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Agrément unique et pays membres d’autres organisations

LE RÔLE DE L’AGRÉMENT UNIQUE DANS LA CONSTRUCTION DE L’EUROPE FINANCIÈRE

C. Agrément unique et pays membres d’autres organisations

103. Accords et coopération. Dans le domaine des services plusieurs

accords et partenariats ont été conclus avec des pays tiers. L’Union européenne s’est très vite rendu compte de la nécessité d’une ouverture sur les marchés extérieurs. Du fait du contexte international et du phénomène de globalisation, il est impossible d’envisager la coordination bancaire sans tenir compte des pratiques et des accords internationaux. Ainsi, par exemple, sur la base de clause de la nation la plus favorisée, les conditions d’accès aux marchés des services financiers et aux opérations effectuées sur certains marchés ainsi que les modalités du traitement équitable et non discriminatoire seront fixées par le General

Agreement on Trade in Services (GATT, devenu OMC)262. En outre, s’ajoutent

des accords bilatéraux ou multilatéraux tel que l’accord sur l’Espace économique européen et celui avec les pays appartenant à l’OCDE.

261 V. M. CICUREL cité par M. VASSEUR, Banque et droit, 1988, p.52. 262 V. le rapport annuel de la Commission sur le marché intérieur, 1993, p.113.

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104. L’exigence d’une réciprocité communautaire. Une entreprise

bancaire relevant d’un pays tiers, extérieur à l’Union européenne, ne bénéficie pas du passeport européen. Elle doit obtenir un agrément pour ses filiales mais également pour ses succursales, comme on l’a vu précédemment. Cet agrément doit être obtenu auprès de l’autorité compétente de l’Etat d’accueil. Une fois agréée, une filiale se trouve ipso jure communautarisée et par conséquent bénéficie du passeport européen et, ainsi, peut installer des succursales263. L’agrément accordé à la succursale n’a pas la même portée. La succursale n’ayant pas de personnalité morale, elle ne peut pas être considérée comme étant un établissement de crédit agrée ; par conséquent, elle ne bénéficie pas du passeport européen. La succursale ne peut être utilisée comme base de développement dans le reste de l’Union européenne. Un établissement de crédit doit donc obtenir un agrément dans tous les Etats membres où il désire exercer son activité au moyen d’une succursale. C’est ce qui distingue le plus fortement les établissements des pays tiers des établissements européens. La nouvelle législation bancaire européenne offre, dans des conditions relativement peu contraignantes, un libre accès aux millions de consommateurs potentiels : fallait-il ouvrir libéralement l'accès à un tel marché ou fallait-il, au contraire, demander une certaine réciprocité aux pays tiers de façon à atteindre une solution équilibrée ?

105. La réciprocité miroir. La deuxième solution a été préférée même

si elle a été critiquée par quelques Etats264. Une certaine réciprocité était demandée aux pays tiers pour permettre à leurs sociétés d’accéder librement au marché européen. Cette réciprocité a été conçue de deux manières : la première est d’exiger que ces Etats tiers accordent dans leur législation le même traitement aux entreprises communautaires que celui qui est offert à leurs ressortissants par l’Union européenne265. C’est la réciprocité miroir266. Le défaut d’une telle

263 Un système similaire est prévu à l’intérieur des Etats-Unis (12 USC 3103 (a)) ; v. D.

BLACHE, op. cit. p.158.

264 Notamment les Américains qui craignaient d’une forteresse Europe.

265 Un système équivalent est prévu par le droit américain dans l’International banking Act (IBA)

de 1978 qui introduisit le principe de réciprocité : Les banques étrangères étaient autorisées à pénétrer les marchés bancaires des Etats-Unis dans la mesure où les banques des Etats-Unis étaient autorisées à pénétrer le marché étranger concerné, v.. BLACHE, op. cit., p.155.

266 DESCHANEL et STOUFFLET évoquent « la réciprocité à l’identique » quand il y a

coïncidence entre les lois bancaires de la CEE, qu’ils opposent à la « réciprocité supérieure à

l’identique » (« Better than national treatment »), Vers un statut bancaire européen, Banque et droit, 1991, n°17, p.96.

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réciprocité ne peut se résoudre que par la négociation diplomatique, sans mesure de rétorsion. La directive prévoit ainsi que le Conseil peut négocier ou donner mandat à la Commission pour le faire267.

