola la letteratura fanta-scientifica è sulla strada giusta, e se ho detto altra volta il contrario tanto peggio, o l’avrò fatto per ignoranza dei testi migliori. [...] Quel letterale rivolgersi al di fuori parrebbe il solo atteggiamente possi-bile3. »

Ce « dehors », cette extranéité, et donc cette étrangeté de la science-fiction est aussi ce qu’elle a en commun avec le fantastique.

1.3 Les motifs traditionnels du fantastique : « l’Obvie » et « l’Obtus »

Si l’on s’en tient aux définitions traditionnelles qui le distinguent du merveilleux et de la science-fiction, le fantastique semble être la catégorie de l’imaginaire la plus représentée chez Landolfi. De nom-breuses typologies du fantastique, on le sait, ont été proposées par les théoriciens du genre, qui n’ont fait souvent qu’en désigner, en fait, le

1. Le premier « diario » est en fait celui de « Settimana di sole » (Dialogo dei massimi sistemi), mais sa fonction reste strictement narrative, relevant uniquement du personnage et exempte de la réflexion qui marque les journaux plus tardifs.

2. « Roboto accademico » inIn società.

3. Rien va,Opere II,op. cit., p. 355. « Il me semble clair que seule la littérature de science-fiction est sur la bonne voie, et s’il m’est arrivé de dire le contraire, tant pis pour moi, ou alors je l’ai fait par ignorance des meilleurs textes. [...] Cette façon de se tourner, littéralement, vers l’extérieur, pourrait être néanmoins la seule attitude possible. »

1 Les motifs traditionnels

caractère flou et protéiforme. Louis Vax note d’ailleurs : « Ce n’est pas telle ou telle classification des motifs qui s’avère fautive dans le détail, c’est l’effort même visant à déterminer a priori la nature du fantas-tique qui est vain1. » Dans le cas de Landolfi, la classification est parti-culièrement problématique, étant donné qu’aucun thème n’est jamais « pur », les motifs s’entrecroisent, les limites restent floues.

Nous avons choisi de reprendre ici la terminologie de Jean Fabre qui, s’inspirant lui-même de Barthes, distingue le fantastique obvie du fantastique obtus. Le premier est caractérisé par la motivation, au double sens du terme : les motifs (Diable, monstres, fantômes...) qui figurent le surnaturel, et la causalité (magique, dans le cas du véritable fantastique) de ces phénomènes. C’est le courant tradition-nel, représenté surtout au XIXesiècle. Par opposition, ce qui marque le fantastique obtus, c’est l’absence de figures conventionnellement expressives, et la non-motivation. Malgré la présence, chez Landolfi, de nombreux motifs de l’Obvie, la question se pose, dans beaucoup de récits, du caractère simplement apparent, ou au contraire essentiel, du fantastique traditionnel. On verra ainsi que les figures de l’Obvie semblent très présentes, mais perdant le plus souvent leur caractère expressif, elles cèdent le terrain au fantastique moins apparent mais plus insidieux de l’Obtus.

Le motif le plus lié, peut-être, à l’idée du fantastique, est celui des apparitions surnaturelles et des fantômes (on se rappelle, notamment, les très anciennes définitions). La première « apparition » est celle de « la donna nella pozzanghera », dans le récit de D (« La piccola

apo-calisse »). Nous sommes cependant, ici encore, à mi-chemin entre le merveilleux et le fantastique. Les effets « mirabilisants » proviennent, en particulier, de l’absence d’angoisse du narrateur et de la beauté de l’inconnue, ainsi que de l’atmosphère irréelle qui baigne ce récit, localisé dans un pays étranger2. En contrepartie, d’autres conditions du fantastique sont bien présentes. Un « je » narrateur, caractéristique (même s’il n’est pas obligatoire) de ce type de récits, raconte, au passé, une aventure qui lui est arrivée. L’ancrage dans le réel, sans lequel il n’y a pas de fantastique possible, se fait également, surtout au début, avec l’ambiance du restaurant où apparaît la belle, et les commen-taires un peu égrillards des amis du narrateur. Mais ce décor va

1. Louis Vax,La séduction de l’étrange, Paris, PUF, 1965 p. 62.

2. Jean Fabre rappelle l’importance, pour l’efficacité du fantastique, de l’hic et nunc.

devenir de plus en plus irréel, au fur et à mesure de la promenade noc-turne dans la ville inconnue. Et la disparition de la mystérieuse femme dans la boue d’un faubourg reste baignée aussi de merveilleux, même si elle laisse l’autre personnage seul et désemparé. En fait, ce qui s’op-pose le plus à l’idée de fantastique, dans ce récit, c’est qu’il est posé dès l’abord comme œuvre d’art, et non comme témoignage réaliste : « D, tornato a casa, si diede a scrivere il seguente racconto — o comun-que lo si voglia chiamare1. » Et ce statut est bien confirmé par la note, entre parenthèses et en italiques, qui suit, critiquant le récit lui-même et les suites possibles, mais non réalisées, envisagées par D avant sa disparition. On est donc encore dans l’entre-deux, entre merveilleux et fantastique, entre abandon à la rêverie et rappel à l’ordre ironique, d’autant plus que, comme on le sait, les sources d’inspiration de ce récit sont diverses (Gœthe, Blok...)

