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CRÉDIT ET SOCIÉTÉS D’ASSURANCE DE PAYS TIERS

61. L’agrément : un sésame pour pouvoir exercer. Avant de pouvoir exercer l’activité de banque, d’assurance ou de services d’investissement par voie de succursale, les maisons mères de pays tiers doivent être agréées168. Lorsque

l’agrément est sollicité par des entreprises dont le siège est situé hors de l’Espace Économique Européen (EEE), il est soumis à un examen approfondi. D’une part aucun Etat n’est tenu de délivrer l’agrément, même si les conditions requises paraissent réunies, sous réserve de l’existence d’accords particuliers de réciprocité. D’autre part, rien n’interdit d’exiger de la part de l’entreprise qui sollicite l’agrément la fourniture d’un cautionnement, et de le refuser si des difficultés sont à prévoir en raison de dispositions législatives, réglementaires ou administratives du pays tiers avec lequel l’entreprise est liée. De même, certaines techniques bancaires particulières sont en train de se développer et demandent une attention particulière des autorités qui accordent l’agrément. La succursale d’une

168 L’article 511-10 du Code monétaire et financier dispose « Avant d’exercer leur activité, les

établissements de crédit doivent obtenir l’agrément délivré par le comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement ». L’art. L.310-2 al. 3 du Code des assurances énonce que « Sous réserve des dispositions de l’art. 310-10, les opérations d’assurance directe définies à

l’art. L.310-1 ne peuvent être pratiquées sur le territoire de la République française que par les entreprises étrangères mentionnées à l’art. L. 310-10-1, à partir de leurs succursales régulièrement établies en France, lorsqu’elles sont agréées conformément aux dispositions de l’article L.321-7. ».

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banque islamique, par exemple, peut elle être agrée en France ?169 En effet, les

institutions financières islamiques exercent une activité de réception de fonds et de prêt en conformité avec les règles du droit coranique. Leur particularité est qu’elles ne perçoivent pas d’intérêts de leurs emprunteurs et n’en versent pas à leurs déposants. La rémunération des capitaux prend la forme d’une participation aux produits des investissements170. Sous réserve qu’elles répondent à l’ensemble

des conditions posées par la législation française, l’agrément des succursales de banques islamiques semble possible.

62. La quasi-personnalité morale des succursales bancaires et

d’assurance. Les autorités exigent des succursales les mêmes conditions que pour

les personnes morales. Elles s’assurent que ces succursales remplissent les conditions légales et réglementaires d’accès à la profession et que les personnes chargées de les gérer sont aptes à exercer dans des conditions garantissant la sécurité de la clientèle et des tiers. La création d’une succursale est parfois une obligation : le statut français des établissements de crédit ne permet pas à une banque étrangère relevant d’un État non membre de l’Union européenne ou de l’EEE d’accomplir en France de manière habituelle des opérations considérées par la loi française comme des opérations de banque, sans créer un établissement permanent, c'est-à-dire sans constituer une succursale ou une filiale, ce qui implique l’obtention d’un agrément171. Bien qu’une succursale soit dépourvue de personnalité juridique propre, sa création sur le territoire français par un établissement de crédit dont le siège se trouve dans un pays tiers est soumise à des conditions proches de celles applicables à la constitution d’une filiale. Ceci reflète l’autonomie dont dispose les succursales étrangères en matière bancaire et d’assurance.

169 Début octobre 2009 a été déposée une demande d’agrément pour l’ouverture en France d’une

succursale de banque islamique. Agefi, jeudi 15 oct. 2009, cité par F. JULIEN « Financement, garanties et frontières », RDBF. Janv. Fév. 2010, p.99.

170 V. A. BROSSES et G. ABOUALI, « Le développement de la finance islamique en France, ses

applications et ses implications sur l’évolution du régime juridique de la fiducie », Option finance 2009, n°1015, p.3 ; A. FULCONIS-TIELENS, « Dossier, La finance islamique. L’ouverture européenne »: Rev. Banque, n°696, nov. 2007, p.26 ; C. –J. SERHAL, « Une intégration possible dans le système bancaire français », Banque et droit, n°106, mars-avril 2006, p.36 ; M. EL KHOURY, « Techniques de financements islamique »: Banque et droit, nov. Déc. 2003, p.17 ; P. GRANGEREAU et M. HAROUN, « Banques islamiques : la problématique de la mise en place de cofinancements », Banque Magazine, avr. 2004, p.52

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63. Une grande autonomie. Une majorité d’auteurs a approuvé l’autonomie accordée aux succursales bancaires. Pour M. VASSEUR, « les

succursales de banques étrangères seraient plus autonomes que les succursales de n’importe quelle entreprise d’une autre spécialité car elles sont elles mêmes des établissements de crédit »172. Les succursales bancaires ont une spécificité

marquée par rapport aux autres succursales, faite d’une ambivalence mélangeant un rattachement national important et des points de contacts avec l’étranger non moins importants173. Ceci rejoint l’interprétation donnée par le Pr. GAVALDA de

la notion de succursale au sens de la loi bancaire de 1984. D’après lui, « une

succursale d’un établissement de crédit étranger installée en France, bien que n’ayant pas de personnalité juridique, dispose d’une semi indépendance juridique »174. L’autonomie des succursales bancaires n’a pas fait l’unanimité de

la doctrine. J.-P. RÉMERY affirmait dans l’un de ses rapports que « la spécificité

des succursales françaises d’établissements de crédit étrangers ne justifie pas l’entorse aux principes qui est suggérée. Les règles invoquées qui ne concernent que l’activité et le contrôle de la profession bancaire, ne paraissent pas conférer à l’établissement français d’une banque étrangère la personnalité morale »175.

