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Conclusion du Chapitre 1

Section 2 – Le détenu, utilisateur soumis à des prescriptions

A) Le détenu, un objet sous surveillance

173- Quand le Conseil de l’Europe estime que « pour éviter les troubles

dans les prisons, il est essentiel de traiter les détenus avec justice, impartialité et équité » et que « le bon ordre dans tous ses aspects a des chances d’être obtenu lorsqu’il existe des voies de communication claires entre les parties », et se montre ainsi favorable à une approche dynamique

de la sécurité568, la France continue de favoriser l’approche statique. Elle privilégie une conception défensive et répressive de la sécurité en raison des obligations qui pèsent sur l’administration pénitentiaire en matière de garde des détenus, et renforce sans cesse son dispositif sécuritaire569. Par conséquent, les établissements pénitentiaires sont des structures totalitaires permettant une surveillance continue des détenus (1) et conduisant à leur réification (2).

1. Les établissements pénitentiaires, des structures totalitaires

174- Les établissements pénitentiaires sont pensés de manière globale

comme un moyen permettant de surveiller les détenus dont ils ont la garde et de lutter contre toute tentative de contestation, de rébellion ou d’évasion.

568 CONSEIL DE L’EUROPE, Commentaire de la règle pénitentiaire européenne 49, 2006.

569 La Cour des comptes montre d’ailleurs une augmentation des budgets consacrés à la sécurisation des établissements pénitentiaires de plus de 43% entre 2007 et 2009. V. COUR DES COMPTES, Le service public pénitentiaire : prévenir la récidive, gérer la vie carcérale, La documentation française, Paris, 2010.

171 L’architecture, le personnel et le mode de gestion des établissements doivent donc répondre à cet objectif.

175- Une architecture sécuritaire. La prison est l’objet représentant la

prestation de sécurité rendue à l’administré, l’image que celui-ci a d’une surveillance et d’une garde efficaces. Elle se présente donc comme « une

forteresse armée de barbelés » révélant une « guerre latente contre un ennemi intérieur »570. Même si cette image sécuritaire est perçue de l’extérieur, l’architecture carcérale a essentiellement été pensée pour assurer à l’intérieur une surveillance efficace des personnes privées de liberté afin d’empêcher toute évasion. Pour ce faire, l’administration a beaucoup emprunté au système panoptique élaboré par Jeremy BENTHAM à la fin du XVIIIème siècle. S’inspirant de la méthode inventée par son frère Samuel pour réduire les coûts de surveillance dans les industries571, il met en place « une machine à voir qui cherche à établir l’ordre et le conserver en

frappant l’imagination plutôt que les sens »572. Le but initial était de diminuer la charge fiscale en faisant fonctionner les établissements d’une manière plus économique, mais cette architecture se révélera surtout utile pour assurer l’ordre et la discipline. En effet, le panopticon « constitué de

multiples cellules qui convergent comme autant de rayons vers un point central » où se trouve le surveillant573 rend le pouvoir « visible et

570 D. SALAS, La volonté de punir, Essai sur le populisme pénal, op. cit., p. 215.

571 Pour l’historique : C. BLAMIRES, « Le panoptique n’est pas une prison. Panoptique, économie, utilitarisme », in : M. CICCHINI et M. PORRET (dir.), Les sphères du pénal avec Michel Foucault, Éditions Antipodes, Lausanne, 2007, p. 45 et s.

572 E. MASSAT, Servir et discipliner – Essai sur les relations des usagers aux services publics, op. cit., p. 124.

573 Ibid., p. 125. V. aussi M. FOUCAULT, Surveiller et punir, op. cit., pp. 233-234. Il explique : « à la périphérie un bâtiment un anneau ; au centre, une tour ; celle-ci est percée de larges fenêtres qui ouvrent sur la face intérieure de l’anneau ; le bâtiment périphérique est divisé en cellules, dont chacune traverse toute l’épaisseur du bâtiment ; elles ont deux fenêtres, l’une vers l’intérieur, correspondant aux fenêtres de la tour ; l’autre, donnant sur l’extérieur, permet à la lumière de traverser la cellule de part en part. Il suffit alors de placer un surveillant dans la tour centrale, et dans chaque cellule d’enfermer […] un condamné […]. Par l’effet du contre-jour, on peut saisir de la tour, se

