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La sécurité, une exigence croissante des citoyens

Conclusion du Chapitre 1

Chapitre 2 – Le détenu, objet du service public pénitentiaire

A) La sécurité, une exigence croissante des citoyens

130- Lors de la construction de la société, la première revendication des

individus était la sécurité. Ils souhaitaient que l’État les protège afin qu’ils puissent vivre ensemble et en paix. Ce n’est qu’à ce titre qu’ils ont accepté de déléguer une part de leur liberté et que l’État est devenu le détenteur du droit de punir. En conséquence, lors de la Révolution française, mettant fin à l’ordre naturel et désirant rompre avec l’arbitraire des régimes précédents, les gouvernants ont souhaité justifier leurs choix politiques, notamment lorsqu’ils entraînaient la réduction ou la perte de libertés accordées aux citoyens. Ils ont alors non seulement mis en place le droit à la sûreté, protégeant les individus contre les éventuels abus étatiques, mais également utilisé le concept d’intérêt général, défini comme un intérêt supérieur commun à tous les individus. Mais, peu à peu, ce concept a évolué pour devenir aujourd’hui la somme des intérêts particuliers (1). Une évolution qui, couplée à la médiatisation des faits divers et à la montée du terrorisme, a impulsé la reconnaissance d’un nouveau droit pour les individus venu

343 D. SALAS, La volonté de punir, Essai sur le populisme pénal, Hachette Littératures, Paris, 2005, p. 44.

113 compléter le droit à la sûreté, un droit protégeant les individus non plus seulement de l’État, mais imposant à l’État de les protéger de toute violence, le droit à la sécurité (2).

1. Les intérêts individuels, nouveau critère de définition de l’intérêt général en matière de politique pénale

131- Conçu depuis la Révolution comme un outil de légitimation de l’action

publique, l’intérêt général est devenu un concept clé du droit administratif. Nécessaire pour justifier la création d’un service public344, il n’est pourtant pas « une donnée de l’évidence »345 puisque difficile à définir. Du fait de l’inconstance et de l’inconsistance de sa définition, il n’a eu de cesse d’évoluer depuis la Révolution. S’il était admis initialement comme l’intérêt supérieur de la collectivité, il prend aujourd’hui en compte les intérêts individuels, obligeant le législateur à justifier différemment ses choix politiques, y compris en matière pénale.

132- L’intérêt général, outil révolutionnaire de légitimation de l’action publique. À compter de la Révolution française, mettant fin à un ordre

politique défini comme « naturel », et donc « tourné par essence vers le

“Bien commun” », notion à forte connotation morale et religieuse346, les nouveaux gouvernants souhaitent justifier leurs choix politiques de manière rationnelle, lutter contre le sentiment d’arbitraire et obtenir l’assentiment du peuple. Si l’ordre naturel jouissait du « privilège de la transcendance », l’ordre révolutionnaire doit rationnaliser ses pouvoirs pour s’imposer. Il « doit s’assurer de l’adhésion des assujettis, en établissant

344 V. en ce sens : CE, 6 février 1903, Terrier ; TC, 22 janvier 1955, Naliato, Rec. 1955 p. 614 ; CE, 13 janvier 1961, Magnier ; RDP 1961, p. 155, concl. Fournier ; CE, 28 juin 1963, Narcy, Rec. 1963, p. 694.

345 D. LINOTTE, R. ROMI, E. CADEAU, Droit du service public, 2ème éd., Lexis Nexis, Paris, 2014, p. 9.

346 J. CHEVALLIER, « Déclin ou permanence du mythe de l’intérêt général ? », in : Mélanges en l’honneur de Didier TRUCHET, L’intérêt général, Dalloz, Paris, 2015, pp. 83-84.

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“rationnellement” sa nécessité et son bien-fondé », c’est-à-dire expliquer

que ses choix sont raisonnés et prennent en compte les besoins de la collectivité. L’intérêt général devient ainsi « l’idéologie matricielle » de cette rationalité ; « il s’agit de montrer que ceux qui détiennent le pouvoir ne

l’exercent pas en leur nom propre, mais au nom de l’institution dont ils sont les représentants et pour le plus grand bien des personnes du groupe »347. Couplé au concept de volonté générale, l’intérêt général devient alors le moyen pour les révolutionnaires d’empêcher que le nouveau régime, à l’instar de l’ancien, soit placé sous le signe de l’arbitraire. L’État est « porteur d’un intérêt qui dépasse et transcende les intérêts particuliers des

membres »348 et assure la cohésion sociale.