Cette autonomie statutaire des succursales bancaires suppose la demande d’un agrément pour accéder à ces activités.

64. La demande d’agrément. Si l’établissement de crédit souhaite, par l’intermédiaire de sa succursale, intervenir sur le marché bancaire, il doit demander un agrément administratif176. Et s’il souhaite intervenir sur le marché

financier, il doit demander, en plus de l’agrément bancaire, un agrément financier. En pratique, les deux types d’agrément sont délivrés par le même organisme : le

172 Note sous CA Paris 8 juill. 1992, D. 1992,. p. 476 ; V. aussi la note du même auteur sous C.A

Grenoble 19 déc. 1990, D. 1992, S. p. 237.

173 A. JACQUEMONT, note sous C.A Paris 15 juin 1994, JDI 1994, 4, p. 1018.

174 V. « Les succursales bancaires en droit international et spécialement en droit communautaire », DPCI. 1985, p. 427.

175 Rapport sous Cass. com. 14 mai 1996, RCDIP. 1996, p. 481.

176 En matière bancaire, l’agrément est accordé par le Comité des établissements de crédit et des

entreprises d’investissements. Ce dernier fait partie des autorités de tutelle dont dispose le système français qui a adopté depuis la loi bancaire de 1984, modifiée par la loi du 2 juillet 1996 et la loi NRE du 15 mai 2001. V. sur ce point, M.-M. VEVERKA, J.-Cl. Banque, Crédit, Bourse, Fasc. 60, Autorité de contrôle des institutions bancaires et financières, - Statut, n° 14.

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Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement177. Pour

les succursales de sociétés d’assurance, l’agrément doit être demandé au Comité des entreprises d’assurance. Enfin, Il faut signaler que le commencement d’une activité de banque, d’assurance ou de services d’investissement sans agrément reste sévèrement puni par la loi178. Seront donc traitées dans une première section les conditions que doivent remplir un établissement de crédit, une société d’assurance de pays tiers qui souhaitent s’établir sous forme de succursale sur le territoire français, pour obtenir un agrément ou une licence (Section 1). Ne seront pas traitées les entreprises d’investissement car à la différence d’un établissement de crédit, l’entreprise d’investissement d’un pays tiers qui souhaite disposer d’une présence permanente en France doit constituer une filiale de droit français179. Le

Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement ne pourrait, en effet, agréer une succursale d’un pays tiers comme entreprise d’investissement, celle-ci n’ayant pas son siège social et son administration centrale en France. La seconde section sera consacrée, en revanche, à la procédure à suivre pour obtenir un agrément auprès des autorités compétentes (Section 2).

177 V. Le dossier type d’agrément proposé par la COB, Annexe I à l juillet ’Instruction

d’application du règlement 96-02 relatif aux prestataires de service d’investissement.

178 En cas d’exercice sans agrément, l’entreprise contrevenante s’exposerait aux sanctions pénales

prévues pour la violation du monopole bancaire. Cet exercice constitue un délit d’exercice illégal de la profession bancaire. L’article L. 571-3 du Code monétaire etfinancier déclare passibles d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 375 000 euros les personnes qui méconnaissent le monopole bancaire. De même, selon l’article L. 511-8 du Code monétaire et financier, il est interdit à toute entreprise autre qu’un établissement de crédit d’utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d’une façon générale des expressions faisant croire qu’elle est agréée en tant qu’établissement de crédit, ou de créer une confusion en cette matière

En revanche, les sanctions civiles ne sont pas prévues par le Code monétaire et financier. Dans un arrêt du 4 mars 2005 l’Assemblée plénière a décidé que « la seule méconnaissance par un établissement de crédit de l’exigence d’agrément, au respect de laquelle l’article 15 de la loi n°84- 46 du 24 janvier 1984, devenu les articles L 511-10, L 511-14 et L 612-2 du Code monétaire et financier, subordonne l’exercice de son activité, n’est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu’il a conclus » Ass. Plén., 4 mars 2005, Bull. civ. II, p.3 ; JCP E. 2005, 690, note Th.Bonneau, JCP G. 2005, 10062, concl. R. De Gouttes; D. 2005, act. Jsp. 836, obs. X. Delpech;

RTD com., 2005, p.400, obs. D. Legeais; RDBF, n°4, juillet-août 2005, p.118, obs. F. -J Crédot et

Y. Gérard; D.2006, pan.155 et 158, obs. H. Synvet; J. STOUFFLET « Le défaut d’agrément bancaire n’entraîne pas la nullité des contrats conclus », RDBF., n°3, mai-juin 2005, p.48.

179 L’article 13 de la loi de modernisation des activités financières. Le décret n° 96-880 du 8

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