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invérifiable » puisque « sans cesse le détenu aura devant les yeux la haute silhouette de la tour centrale d’où il est épié » sans « jamais savoir s’il est actuellement regardé » tout en étant « sûr qu’il peut toujours l’être »574. Ainsi, « à l’invisibilité calculée de l’autorité répond la visibilité maximale

des corps à surveiller »575. De plus, ce mécanisme permet de rendre la surveillance « permanente dans ses effets même si elle est discontinue dans

son action »576 et fait naître un « usager-machine, un automate reconduisant

en son for intérieur le principe d’une surveillance permanente puisqu’il ne sait jamais s’il est observé, mais à conscience qu’il l’est potentiellement à tout instant »577. Enfin, il « automatise et désindividualise le pouvoir »578, la personne exerçant la surveillance ne pouvant être vue, son identité importe peu. La surveillance et le respect ne dépendent pas de relations interpersonnelles, subjectives, faisant entrer en jeu des rapports humains.

176- Cette voie tracée par le panoptique de Jeremy BENTHAM trouve encore un écho dans l’architecture carcérale moderne579. Alors que tous les découpant exactement sur la lumière, les petites silhouettes captives dans les cellules de la périphérie ».

574 M. FOUCAULT, Surveiller et punir, op. cit., pp. 234-235. L’auteur ajoute : « Bentham, pour rendre indécidable la présence ou l’absence du surveillant, pour que les prisonniers, de leur cellule, ne puissent pas même apercevoir une ombre ou saisir un contre-jour, a prévu, non seulement des persiennes aux fenêtres de la salle centrale de surveillance, mais, à l’intérieur, des cloisons qui la coupent à angle droit d’un quartier à l’autre, non des portes, mais des chicanes : car le moindre battement, une lumière entrevue, une clarté dans un entrebâillement trahiraient la présence du gardien ».

575 E. MASSAT, Servir et discipliner – Essai sur les relations des usagers aux services publics, op. cit., p. 125.

576576 M. FOUCAULT, Surveiller et punir, op. cit., pp. 234-235.

577 E. MASSAT, Servir et discipliner – Essai sur les relations des usagers aux services publics, op. cit., p. 125.

578578 M. FOUCAULT, Surveiller et punir, op. cit., p. 235.

579 L’article D. 268 du CPP précise que « Toutes dispositions doivent être prises en vue de prévenir les évasions, notamment en ce qui concerne la disposition des locaux, la fermeture ou l’obturation des portes ou passages, le dégagement des couloirs et des chemins de ronde et leur éclairage. Tout aménagement ou obstruction de nature à amoindrir la sécurité des murs d’enceinte est interdit ».

173 établissements ne sont plus construits sur ce schéma architectural, ils comportent pour la plupart des miradors qui permettent la surveillance des cours de promenade et des abords de l’établissement, complétés par des filins anti-hélicoptères et des murs d’enceinte, souvent surélevés de barbelés et entourés de clôtures, voire également des “no man’s land”, c’est-à-dire des bandes de terrain protégées par des grillages et des systèmes de détection électroniques. Mais surtout, la déshumanisation de la fonction de sécurité s’exprime aujourd’hui avec les dispositifs de vidéosurveillance. Ils permettent, sans monopoliser un nombre conséquent d’agents, de contrôler les déplacements ayant lieu dans l’établissement ainsi que les zones de risque telles que les coursives, les cours de promenade, les terrains de sport. Les détenus savent qu’ils sont observés. Ce procédé se développe puisqu’il a été autorisé explicitement par la loi pénitentiaire de 2009 « dans les

espaces collectifs présentant un risque d'atteinte à l'intégrité physique des personnes » et rendu obligatoire pour tous les nouveaux établissements580. Il sacralise le rapport de pouvoir déshumanisé exercé par l’administration sur le détenu, quitte à réduire ses libertés581. Cette évolution est renforcée par la mise à disposition croissante d’armes aux personnels pénitentiaires.