133- La loi, expression de cette volonté générale, est l’instrument étatique

de définition de l’intérêt général et donc des besoins de la société. Ce rôle n’a pas évolué depuis la Révolution, puisque si le Conseil constitutionnel qualifie l’intérêt général d’objectif à valeur constitutionnelle349, il rappelle que sa définition relève de l’unique compétence du législateur. Il juge ainsi qu’« il ne dispose pas d’un pouvoir identique à celui du législateur » et refuse « de soumettre au contrôle constitutionnel les choix mêmes du

Parlement ». La définition de l’intérêt général relève donc « pleinement de la seule opportunité politique, du choix d’une nation souveraine, et d’un législateur doté d’un très large pouvoir discrétionnaire échappant à tout

347 Ibidem. V. aussi : B. PLESSIX, « Intérêt général et souveraineté », in : Mélanges en l’honneur de Didier TRUCHET, op. cit., p. 520. D’une manière similaire, il estime que « l’intérêt général sert à renforcer la légitimité de l’action du pouvoir politique, dans la mesure où il revêt de la noble et généreuse qualité de poursuivre en tout temps et en tout lieu la satisfaction d’un intérêt qui le dépasse ».

348 J. CHEVALLIER, « Déclin ou permanence du mythe de l’intérêt général ? », in : Mélanges en l’honneur de Didier TRUCHET, L’intérêt général, op. cit., p. 83.

349 V. en ce sens, CC, 14 décembre 2006, n°2006-544 DC, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, JORF du 22 décembre 2006, p. 19356 ; P. LUPPI, « Note sous décision n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006 », RFDC, 2007, n° 72, p. 749-766 ; B. MATHIEU, « Le Conseil constitutionnel renforce les exigences relatives à la qualité du travail législatif et à la sécurité juridique », JCP G., 2007, n° 1-2, p. 3-5

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contrôle juridictionnel, même de niveau constitutionnel »350. Évolutive et non contrôlée, la notion d’intérêt général donne un pouvoir incommensurable au Parlement. Elle lui permet d’adapter le droit et les missions de l’administration aux transformations de la société. Mais, en réalité, ce pouvoir s’avère limité. Si le législateur ne doit pas justifier ses choix au juge constitutionnel, en raison de la désacralisation progressive de l’État, il doit de plus en plus les justifier aux citoyens. Pour s’assurer de leur

350 B. PLESSIX, « Intérêt général et souveraineté », in : Mélanges en

l’honneur de Didier TRUCHET, op. cit., p. 524. Dans sa décision du 15 janvier 1975, le Conseil constitutionnel affirme ainsi « que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen » et dans sa décision du 3 avril 2003, il ajoute qu’ « il ne lui revient donc pas de rechercher si l'objectif que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif poursuivi ». V. CC, 15 janvier 1975, n°74-54 DC, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse, JORF du 16 janvier 1975, p. 671, cons. 1 ; G. CARCASSONNE, « Faut-il maintenir la jurisprudence issue de la décision 74-54DC du 15 janvier 1975 ? », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, 1999, n°7, pp. 93-100 ; B. GENEVOIS, « Faut-il maintenir la jurisprudence issue de la décision 74-54DC du 15 janvier 1975 ? », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, 1999, n°7, pp. 101-108 ; L. HAMON, « Note sous décision n°74-54 DC », D. 1975, p. 529 ; Y. MADIOT, « Du Conseil constitutionnel à la Convention européenne : vers un renforcement des libertés publiques ? », D., 1975, p. 6 ; L. FAVOREU, L. PHILIP, « Interruption volontaire de grossesse. Conformité de la loi aux traités internationaux (non) et au Préambule de la Constitution de 1946. Droit à la vie », in : Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Sirey, Paris, 1975, pp. 357-378 ; L. FAVOREU, L. PHILIP, « Interruption volontaire de grossesse I et II », in : Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Dalloz, Paris, 2009, pp. 247-273 ; CC, 3 avril 2003, n°2003-468 DC, Loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, JORF du 12 avril 2003, p. 6493, cons. 42, R. GHEVONTIAN, « Note sous décision n°2003-468 DC », RFDC, 2003, pp. 573-579 ; M.-T. VIEL, « Le refus d’ériger le Conseil d’État en coauteur des projets de loi », AJDA, 2003, pp. 1625-1630 ; G. DRAGO, « Fonction consultative du Conseil d’État et fonction du Gouvernement : de la consultation à la codécision », AJDA, 2003, pp. 948-953. Pour une analyse plus approfondie : G. BERGOUGNOUS, « Le Conseil constitutionnel et le législateur », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 38, janvier 2013.