La seconde manière d’envisager la réciprocité repose sur l’exigence plus classique de la non-discrimination. Lorsqu’un Etat tiers n’accorde pas aux entreprises européennes le traitement plus favorable qu’il réserve à ses nationaux, le défaut de réciprocité est alors contestable par les principes de droit international et notamment du GATS et de l’OMC. Le refus du traitement national par un Etat tiers peut entraîner, au-delà de la négociation, des mesures de rétorsion par la Communauté. Ces mesures peuvent aller jusqu’à la limitation, voire la suspension, des agréments des entreprises de l’État en cause. Il faut, en revanche, respecter les droits acquis par les filiales communautaires relevant d’États tiers en cause. Ces filiales peuvent avoir été agréées avant l’édiction de ces mesures de rétorsion. Elles conserveront le droit de se développer dans le secteur de la banque (en créant des succursales bien entendu). Elles ne pourront, en revanche, obtenir d’agréments dans d’autres secteurs (assurance et services d’investissement). C’est ce dernier système qui avait été violemment critiqué hors des frontières de l’Union européenne, lors des discussions préparatoires à l’adoption de la directive du 15 décembre 1989. Les filiales des entreprises relevant de pays tiers ne sont- elles pas des sociétés au sens de l’article 48 du traité CE (actuel article 54 TFUE)? N’ont-elles pas droit dès lors à tous les droits qui sont accordés aux sociétés communautaires ? Or elles se trouvent ainsi privées de droits potentiels, alors que les sociétés communautaires ne le sont pas. L’idée de la « forteresse Europe » est née en partie de controverses à propos de la réciprocité communautaire.

106. Elargissement à l’Espace Economique Européen. L’Union

Européenne et l’Union Économique et monétaire (U.E.M) sont issues du Traité de Maastricht, qui créa le Système Européen des Banques Centrales, la Banque Centrale Européenne (le S.E.B.C. et la B.C.E.) et l’euro. Ce marché unique bancaire a été étendu, par les Accords de Porto adoptés le 2 mai 1992, entrés en vigueur le 1er janvier 1994, aux Etats membres de l’Association Européenne de

267 H. SCOTT, « La notion de réciprocité dans la proposition de deuxième directive de

coordination bancaire », R.M.C. 1989, n°323, p.45. V. aussi M. GRUSON et F. FEURING, “The New Banking Law of the European Economic Community” the International Lawyer, 1991, 1.

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Libre Echange268. Cet accord vise à établir un Espace Economique Européen

homogène, fondé sur des règles communes et des conditions de concurrence égales. Il en résulte que les principes de libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des services sont étendus aux pays de l’A.E.L.E. La directive bancaire est comprise dans la liste énumérée à l’annexe.

107. Les engagements vis-à-vis des pays de l’OCDE. Les

établissements de crédit originaires de pays membres de cette organisation sont couverts par les principes directeurs mis sur pied au cours des ans en matière d’investissement international et d’entreprises multinationales et qui visent à éviter les discriminations en imposant le respect du principe de traitement national par le pays d’accueil. Il n’apparaît pas qu’en matière bancaire cette réglementation de l’OCDE soit susceptible d’avoir un impact sensible en raison du niveau de libéralisation élevé -et largement commun- atteint dans ce domaine par 24 pays membres en même temps que les réserves légalement effectuées par les pays tels l’Australie, le Canada ou les Etats-Unis.

108. Les engagements pris par l’Union européenne pour l’accès au marché par voie de succursale d’États tiers mais membres de l’OMC269. A la différence des filiales de sociétés étrangères, les succursales établies directement dans un État membre par un établissement financier non communautaire ne sont pas, à certaines exceptions limitées près, assujetties aux réglementations prudentielles harmonisées au niveau de la Communauté qui accordent aux filiales des facilités élargies pour implanter de nouveaux établissements et fournir des services transfrontières dans toute la Communauté. Ces succursales sont donc autorisées à opérer sur le territoire d’un État membre dans des conditions équivalentes à celles qui s’appliquent aux établissements financiers nationaux de cet État membre. Les États membres ne peuvent appliquer des restrictions qu’à l’établissement direct, en provenance d’un pays tiers, d’une présence commerciale ou à la fourniture de services transfrontières à partir d’un pays tiers ; un État

268 Il s’agit de la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.

269 P. COUDERT , le champ d’application territoriale des monopoles des établissements de crédit et des prestataires de services d’investissement, Thèse, Clermont 1, 2004, p.166 ; pour la liste

complète des engagements, v. le document coté (99-5018), GATS/SC/31/Suppl.4/Rev.118 novembre 1999.