177- Un personnel armé. L’article D. 218 du code de procédure pénale

pose le principe selon lequel, contrairement aux agents assurant la sécurité à l’extérieur des établissements pénitentiaires, « dans des locaux de la

détention, les agents ne sont porteurs d’aucune arme », tout en admettant

déjà une exception au principe prévue à l’article D. 267 du même code. Cette exception s’avère relativement large puisqu’imprécise : « les agents en

service dans les locaux de détention ne doivent pas être armés, à moins d’ordre exprès donné, dans des circonstances exceptionnelles et pour une intervention strictement définie, par le chef d’établissement ». Même si

580 Article 58 de Loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, op. cit.

581 Une vidéosurveillance continue est désormais possible en application de la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence en cas de risque suicidaire ou d’évasion pouvant avoir une incidence importante sur l’ordre public, compte tenu des circonstances particulières à l’origine de l’incarcération et de leur impact sur l’opinion publique. V. en ce sens : CE, ord., 28 juillet 2016, req. n°401800, M. B ; AJ Pénal 2016, p. 502.

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l’article ajoute qu’«il ne peut être fait usage des armes que dans les cas

déterminés aux articles R. 57-7-83 et R. 57-7-84 », ceux-ci ne s’avèrent

guère plus explicites. Reprenant l’article 12 de la loi pénitentiaire de 2009, ils prévoient que la force peut être utilisée envers les personnes détenues « en cas de légitime défense, de tentative d’évasion, de résistance violente

ou par inertie physique aux ordres donnés »582 , et les armes à feu en cas « de tentative d’évasion qui ne peut être arrêtée par d’autres moyens », « de

mise en péril de l’établissement résultant d’une intrusion, d’une résistance violente de la part de plusieurs personnes détenues ou de leur inertie physique aux ordres donnés », ou « de légitime défense »583. Ils ajoutent toutefois que tout recours à la force doit être proportionné et nécessaire, et que l’usage d’armes à feu doit être précédé de sommation : le recours à la force doit donc être justifié et non exagéré par rapport à la situation584. Malgré ces précisions, le cadre légal du recours à la force demeure imprécis, ne faisant pas de l’usage d’armes à feu « un moyen de dernier recours » et « ne définissant pas de façon précise et limitative les conditions et

circonstances particulières dans lesquelles les armes à feu et autres matériels incapacitants peuvent être utilisés ». Cette imprécision s’avère par

ailleurs répondre au souhait du Gouvernement, qui s’était « opposé à une

série d’amendements visant à enfermer l’utilisation de la force dans des conditions limitatives et à en préciser les modalités concrètes »585.

178- Si le principe reste l’absence d’armes dans les locaux de la détention,

et donc de privilégier les gestes techniques et si nécessaire les moyens de contrainte, les prisons sont de plus en plus équipées. Elles disposent d’armes non-létales comme les armes longues équipant les miradors, les matraques et bâtons de défense, les flash-balls, les fusils équipés de balles en caoutchouc, les grenades à éclat en caoutchouc, les aérosols ou grenades à gaz incapacitants, d’armes à létalité-réduite, les tasers, ou encore d’armes

582 Article R. 57-7-83 du CPP.

583 Article R. 57-7-84 du CPP.

584 Note DAP, 27 février 2007, relative à l’usage de la force et les établissements pénitentiaires.

175 létales tels les pistolets automatiques ou même des armes de guerre type fusil d’assaut586. Ce suréquipement suppose une utilisation plus fréquente que le code le laisse penser. D’ailleurs, les armes les plus lourdes sont confiées à des unités spéciales placées sous l’autorité de la direction interrégionale de l’Administration pénitentiaire, les Équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS). Créées en 2003, elles ont pour objectif de renforcer la capacité de l’administration pénitentiaire « en matière de

maintien et de rétablissement de l’ordre et de la sécurité » dans les

établissements et d’assurer « une réaction opérationnelle rapide » en cas d’incident grave. Unités volantes des personnels de surveillance, entraînées par le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), elles sont équipées en plus de leurs armes de tenues spécifiques les rendant non identifiables – combinaison d’intervention, cagoule587, casque, bouclier, gilet pare-coups -. Le tout pour répondre à de larges missions, puisque ces équipes peuvent être sollicitées pour « participer au rétablissement et au

maintien de l’ordre en cas de mouvements collectifs ou individuels de personnes détenues », « participer à l’organisation de fouilles générales ou sectorielles en assurant la sécurité globale de l’opération », « dissuader et prévenir les mouvements lorsque les détentions sont fragilisées soit par les suites d’un mouvement collectif, soit par l’affaiblissement momentané du dispositif de sécurité réaliser, en renfort d’escorte ou en escorte principale, le transfert administratif de détenus signalés violents ou sensibles »588.