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adhésion, il est aujourd’hui contraint de faire évoluer la définition classique de l’intérêt général et de prendre en compte leurs intérêts particuliers.

134- La prise en compte progressive des intérêts individuels dans la définition de l’intérêt général. L’intérêt général est décrit comme « une

boussole essentielle de l’administration, du législateur et des juges administratifs et constitutionnels »351, « un principe axiologique qui domine

la sphère publique et fonde sa spécificité »352 ou encore « la finalité ultime

de l’action publique »353. Si sa fonction importante ne fait aucun doute, sa définition reste floue et varie au fil des lois en fonction d’éléments politiques, administratifs ou sociaux, laissant une marge d’action conséquente au législateur. Les besoins de la population évoluent, la majorité politique change et l’intérêt général avec eux. Ainsi, c’est avec justesse que plusieurs auteurs s’interrogent sur la manière d’« enfermer dans

une définition simple une notion en perpétuelle évolution, largement tributaire des circonstances de temps, de lieu, de mœurs, de l’orientation de la majorité politique à un moment donné »354. Par souci de simplification, cette notion au contenu mouvant a donc souvent été introduite comme une représentation des intérêts communs, transcendant les intérêts particuliers, et ce afin de justifier l’action de l’État. Pourtant, au début du XXème siècle, Roger BONNARD remarquait déjà que « l’intérêt général n’est pas un

prétendu intérêt collectif qui serait distinct des intérêts des individus. Un tel

351 S. CALMES-BRUNET, « De la protection constitutionnelle de l’intérêt public général à celle des attentes légitimes des personnes ? », in : Mélanges en l’honneur de Didier TRUCHET, L’intérêt général, op. cit., p. 53.

352 J. CHEVALLIER, « Déclin ou permanence du mythe de l’intérêt général ? », in : Mélanges en l’honneur de Didier TRUCHET, L’intérêt général, op. cit., p. 84.

353 CONSEIL D’ÉTAT, Réflexions sur l’intérêt général, Rapport public, 1999.

354 J.-F. LACHAUME, H. PAULIAT, C. BOITEAU, C. DEFFIGIER, Droit des services publics, 2ème éd., Lexis Nexis, Paris, 2015, pp. 28-29. V. dans le même sens : CONSEIL D’ÉTAT, Réflexions sur l’intérêt général, op. cit. Soulignant l’impossible définition de l’intérêt général, il montre l’intérêt du caractère évolutif de celle-ci : « La vitalité de cette notion vient précisément de ce que l’on ne peut lui conférer une définition rigide et préétablie. La plasticité est consubstantielle à l’idée de l’intérêt général, qui peut ainsi évoluer en fonction des besoins sociaux à satisfaire et des nouveaux enjeux auxquels est confrontée la société ».

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intérêt est inconcevable, faute d’un titulaire précis. L’intérêt général n’est qu’une somme d’intérêts individuels. Mais ce sont des intérêts individuels anonymes : les intérêts d’individus qu’on ne connaît pas et qu’on ne veut pas connaître individuellement »355. Le clivage actuel existant entre la conception volontariste de l’intérêt général qui exige le dépassement des intérêts particuliers, et la conception utilitariste de l’intérêt général selon laquelle il n’est que la somme des intérêts particuliers, est donc ancien. Il met l’accent sur le clivage séparant deux idées de la démocratie. L’une « proche de la tradition révolutionnaire française, qui fait appel à la

capacité des individus à transcender leurs appartenances et leurs intérêts pour exercer la suprême liberté de former ensemble une société politique »,

l’autre plus individualiste « qui tend à réduire l’espace public à la garantie

de la coexistence entre les intérêts distincts, et parfois conflictuels, des diverses composantes de la société »356. La société actuelle témoignant d’« une valorisation des comportements individuels, qui induisent […] un

