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2 LA RECONNAISSANCE MUTUELLE DE L’AGRÉMENT

LE MÉCANISME DE L’AGRÉMENT UNIQUE

2 LA RECONNAISSANCE MUTUELLE DE L’AGRÉMENT

87. Le principe de reconnaissance mutuelle de l’agrément. D’après le Professeur D. CARREAU, « la reconnaissance mutuelle signifie que chaque

Etat membre accepte de reconnaître comme équivalente et de lui donner effet la réglementation des autres pays membres »221. Appelé aussi confiance mutuelle222,

ce principe, inscrit dans le traité de Rome (article 220) et illustré par la jurisprudence célèbre de l’arrêt Cassis de Dijon223, a été la pierre angulaire de l’action de la Commission en vue de l’achèvement du marché intérieur. La méthode de la reconnaissance a connu un formidable essor, dépassant même le droit privé, au point d’être devenu le sujet quasiment vedette au plan de l’évolution des méthodes du droit international privé contemporain. D’après E. JAYME, « On assiste à un glissement du droit international privé de la

répartition vers le droit international privé de la coopération »224. On passe

progressivement des besoins de répartition (Justice au sens du droit international privé) à une réglementation faisant naître des problèmes qui relèvent de plus en plus de la collaboration (souvent de l’adaptation). Le droit international privé devient doublement unilatéral : d’une part, il admet unilatéralement, par ses propres règles de reconnaissance, une norme ou un rapport juridique crée dans un autre ordre juridique et, d’autre part, il intervient exceptionnellement pour des raisons qui constituent son impérativité propre, qui transcende la nouvelle dichotomie entre la fonction de la création et la fonction de reconnaissance. A ces considérations s’ajoutent des raisons propres en faveur d’une reconnaissance plus poussée, justifiées par l’idiosyncrasie du droit communautaire225. Et ce en raison

221 V. J.-Cl Europe, Fasc. 1020, Banques – Introduction – Portée « ratione personae » - du droit

bancaire communautaire –Accès à l’activité bancaire, n°17.

222 Le terme est employé souvent par la CJCE. V. par exemple dans le contexte particulier des

procédures d’insolvabilité communautaire ; Cass. com. 27 juin 2006, n°923 FS-P+B+R+I.

223 CJCE 20 février 1979, aff. 170/78, Rewe, Rec. CJCE, p.662 et s., RTD eur., 1980, p.680. 224 E. Festschrift JAYME, exposé préliminaire et questionnaire, 2004, I.

225 P. LAGARDE, « La reconnaissance. Mode d’emploi », Vers de nouveaux équilibres entre ordres juridiques, in Mélanges H.GAUDEMET-TALLON, p.479. V. notamment S. BOLLÉE,

« L’extension du domaine de la méthode de la reconnaissance unilatérale », RCDIP 2007, p. 307 ; P. MAYER, « Les méthodes de la reconnaissance en droit international privé », Le droit

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du fait qu’à l’impératif du changement de paradigme s’ajoute la création d’une nouvelle communauté juridique fondée sur la confiance mutuelle et favorisant ainsi la reconnaissance226. En effet, la régionalisation emporte un mouvement vers l’intégration en créant en même temps une communauté juridique au sens savinien, qui favorise la reconnaissance de normes et de rapports intracommunautaires. C’est ainsi que la reconnaissance se trouve consacrée progressivement en tant que principe du marché intérieur, et en tant que procédé servant indirectement la levée d’obstacles à l’exercice des libertés européennes. En effet, comme P. LAGARDE le démontre227 à travers la jurisprudence de la

CJCE, la reconnaissance s’inscrit dans le processus d’intégration. Car la vérification de la non-reconnaissance d’une situation constituerait une entrave à l’exercice d’une liberté européenne. La reconnaissance au stade actuel du développement européen est manifeste. Elle permet l’homogénéisation tout en sauvegardant la différence. Ce sont des outils intermédiaires entre l’unité et la diversité juridique, réalisant l’homogénéisation (ce qui est plus que la simple coordination) sans pour autant arriver à l’uniformisation228.

La reconnaissance mutuelle résultait d’une harmonisation jugée suffisante. C’est parce que le noyau indispensable des législations nationales a été harmonisé que les Etats membres eux-mêmes reconnaissent l’équivalence de ces législations229.

88. La portée de la reconnaissance mutuelle de l’agrément bancaire

et d’assurance. Dès lors qu’une banque ou une société d’assurance a reçu et

continue de recevoir le « satisfecit » des autorités de son pays, elle doit être

reconnue pareillement comme une bonne banque par les autres pays faisant confiance aux autorités du pays d’origine230. C’est ce qui ressort de la directive

bancaire dans son 7ème considérant « La démarche retenue consiste en la

226 Ch. PAMBOUKIS, « La renaissance-métamorphose de la méthode de la reconnaissance », RCDIP 2008, p. 513.

227 Op. cit., n°5; V. aussi G. RIVEL, « Le principe de reconnaissance mutuelle dans le marché

unique du XXIème siècle », RMCUE.2007, n°511, p.518.

228 Ch. PAMBOUKIS, « Droit international privé holistique, droit international privé et droit

uniforme », RCADI, 2007, t.330, p.272.