179- Cet investissement sécuritaire a été justifié par son effet dissuasif sur

les détenus, mais une étude publiée en 2008 par l’École nationale de

586 OIP, Les conditions de détention en France, op. cit., pp. 98-99.

587 La Cour. EDH observe « que le CPT est, en principe, opposé au port d'une cagoule par le personnel pénitentiaire en raison de l'impossibilité d'identifier les personnes concernées en cas de mauvais traitement », et elle se joint à cette critique en jugeant que c’est une pratique « intimidatoire », « qui, sans vouloir humilier, peut créer un sentiment d'angoisse ». V. CEDH, 20 janvier 2011, req. n°51246/08, El Shenawy c. France, §44 ; JCPA n° 6, 7 Février 2011, act. 95

588 Arrêté du 24 avril 2012 portant règlement d’emploi des équipes régionales d’intervention et de sécurité de l’administration pénitentiaire, JUSK1240026A, BOMJL n°2012-04 du 30 avril 2012.

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l’administration pénitentiaire (ENAP) démontre le contraire. Elle établit que le renforcement des armes risques d’entraîner « une extension du champ

d’application et une intensification de l’usage de la force en favorisant l’utilisation d’armes pour obtenir l’obéissance et non pas simplement pour se protéger » et donc une augmentation de la violence. En outre, cela

déshumanise les rapports détenus / surveillants alors que le surveillant devrait « savoir désamorcer la colère des détenus et maintenir son autorité

sans recourir à la force ». Mettant en place un rapport dissymétrique, un

rapport de force, les surveillants perdent en légitimité et en respect ce qui sur le long terme n’optimise pas leur efficacité589. D’autant que si le non-respect des critères de nécessité et de proportionnalité lors d’un recours à la force peut engager la responsabilité pénale de l’agent, les poursuites sont rares dans la pratique, « la hiérarchie et les magistrats chargés des enquêtes

justifient le plus souvent l’usage de la force même excessif par l’attitude du détenu et la difficulté du travail des personnels »590. Ce sont ces mêmes arguments qui sont utilisés pour l’instauration d’un mode de gestion sécuritaire des établissements.

180- Une gestion sécuritaire des établissements. En premier lieu, pour

gérer le quotidien des détenus et rappeler les règles auxquelles ils sont soumis, chaque établissement est doté d’un règlement intérieur. Il reprend les grandes lignes fixées par le code de procédure pénale sur la vie en détention, mais également les règles spécifiques à chaque établissement en organisant notamment l’emploi du temps des détenus avec les heures du lever et du coucher, les heures du repas, de la promenade ou encore de l’extinction des lumières. Ce règlement variant beaucoup d’un établissement à un autre, au nom du principe d’égalité, la loi pénitentiaire de 2009 a prévu en son article 86 repris à l’article 728 du code de procédure pénale que « des

règlements intérieurs types, prévus par décret en Conseil d’État, déterminent les dispositions prises pour le fonctionnement de chacune des catégories d’établissements pénitentiaires », objectif réalisé par un décret

589 O. RAZAC, L’utilisation des armes de neutralisation momentanée en prison. Une enquête auprès des formateurs à l’ENAP, Dossiers thématiques du CIRAP, juillet 2008.

177 d’application adopté en 2013591. Toutefois, pour laisser une marge d’action au chef d’établissement, il peut « adapte[r] le règlement intérieur type

applicable à la catégorie dont relève l’établissement qu’il dirige en prenant en compte les modalités spécifiques de fonctionnement de ce dernier »592. En outre, le chef d’établissement peut user de notes. Pratique courante de l’administration pénitentiaire, bien que non prévue par les textes, ces actes sans formalisme particulier permettent aux directeurs de s’adresser aussi bien aux personnels593 qu’aux détenus594, et peuvent régir tout aspect de la détention tant qu’elles respectent les normes de valeur supérieure. Ces actes, à l’instar du règlement intérieur595, ont d’ailleurs valeur réglementaire et peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. S’ils ont été communiqués aux détenus, ils peuvent même justifier une sanction disciplinaire596.

