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L’évolution de la réglementation sur les investissements internationau

LA RÉGLEMENTATION DES INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS PAR VOIE DE SUCCURSALES

§1 LA CRÉATION D’UNE SUCCURSALE EST UN INVESTISSEMENT INTERNATIONAL

B. L’évolution de la réglementation sur les investissements internationau

51. Un début hostile à l’investissement. Les investissements internationaux ont été réglementés d’abord par une loi du 28 décembre 1966

143qui est intervenue dans un climat politique défavorable à l’immixtion de

capitaux étrangers. La France voyait les implantations (qui peuvent prendre la forme d’une succursale) comme une perte d’indépendance et une soumission à l’étranger. Des mesures restrictives ont été édictées par le décret n° 67-78 du 27 janvier 1967 et le décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968144. Dans l’Union européenne, la prétention de la France de soumettre les investisseurs européens au régime de surveillance ne cessa de susciter les plus vives critiques145. Les

142 Sur l’ensemble de la convention, v. en particulier, l’ouvrage collectif intitulé Investissements étrangers et arbitrages entre États et personnes privées. La convention BIRD du 18 mars 1965,

Paris, Pédone, 1969, v. aussi, Ph. FOUCHARD, Fasc. 1066-2, Arbitrage commercial international, Tribunal arbitral, Conventions internationales, Autres sources, spéc. n° 36 et s.

143 V. JO 29 déc. 1966. Pour une application jurisprudentielle, Cass. crim. 21 mai 1992, JCP E

1992, II, p. 354, note Cl.-J. Berr.

144 V. JO 25 nov. 1968. Pour une application jurisprudentielle, Cass. ass. plén., 21 mai 1976, Bull.

civ.1976, ass. plén. n°6, p. 9.

145V. O DE NERVO, « Le point sur les investissements directs effectués en France par les

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ressortissants de l’Union européenne bénéficiant des libertés d’établissement et de prestation de services, ne pouvaient être traités comme les ressortissants non européens. De plus, il n’appartient en aucun cas à un pays membre d’ajouter aux prescriptions du droit communautaire des conditions d’application nouvelles et restrictives. La position française n’était pas juridiquement tenable et, à terme, elle ne pouvait qu’être condamnée par la Cour de justice en cas de mise en œuvre de la procédure de manquement à laquelle, d’ailleurs, la Commission avait envisagé de recourir.

52. Un air de libéralisation. Les mesures prises en France en 1967 ont été atténuées depuis 1984, pour être complètement abrogées et remplacées par le décret n° 89-938 du 29 décembre 1989 réglementant les relations financières avec l’étranger146. Ce dernier a réduit considérablement le contenu du contrôle des

changes et des investissements directs, afin de mettre la réglementation française en harmonie avec les règles de la Communauté européenne. Mais c’est surtout la loi n° 96-109 du 14 février 1996 relative aux « relations financières avec l’étranger en ce qui concerne les investissements étrangers en France », ainsi que les textes (décret et arrêté du même jour) pris pour son application147 qui ont fait

rentrer la France dans le lot commun et ont mis fin à une certaine exception française. Après cette loi, l’investisseur ne devait plus établir qu’une seule déclaration administrative lors de la réalisation de l’opération. Celle-ci remplace la formalité plus lourde de la déclaration préalable exigée par la réglementation antérieure. La déclaration doit être adressée à l’administration lors de la réalisation de l’investissement, c'est-à-dire à l’occasion de la matérialisation de « l’accord des parties contractantes »148. Toutefois, comme par le passé et à titre d’exception, un certain nombre d’opérations d’investissement est dispensé de

146 V. JO 30 décembre 1989, modifié et complété par les décrets n° 90-58 du 15 janvier 1990 qui a

transposé la directive du 24 juin 1988, n° 91- 270 du 13 mars 1991, n° 92-134 du 11 février 1992, n° 94- 658 du 27 juillet 1994, n° 96-117 du 14 février 1996 (JO 15 fév. 1996) et le décret du 7 mars 2003 qui fut abrogé par celui du 30 décembre 2005 ; V. G. DE VRIES, « Investissements étrangers en France : le nouveau régime issu du décret du 30 décembre 2005, JCP E 2006, n° 22, p. 1849.

147 JO 15 février1996r, p. 2385 ; D. 1996, Lég. p. 77 ; Décr. n° 96-117 du 14 févr. 1996.

148 Selon l’article 4 de l’arrêté du 14 février 1996, par matérialisation il faut entendre «notamment

»... « la conclusion de l'accord, la publication de l'offre d'achat ou d'échange, ou l'acquisition d'un actif constitutive d'un investissement direct étranger en France ».

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toute déclaration administrative. Or, au vu de leur liste149, il apparaît clairement

que les exceptions sont devenues la règle générale : elles recouvrent en effet aussi bien la création d’activités, la prise de contrôle d'une entreprise existante ou son accroissement. Ainsi, l’article 13 du décret n° 89-938 du 29 décembre 1989 modifié par le décret n° 96-117 du 14 février 1996 dispense de toute déclaration administrative « la création de société, de succursale ou d’entreprise nouvelle ». De même, l’article 6 du décret n° 2003-196 du 7 mars 2003 dispose « Sont dispensées de déclaration administrative les opérations relatives à des (…) subventions ou dotations de succursales ».

53. Le contexte actuel. Le protectionnisme en matière d’investissement relève de l’ordre du passé150. En raison de la concurrence qui

s’est créée entre pays demandeurs d’investissements, on est entré dans une ère nouvelle durant laquelle il ne s’agit plus de simples atténuations au principe de souveraineté, mais d’un quasi abandon de ce principe afin d’assurer la libre circulation des capitaux propice à renforcer la globalisation économique et le partage de la prospérité. La France, comme les autres nations, cherche à attirer les investisseurs étrangers. Elle se situait, à la fin du précédent millénaire, au quatrième rang mondial en termes de réception des investissements (derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Chine). On estimait à deux millions le nombre d’emplois salariés dans des firmes étrangères151. Cependant, et malgré les efforts

fournis, le rapport « Doing Business » a classé la France en 31e place en 2009 et

en 26e place en 2011 pour ce qui est de la facilité d’y faire des affaires,

comptabilisée à partir de l’indice synthétique « Ease of Doing Business »152 . Ce rapport a portant été critiqué par certains auteurs153. Le constat du rapport semble contradictoire avec la bonne position que la France occupe en matière d’accueil des investissements étrangers. C’est ce qui explique les mesures prises dernièrement par le législateur qui ont été précédemment étudiées, et qui visent

149 Article 13 du décret du 14 février 1996.

150 L’article L. 151-1 du Code monétaire et financier dispose désormais : « Les relations

financières entre la France et l’étranger sont libres ».

151 J. BEGUIN et autres, Droit du commerce international, op. cit. p. 157.

152 La Banque Mondiale, Rapport Doing Business, 2009 et 2011 Oxford University Press ou www.

Doingbusiness.org.

153 V. notamment M. HARAVON, « Le rapport Doing Business 2007 de la Banque mondiale : le

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principalement à rendre la France encore plus attractive. Ceci dit, l’ouverture doit s’accompagner d’une régulation seule capable de préserver les secteurs stratégiques.