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membre ne peut donc appliquer de restrictions, y compris celles qui concernent l’établissement, à des filiales de sociétés de pays tiers établies dans d’autres États membres de la Communauté, sauf si ces restrictions sont également applicables à des sociétés ou ressortissants d’autres Etats membres conformément à la législation européenne. En résumé, on peut dire que les filiales d’établissements étrangers qui souhaitent s’implanter sur le territoire de l’Union européenne bénéficient là d’une passerelle. Les succursales, quant à elles, doivent se conformer aux prescriptions du droit de l’État d’accueil.

§2 - LE ROLE DE L’AGRÉMENT UNIQUE DANS LA CONSTRUCTION D’UN MARCHÉ EUROPÉEN DES SERVICES D’INVESTISSEMENT

109. La directive du 10 mai 1993 dite DSI270. Le marché financier

européen ne pouvait se réaliser sans les services d’investissement. L’agrément unique en matière de services financier est devenu une nécessité après l’adoption de l’agrément bancaire. Cette tâche fut accomplie par la directive du 10 mai 1993. Cette directive avait pour objectif de compléter le travail commencé dans le secteur bancaire, c’est-à-dire de créer un environnement dans lequel les entreprises d’investissement pourraient, sur le fondement de l’agrément délivré, fournir des services ou établir des succursales dans d’autres États membres271.

La directive sur les services d’investissement a jeté selon K. VUILLEMIN «les bases de l’Europe boursière »272. La deuxième directive bancaire couvrait les activités sur les marchés financiers, ce qui risquait de créer des distorsions de concurrence entre les établissements de crédit, bénéficiaires d’un agrément à portée communautaire, et les autres professionnels. C’est dans ces conditions que furent entrepris les travaux qui ont conduit à l’adoption de la DSI. Son entrée en

270 Les articles L. 532-16 et suivants du Code monétaire et financier transposent cette directive en

droit national « les prestataires agrées pour fournir des services d’investissement dans un État membre peuvent établir une succursale en France ou intervenir en libre prestation de services ; réciproquement tout prestataire de services d’investissement agréé par le CECEI ou l’AMF peut établir une succursale ou exercer ses activités en libre prestation de services sur le territoire d’un autre Etat membre ».

271 En matière bancaire, des règles communautaires, de grande portée avaient déjà été adoptées :

institution d’un ratio de solvabilité, surveillance et contrôle des grands risques et soumission des établissements de crédit à une surveillance sur base consolidée. La DSI étend ces mesures, avec les adaptations nécessaires aux entreprises d’investissement Et réciproquement, le régime applicable aux établissements de crédit est complété pour tenir compte de ce qu’eux aussi peuvent offrir des services d’investissement.

272 V. K. VUILLEMIN, « l’agrément unique communautaire des entreprises d’investissement », RMCUE mai 1994, n°378, p.307.

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vigueur le 1er janvier 1996 marque l’achèvement du marché unique des services

financiers qui a déjà été réalisé pour les organismes de placements collectifs en valeur mobilière (O.P.C.V.M.) coordonnées le 1er octobre 1989, pour les mouvements de capitaux le 1er juillet 1990, pour les services bancaires le 1er janvier 1993, pour les assurances le 1er juillet 1994273.