181- À ce moyen global d’organiser la vie du détenu, se sont ajoutées de

nombreuses autres modalités visant à assurer la sécurité, rendant le régime de détention encore plus stricte. Déjà, tous les détenus doivent, depuis 2003, être dotés d’une carte d’identité biométrique contenant leur numéro d’écrou, nom de famille, nom d’usage, alias et prénoms, une photo, mais aussi une empreinte palmaire597. Cette carte est indispensable lors des déplacements hors cellules et sert de moyens de contrôle lors des entrées et sorties de

591 Décret n° 2013-368 du 30 avril 2013 relatif aux règlements intérieurs types des établissements pénitentiaires, JORF du 3 mai 2013, p. 7609.

592 Article R. 57-6-18 du CPP.

593 Notes de service.

594 Notes à l’attention de la population pénale.

595 V. en ce sens : CE, 18 mars 1998, Druelle, req. n°191360 ; D. 1998, p. 197. Le règlement intérieur peut ainsi être invoqué par les détenus dans les procédures disciplinaires comme contentieuses, mais à l’inverse, l’administration pénitentiaire peut l’invoquer à son encontre.

596 V. a contrario pour la sanction disciplinaire : TA Limoges, 1er décembre 2005, BAJDP n°7 mars 2006. V. pour la recevabilité du recours devant le juge administratif : TA, Limoges, 29 décembre 2005, BADJ n°7, mars 2006.

597 Arrêté du 20 février 2003 modifiant l'arrêté du 28 octobre 1996 portant création d'un fichier national automatisé des personnes incarcérées, JORF du 4 mars 2003, p. 3783.

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l’établissement, ou lors des parloirs. Le but étant d’éviter que le détenu s’évade, laissant sa place à un autre. De plus, ils font l’objet de fouilles de manière régulière, qu’il s’agisse de fouilles générales de l’établissement, de fouilles approfondies et complètes des cellules598, ou encore de fouilles corporelles599. Pour celles-ci, « leur nature et leur fréquence sont décidées

au vu de la personnalité des personnes intéressées » et en fonction « des circonstances »600 ; elles peuvent donc être menées selon des critères subjectifs entraînant un risque de sanction déguisée.

182- Dans la même logique, les détenus sont répartis suivant « leur

personnalité, leur santé, leur dangerosité et leurs efforts en matière de réinsertion sociale »601. Ces régimes différenciés, aujourd’hui appelées « modalités de prise en charge individualisées »602, permettent un tri des détenus réalisé en prenant en compte les risques que le détenu fait courir au maintien de la sécurité dans l’établissement. La création de ces différents régimes de détention a été justifiée par le Gouvernement par « la nécessité

de diversifier la prise en charge des détenus au regard de la variété de leurs profils et de leurs besoins, et de le faire évoluer en fonction de leurs conduites en détention, de leur volonté de se réinsérer socialement et de leur capacité à évoluer »603. Mais, les critères d’affectation étant subjectifs – la dangerosité ou la personnalité par exemple -, cette répartition peut être utilisée « comme outil de gestion de l’ordre des établissements et du

comportement des intéressés »604, et devenir une sanction déguisée entre les

598 Article D. 269 du CPP : « Les surveillants procèdent, en l’absence des détenus, à l’inspection fréquente et minutieuse des cellules et locaux divers où les détenus séjournent, travaillent ou ont accès. Les systèmes de fermetures sont périodiquement vérifiés et les barreaux contrôlés quotidiennement ».

599 Articles R. 57-7-79 à 82 du CPP.

600 Articles R. 57-7-79 du CPP.

601 Article 89 de Loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, op. cit.

602 Article D. 92 du CPP.

603 MINISTERE DE LA JUSTICE, Projet de loi pénitentiaire, exposé des motifs, 28 juillet 2008.

179 mains de l’administration. Car du régime de détention dépend l’accès aux activités et l’obtention des aménagements de peine605.

183- Plus sécuritaires encore, l’administration dispose du répertoire des

détenus particulièrement signalés606 et du régime spécifique de mise à l’isolement607. Le premier « permet d’appeler l’attention des autorités afin

d’assurer une vigilance accrue quant à la surveillance » de certains

détenus608. L’inscription audit répertoire concerne principalement les détenus appartenant à « la criminalité organisée » ou aux « mouvances

terroristes », les détenus signalés pour des évasions ou tentatives d’évasion,