Les fantômes qui viennent hanter le vieux manoir de « Settimana di sole » pourraient sembler, à première vue, plus traditionnels. Ce sont les ancêtres du narrateur, vêtus comme à leur époque, qui appa-raissent une nuit, après l’invocation de leur descendant qui attend leur aide pour trouver un trésor. Mais les attitudes de ces spectres, comme leurs noms (« la Reine de la Plonge », « le Dissipateur », « le Porc »), sont vulgaires et grotesques, et la partie de cartes qu’ils entament, se termine dans les cris et la confusion générale. Si les stéréotypes du « roman gothique » sont bien réunis (vieux château, personnage

soli-taire, fantômes...), c’est en fait pour être pastichés à l’envi, et rien dans ces figures ne peut faire naître le mystère ni l’angoisse. Un certain sen-timent d’étrange demeure pourtant, plus subtil, même s’il est dû plus au fantasmatique qu’au véritable fantastique. La folie du narrateur, en effet, exempte de caractères de causalité par rapport aux événements narrés, produit d’autres motifs, beaucoup moins convenus et obvies que les ridicules fantômes qu’on a vus : les rapports amoureux du narrateur avec un autre spectre, Ella, laNudovestita; la chasse qu’il donne aux rayons de soleil et au silence2; et surtout, peut-être,

l’ab-1. « La piccola apocalisse »,Dialogo dei massimi sistemi,op. cit., p. 99. « D, ren-tré chez lui, se mit à écrire ce récit, ou n’importe comme on voudra l’appeler. »

2. « A proposito, son riuscito ad acchiappare due piccoli silenzi, due silenziotti : hanno una peluria soffice e sono un po’ più scuri della madre ». « Settimana di sole »,

ibid., p. 139. « À propos, j’ai réussi à attraper deux petits silences, deux “silenciots” : ils ont un pelage soyeux et sont un peu plus foncés que leur mère ».

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sence de dénouement, une fin ouverte qui, laissant la place à toutes les conjectures, retrouve ainsi l’indécision propice au fantastique.

Le thème de l’attirance, de la part du narrateur, pour un fantôme féminin se retrouve dans « La fanciulla sconosciuta », récit deIl gioco della torre. Le cadre où apparaît ce fantôme semble ici plus classique, car il s’agit du spectre typique d’une jeune fille qui revient hanter les lieux où elle a été assassinée, plus d’une centaine d’années aupara-vant. Elle se montre à heures fixes, et la rumeur populaire lui a même donné un nom : la Dame à l’ombrelle. Cependant, à côté de ces figures traditionnelles, d’autres apparaissent, plus surprenantes, qui semblent même prendre à contrepied les croyances habituelles dans ce genre d’histoires de revenants : c’est à midi et non à minuit, que le fantôme se montre ; cela se passe en pleine campagne, et non dans quelque château en ruines ; et loin de chercher à terrifier les vivants, la créa-ture les fuit, au contraire, leur tournant toujours le dos. C’est d’ailleurs cette absence de visage, de regard, qui attire et obsède le narrateur. Après une vaine poursuite, le fantôme disparaît, évidemment, mais pas l’obsession de l’homme qui continue à se demander : « E insomma che cosa, celandomi il suo volto, quale inimmaginabile orrore ha voluto evitarmi la sconosciuta fanciulla1? » Ainsi, un décalage se crée par rapport à la tradition : ce n’est pas le fantôme qui apporte l’hor-reur, puisqu’au contraire, dans sa bienveillance, il cherche à l’épar-gner au protagoniste du récit ; c’est celui-ci qui la recrée dans son imagination.

Un autre récit où les fantômes jouent un rôle important est celui qui donne son titre au recueilOmbre. Ici aussi, on pourrait se croire dans un roman gothique : un narrateur raconte une nuit passée dans un vieux château labyrinthique peuplé de revenants. Mais nous sommes ici devant une sorte de « simulacres au second degré », puisque on comprend vite qu’il s’agit d’une fête costumée, et que ces fantômes ne sont que des masques. Dans cet univers de faux-semblants, un crime a lieu, cependant, bien réel, et le mystère revient alors, à un autre niveau, celui de la personnalité de la meurtrière, Marta.

Ce récit, comme « Settimana di sole », a pour cadre un vieux châ-teau qu’il n’est pas surprenant de voir hanté. Cette figure est en effet l’un des stéréotypes favoris du roman noir, ou roman gothique, né

1. « Et en somme, quoi donc, en me cachant son visage, quelle horreur inimagi-nable a voulu m’éviter la jeune fille inconnue ? » « La fanciulla sconosciuta »,Il gioco della torre,op. cit., p. 82.

à la fin du XVIIIesiècle en Angleterre, et que beaucoup considèrent comme étant à l’origine du fantastique. On a plusieurs fois évoqué ce genre à propos de Landolfi, qui ne s’en inspire cependant, le plus sou-vent, que pour le parodier. Il est pourtant intéressant de noter la coïn-cidence entre une figure typique du fantastique obvie et un motif par-ticulièrement récurrent chez notre auteur, parce que largement auto-biographique : celui du vieux manoir. Ainsi l’aspect labyrinthique de ces vieilles demeures, déjà important dans « Ombre », devient un

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