repli des individus sur leurs intérêts propres et une désaffection profonde pour la défense des idéaux collectifs »357 contraint le Parlement à opter pour une vision utilitariste de l’intérêt général. Celui-ci doit être une émanation des besoins exprimés par les citoyens. Si la référence à l’intérêt général demeure le seul moyen de « légitimer, aux yeux des citoyens, l’utilisation

par l’appareil de l’État des moyens dérogatoires au droit commun, en vue de faire prévaloir cet intérêt commun sur les intérêts particuliers »358, les individus, de plus en plus égotistes et contestataires envers les choix politiques, imposent la prise en considération de leurs intérêts individuels avant de donner leur assentiment. L’État doit donc faire évoluer les rapports qu’il entretient avec la société civile pour qu’elle puisse s’exprimer et prendre part aux choix politiques359. Il doit remplacer les « procédures de

355 R. BONNARD, cité par Y. DURMARQUE, Contribution à une définition de la notion d’usager en droit administratif français, Thèse, Lille II, 1997, p. 238.

356 CONSEIL D’ÉTAT, Réflexions sur l’intérêt général, op. cit.

357 Ibidem.

358 Ibidem.

359 Jacques CHEVALLIER explique que : « l’État n’est plus considéré comme disposant d’un monopole sur la définition de l’intérêt général : celui-ci ne saurait résulter seulement de

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contrainte par des procédures de conviction »360361, ce qui se révèle particulièrement délicat en matière pénale.

processus internes à la sphère publique ; les acteurs sociaux sont appelés à prendre part eux aussi à l’élaboration des choix et à contribuer à la gestion des services d’intérêts collectifs. La participation devient ainsi le seul moyen de surmonter la crise de l’intérêt général par une ouverture en direction de la société ». V. J. CHEVALLIER, « Déclin ou permanence du mythe de l’intérêt général ? », in : Mélanges en l’honneur de Didier TRUCHET, L’intérêt général, op. cit., p. 92.

360 CONSEIL D’ÉTAT, Réflexions sur l’intérêt général, op. cit.

361 Plusieurs mécanismes ont progressivement été mis en place à cette fin – référendums locaux, états généraux, conférences de citoyens ou encore conférences de consensus-, et, même s’ils sont perfectibles, ils permettent d’entendre les revendications des différents acteurs de la société ou des citoyens eux-mêmes.

Les référendums locaux sont prévus aux articles L. 1112-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales et permettent aux électeurs, sous certaines conditions, de décider par leur vote de la mise en œuvre ou non d’un projet qui relève de la compétence de la collectivité. Sur le mécanisme, V. notamment : M. VERPEAUX, « Référendum local, consultation locale et Constitution », AJDA, 2003, p. 540 ; P. DELVOLVE, « Le référendum local », RFDA, 2004, p. 7.

Les États généraux sont un mécanisme de consultation des citoyens dans la perspective de la révision d’une loi. Ils ont notamment été utilisés en 2009 pour la révision des lois de bioéthique de 2004. Pour aller plus loin sur le mécanisme utilisé et son bilan, V. notamment : C. BERGOIGNAN ESPER, « Les états généraux de la bioéthique, un tournant dans la réflexion », D., 2009, p. 1837 ; X. BIOY, « Le processus de révision des lois “bioéthique” », Constitutions, 2010, p. 132 ; J. BONNARD, « La révision des lois de bioéthique », D., 2010, p. 846.

Les conférences de citoyens sont un mécanisme inspiré de celui des états généraux de la bioéthique. Il a été utilisé fin 2013 pour la révision de la loi Léonetti de 2005 sur la fin de vie. Pour une critique V. notamment : F. VIALLA, « Fin de vie : ouverture d’une consultation citoyenne virtuelle », D., 2015, p. 326.

Enfin, la conférence de consensus est le mécanisme utilisé dans la préparation de la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales. Elle laisse une place à la société civile, mais par le biais d’institutions et d’associations. Sur la difficulté d’obtenir un réel consensus, V. notamment : M. HERZOG -EVANS, « Conférence de consensus : trop de droit, pas assez d’envergure institutionnelle et scientifique », D., 2013, p. 720 ; S. RAOULT, « Récidive : trois ans après la conférence, pourquoi il n’y a toujours pas de consensus », AJ Pénal, 2016, p. 25