229 D. AUGUSTIN, « Vers l’Europe des banques ». Rivista di diritto bancario y bursatil, n°31

Julio, sept. 1988 ; P. CLAROTTI, « Un pas décisif vers le Marché commun des banques, la 2ème

directive de coordination en matière d’établissement de crédit », R.M.C, 1989, n°330, p.453.

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réalisation d’une harmonisation essentielle, nécessaire et suffisante pour parvenir à une reconnaissance mutuelle des agréments et des systèmes de contrôle prudentiel, qui permette l’octroi d’un agrément unique valable dans toute la communauté ». Le 14ème considérant ajoute « l’approche retenue consiste, grâce à

la reconnaissance mutuelle, à permettre aux établissements de crédit agrées dans un Etat membre d’origine d’exercer, dans toute la communauté, tout ou partie des activités figurant dans la liste de l’annexe I, par l’établissement d’une succursale, ou par voie de prestation de services ».

Le deuxième degré de reconnaissance mutuelle est celui des produits, l’article 18 de la deuxième directive bancaire (devenu l’article 23 de la directive du 14 juin 2006) dispose « Les Etats membres prévoient que les activités dont la liste figure

à l’annexe I peuvent être exercées sur leur territoire tant au moyen de l’établissement d’une succursale que par voie de prestation de services par tout établissement de crédit agrée et contrôlé par les autorités compétentes d’un autre Etat membre, sous réserve que ces activités soient couvertes par l’agrément ».

Dés lors qu’une banque étrangère propose un produit et que ce produit est reconnu comme un bon produit commercialisable dans son pays d’origine, il doit l’être aussi dans les autres pays : « tout comme le Cassis de Dijon qui n’a fait mourir

personne en France, ne peut faire mourir personne en Allemagne, et doit donc pouvoir être vendu même si ce genre de liqueur ne peut être fabriqué en Allemagne »231. L’annexe 1 de la directive du 14 juin 2006 pour les activités

bancaires et la directive du 21 avril 2004 pour les services et instruments financiers énumèrent les activités bénéficiant de la reconnaissance mutuelle. Cette liste est large car les auteurs de la directive ont voulu tenir compte des activités permises par la plupart des systèmes, y compris les banques universelles. Les activités qui ne figurent pas à la liste annexée ne sont pas couvertes par le régime de la reconnaissance mutuelle.

231 M.VASSEUR, « Des aspects juridiques de l’Europe financière et, plus particulièrement,

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§3 - LE RATTACHEMENT SINCÈRE À L’UNION EUROPÉENNE 89. Siège réel et siège statutaire. L’agrément unique suppose que « l’administration centrale de la société soit située sur le même territoire que le

siège statutaire »232. L’agrément ne peut être délivré qu’à un établissement de

crédit, un prestataire de services d’investissement ou une société d’assurance dont le siège à la fois statutaire et réel se situent sur le territoire d’un État membre. En effet, les auteurs de la directive ont perçu le risque de délocalisation abusive que le système de l’agrément communautaire pourrait engendrer. Ce risque leur a paru suffisamment sérieux pour qu’ils y consacrent un considérant.

A cet égard, il faut noter que, lorsqu’il s’agit du statut des établissements bancaires, le législateur européen combat le law shopping233 même au sein de la

communauté. Il fallait éviter l’utilisation des « sociétés boîtes aux lettres » dans les États dont les contrôles auraient été les moins stricts. Cependant, l’article 48 et la jurisprudence de la Cour de justice, le favorisent234.

232 Article 11 al 2 a) de la directive du 14 juin 2006, article L.511-13 al.1 du Code monétaire et

financier pour les établissements de crédit ; L’article 5 al. 4 de la directive du 21 avril 2004 pour les entreprises d’investissements et l’art. L.310-6-1 du Code des assurances pour les sociétés d’assurance.

233 C’est le fait de s’établir, de s’implanter, et plus généralement de se placer sous l’empire d’une

loi dont les dispositions s’avèrent être moins contraignantes. Il faut préciser que les manuels ou les traités de droit international privé ne traitent pas spécifiquement du law shopping, mais plus souvent du Forum shopping. Même les dictionnaires juridiques font cette impasse. La doctrine en revanche a eu l’occasion de traiter cette notion de law shopping : V.O. DUFOUR, « Gare au law shopping », L.P.A, 19 nov. 2003, n°231, p.3; J.-Ph. DOM, « Société à l’étranger et succursale chez soi : le law shopping communautaire », Bull. Joly, 1999, n°6, p.705.

234V. CJCE 9 mars 1999, Centros, C-212/97, Rec. p. l-1459 ; Rev. Sociétés 1999, p.391, note G.

Parléani; chron. Communautés européennes, JCP E. 1999, p.1285, n°2, obs. REINHARD; D. 1999, AJ, p.553, note M. Menjucq ; RTD com. 2000, p.482, obs. M. Luby; Bull. Joly, 1999, p.705, § 157, note J.-Ph .Dom ; V. notamment, A. LA PERGOLA, « Etablissement d’une succursale », RJDA, Juillet 1999, p.603 ; M.-É. ANCEL, Les opérations de banques intracommunautaires, aspects statutaires, J. -Cl. Banque, crédit, Bourse, Fasc.1010, n° 34.

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SECTION 2 :

LE RÔLE DE L’AGRÉMENT UNIQUE DANS LA