110. La directive du 21 avril 2004 dite MIF ou MIFID. Cette

directive, qui abroge celle du mai 1993, est directement issue du processus Lamfalussy274. Elle a été transposée en droit français par une ordonnance du 12

avril 2007275 qui a supprimé le deuxième paragraphe de l’article L. 211-1 du Code

monétaire et financier relatif aux instruments financiers à terme276. Le régime

juridique des entreprises d’investissement a été profondément remanié avec cette directive. Elle constitue la pierre angulaire du Plan d’action sur les services d’investissements (PASF). Elle vise à créer un véritable marché européen des capitaux et des services financiers. Les services et activités d’investissement reçoivent une définition élargie qui dépasse les établissements de crédit et les anciens prestataires de service d’investissement, pour être étendue, d’un côté, à certains types de produits (ex. produits dérivés), et, d’un autre, à certains types de prestations (conseil en investissement). Depuis le 1er novembre 2007, le conseil en

investissement est un service d’investissement. La première conséquence de cela est la nécessité d’un agrément préalable. Cette obligation ressort du considérant 3 de la directive MIF, confirmé par le considérant 17, qui énonce que « les

personnes qui fournissent des services d’investissement et/ou exercent des activités d’investissements couverts par la présente directive devraient être soumises à un agrément délivré par leur État membre d’origine aux fins d’assurer la protection des investisseurs et la stabilité du système financier ». L’agrément

273 P. CLAUZEL, « Les règles de fonctionnement du marché unique des services d’investissement

dans l’Union européenne », L.P.A, 10 janvier 1996, p.38.

274 Socle procédural sur lequel sera bâtie la législation adoptée dans le cadre du plan d'action pour

les services financiers 1999-2005 (PASF).

275 Ord. no 2007-544 du 12 avril 2007 (JO, 16 mai 2007, p. 9127) relative aux marchés

d'instruments financiers, prise en application de la « loi d'habilitation » no 2007-212 du 20 février

2007.

276 H. LE NABASQUE, « La nouvelle nomenclature des instruments financiers issue de la

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n’est obligatoire cependant que si l’activité est exercée à titre principal277. La

seconde conséquence de cette qualification donnée par la directive MIF est la possibilité pour un conseiller en investissement de bénéficier du passeport européen. Agrée par un Etat membre, le conseiller en investissement va pouvoir créer des succursales librement dans les autres pays membres sans devoir solliciter un autre agrément. La directive MIF organise la licence unique des entreprises d’investissement sur le modèle déjà connu pour les banques et les entreprises d’assurance, ce qui implique de devenir membre des marchés réglementés dans les Etats d’accueil, ou d’avoir accès au systèmes de règlement ou de compensation. Les marchés eux-mêmes sont visés par cette directive. Les marchés réglementés doivent faire l’objet d’un agrément et doivent satisfaire à des exigences d’organisation et de transparence (accès à la négociation des instruments financiers et des opérateurs).

§3 - LE RÔLE DE L’AGRÉMENT UNIQUE DANS LA CONSTRUCTION D’UN MARCHÉ EUROPÉEN DES ASSURANCES

111. L’adoption de l’agrément unique et une lacune à combler.

Comme les services bancaires, le recours à l’assurance étant devenu un élément indispensable à tout opérateur. Il fallait donc qu’au niveau européen, les facteurs de production, les produits et les capitaux puissent circuler sans entrave sous l’aiguillon de la concurrence. De même, les obstacles réglementaires cloisonnant les marchés d’assurance devaient disparaître. La première étape était d’obtenir des Etats membres une renonciation à toute discrimination et une acceptation de l’établissement sur leur territoire de compagnies d’assurances ressortissantes d’autres Etats membres dans des conditions identiques à celles qu’ils imposaient à leurs propres entreprises. Il fallait ensuite procéder à une harmonisation des conditions d’établissement pour éviter les phénomènes d’attirance artificielle vers des Etats aux législations relativement plus souples que d’autres. Cette harmonisation qui était plus longue que celle observée en matière bancaire, avec une différence de méthode selon qu’il s’agissait de l’assurance-dommage ou l’assurance-vie, a aboutit au même résultat final qui consistant en l’adoption d’un agrément unique (A). Cependant, et comme en matière bancaire, l’établissement

277 Ph. ARESTAN, « Transposition de la directive MIF, le statut de conseiller en investissement

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par voie de succursale avait une lacune. La notion même de succursale n’était pas aussi claire, par conséquent la frontière entre la liberté d’établissement et la liberté de prestation de services était difficile à cerner. Ceci fait échapper certains professionnels de l’assurance à la réglementation sur la liberté d’établissement car ils prétendaient agir en liberté de prestation de service. La Commission européenne est intervenue pour donner son avis sur la question mais son intervention restait insuffisante. La jurisprudence, non plus, n’a pas apporté la clarté espérée (B).