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135- La prise en compte délicate des intérêts individuels en matière pénale. Jean-Daniel LEVY met en évidence qu’en matière pénale il existe « peu d’enquêtes d’opinions “publiques” approfondies ou “dépassionnées” ». Il est de ce fait difficile de connaître avec certitude la

position de la société sur ces questions. Les enquêtes, pour la plupart, « réagissent exclusivement à l’actualité », « font écho à un fait divers ou à

une loi, celle-ci faisant elle-même souvent suite à une affaire ayant défrayé la chronique ou ému l’opinion ». Il faut donc s’armer de prudence lors de

l’interprétation des résultants émanant de ces sondages, variables selon la temporalité de l’enquête362. Toutefois, deux constats peuvent être opérés en raison du large consensus observé. Tout d’abord, selon une enquête menée par le Conseil de la Magistrature en mai 2008, 91% de la population estiment que les décisions du juge devraient davantage tenir compte du dommage subi par la victime363. Ensuite, selon une enquête menée en 2009 par le Ministère de la justice sur les connaissances et représentations de la prison, les citoyens pensent qu’elle a pour fonction de protéger la société (82%), de punir (80%), avant de réinsérer (73%)364.

136- Malgré l’absence de consultation directe des citoyens concernant les

lois adoptées ces vingt dernières années, leur examen montre une prise en compte réelle de leurs revendications. La loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne365 en est le parfait exemple puisqu’elle vient parachever l’évolution commencée avec la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes366. Elle institutionnalise le place des victimes dans le procès pénal en ajoutant au titre préliminaire du code de procédure pénale

362 J.-D. LEVY, « Les français et la prévention de la récidive », Note, Conférence de consensus sur la prévention de la récidive. [http://conference-consensus.justice.gouv.fr/wp-content/uploads/2013/01/contrib_jd_levy.pdf]

363 Sondage IFOP réalisé le 30 mai 2008 pour le Conseil supérieure de la Magistrature

364 J.-D. LEVY, « Les français et la prévention de la récidive », op. cit.

365 Loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne, JORF du 18 août 2015, p. 14331.

366 Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, JORF du 16 juin 2000, p. 9038.

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un troisième sous-titre relatif aux droits des victimes, synthétisant les droits qui leurs sont reconnus. Les victimes doivent être informées quant à leurs droits au cours du procès pénal, notamment le droit « à obtenir la

réparation de leur préjudice », « à se constituer partie civile », ou « d’être informées sur les mesures de protection dont elles peuvent bénéficier »367 368.

137- De même, une évolution est apparue quant au droit au recours de la

victime durant le procès pénal. Il est établi que « l’action civile peut être

exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction »369, et que la victime ayant personnellement souffert de l’infraction peut mettre en mouvement l’action publique370. De plus, que ce soit en cas de contravention371, de délit372 ou de crime373, la partie civile peut former appel de la décision rendue en première instance « quant à ses

intérêts civils ». Enfin, la partie civile peut former un pourvoi en cassation

contre les arrêts de la chambre d’instruction et les arrêts et jugements rendus en dernier ressort en matière criminelle, correctionnelle et de police374. Ce recours lui offre par exemple la possibilité de contester une décision ayant annulé une mise en examen375. Néanmoins, en application de l’article 575

367 Art. 10-2 et s. du CPP.

368 Cette réforme reste toutefois imprécise sur le bénéficiaire de ces droits, puisque la victime n’est pas clairement définie. V. en ce sens : G. BEAUSSONIE, « L’installation de la victime dans le procès pénal », AJ Pénal, 2015, p. 526. En outre, l’article 2 du CPP se limite à une définition floue des personnes autorisées à exercer une action civile en réparation du dommage causé par une infraction : « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ».

369 Art. 3 du CPP.

370 Cass., Ass. Plèn., 9 mai 2008, Bull. crim n°1, D. 2008, AJ p. 1415, note LENA ; D. 2008, Pan. p. 2759 obs. PRADEL ; AJ Pénal 2008 p. 366 note SAAS ; Dr. Pénal 2008, Etude 12 note SANCHEZ, Dr. Pénal 2008, chron. 1, obs GUERIO.

371 Art. 546 du CPP.

372 Art. 497 du CPP.

373 Art. 380-2 du CPP.

374 Art. 567 du CPP.

121 du code de procédure pénale, la victime ne pouvait, sauf cas particuliers prévus par ce même article, se pourvoir en cassation contre les arrêts de la