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L’agrément unique des sociétés européennes d’assurance

LE RÔLE DE L’AGRÉMENT UNIQUE DANS LA CONSTRUCTION DE L’EUROPE FINANCIÈRE

A. L’agrément unique des sociétés européennes d’assurance

112. Une harmonisation lente et difficile. L’évolution du droit

européen de l’assurance278 est parallèle à celle observée en matière bancaire. Dans

le secteur des assurances, en plus des législations contrastées des pays membres, le secteur était plus divers que le secteur bancaire. Il semble moins bien se prêter aux formules globales de reconnaissance mutuelle ou de licence unique279.

Contrairement à la banque, qui connaît de longue date des instruments similaires d’un pays à l’autre, l’assurance est profondément ancrée dans les traditions juridiques nationales. Ses relations avec la responsabilité civile sont une explication280. Une distinction doit être faite entre l’assurance « non vie » et

« l’assurance sur la vie ». Ajouté à cela que l’assureur ne pouvant des fois assurer seul certains risques, la réassurance auprès d’autres sociétés d’assurance se révèle nécessaire.

1. L’assurance vie et l’assurance non vie

113. Une harmonisation plus facile pour l’assurance non vie.

L’assurance non vie recouvre les secteurs traditionnels de l’assurance

278 C.-J BERR, considère que c’est une notion trompeuse. « Elle laisse croire en l’existence d’un

arsenal de textes d’origine communautaire constituant le cadre unique de l’activité d’assurance. Or la totalité de l’activité normative s’est déployée presque exclusivement sous forme de directives d’harmonisation adressées aux Etats, intégrées depuis longtemps dans leurs droits nationaux. Aussi bien les règles de droit positif applicables à l’assurance sont-elles à rechercher dans les instruments spécifiques à chaque Etat, par exemple dans le Code français des assurances. L’auteur suggère alors d’utiliser l’expression d’inspiration communautaire des droits nationaux de l’assurance au lieu de celle de droit européen des assurances ». J. -Cl. Civil Annexes, Fasc. 150, Assurances terrestres – Droit européen des assurances – Cadres généraux, n°3.

279 H. CLAASSENS, “Het verzekeringsrecht in de Europese Gemeenschap : huidige stand van zaken”, R. W (Belgique), 1978-79, p. 1538-1580 ; Ph. CHAPATTE, “Freedom to provide insurance services in the European Community”, European Law Review, 1984, p. 3-27.

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responsabilité. Ces formes d’assurance ne touchent guère à l’épargne publique. Elles ne sont pas une forme d’investissement et de placement. La libération dans ces secteurs a pu s’opérer sans trop de difficultés. L’assurance sur la vie est, en revanche, de toute autre nature. C’est dans ce secteur que les négociations ont été les plus longues à aboutir. Il a fallu quatre vagues de directives281 au secteur des assurances, dont celle de 1992 qui fut la plus décisive, pour arriver à l’objectif atteint par le secteur bancaire.

114. Agrément unique. L’harmonisation des agréments était la phase

finale du processus de construction du marché européen de l’assurance. Cette harmonisation avait, à l’époque, fait l’objet d’un examen attentif de la part des négociateurs du dernier round des négociations du GATT282. Sous le régime de la

directive Établissement pour l’assurance non vie du 24 juillet 1973283, et la

directive Établissement pour l’assurance vie du 5 mars 1979284, lorsqu’une

entreprise avait déjà obtenu l’agrément d’un État membre et souhaitait créer une succursale dans un autre État, elle devait recevoir l’agrément correspondant dans le pays de siège de la succursale. Certaines conditions étaient nécessaires à réunir. L’entreprise devait limiter son objet social à l’activité d’assurance à l’exclusion de toute activité commerciale et elle devait présenter un programme d’activité indiquant la nature des risques garantis, les conditions générales et spéciales de police, les tarifs envisagés et les éléments constituant le minimum de garantie. Cette première vague de directives a, comme dans le secteur bancaire, harmonisé les conditions et la procédure de délivrance des agréments. Elle a aussi imposé aux entreprises d’assurance de constituer, selon les règles coordonnées au niveau

281 Les premières directives de 1973 et 1979 visaient à favoriser la liberté d’établissement par

l’harmonisation des conditions d’octroi de l’agrément administratif et des règles prudentielles (marge de solvabilité, fonds de garantie minimale). Les secondes étaient les directives de 1988 et 1990, dites deuxièmes directives, et intéressaient principalement la libre prestation des services. Cet ensemble de textes incomplet avait un caractère transitoire. C’était la troisième vague de 1992 qui était décisive car instaurant la licence unique. La quatrième vague initiée en 2000 a poursuivi l’objectif fondamental de la constitution d’un marché intérieur des services d’assurances aux particuliers.

282 R. B. WOODROW, “Insurance services in the Uruguay Round Services Negotiations: An

Overview and analysis of positions taken by U.S., E.C. & Japan”, Progres Newsletter: Research

Programme on the Service Economy, (Geneva, Switserland), n°19, déc. 1993, p. 9-13.

283 Transposée en droit français par la loi n° 74/267 du 5 mars 1979. Pour plus de détails V. La

directive du 24 juillet 1973 : directive de coordination, RGAT., 1973, p. 406, directive de libération, RGAT., 1973, p. 575. J. TOUSSAINT, « L’instauration de la liberté d’établissement en assurance-dommage », RGAT, 1973, p.579 ;

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européen et sous le contrôle de l’Etat de leur siège social, une marge de solvabilité pour l’ensemble de leurs activités (y compris celles de leurs agences et succursales situées dans d’autres Etats membres)285.

115. L’adoption de l’agrément unique. Ce sont les directives du 18

juin 1992 en matière « d’assurance non vie »286 et du 10 novembre 1992 pour

« l’assurance vie »287, dites directives de troisième génération, qui ont remplacé l’agrément administratif par un agrément administratif unique288 valable pour

l’ensemble de la Communauté. Il permet à une entreprise d’assurance agrée dans un État membre de pouvoir s’établir facilement dans un autre État membre sans demander aucun autre agrément. L’agrément est donné par branche et il couvre la branche entière, sauf si le requérant ne désire garantir qu’une partie des risques relevant de cette branche. La possibilité d’agrément par groupes de branches vaut également pour la garantie des risques accessoires compris dans une autre branche, si certaines conditions prévues par la directive (ann. C) sont remplies directive de référence aujourd’hui est la directive du 5 novembre 2002 qui constitue une étape importante vers le rapprochement des marchés nationaux dans un seul marché intégré. Elle a été transposée en droit français par les décrets n°2004-486 et n°2004-487 du 28 mai 2004289.

285 F. LOHEAC, « Le marché unique de l’assurance : opportunités, limites et perspectives », RMCUE, nov. 1994, n°382, p.593.

286 Directive n° 92/49 : JOCE n° L.228, 11 août 1992 ; 287 Directive n° 92/96 : JOCE n° L.360, 9 décembre 1992.

288 Transposées en France le 4 janvier 1994 ; Pays Bas le 9 mars 1994; Portugal le 9 avril 1994;

Danemark le 26 avril 1994; Norvège le 16 juin 1994; Royaume-Uni le 22 juin 1994; Allemagne le 21 juillet 1994, Belgique le 12 août 1994; Italie la loi dite de procuration du 22 février 1994. V. 3ème directive-vie, la position européenne » Argus 31 janv. 1993, p. 55 ; J.-L. BELLANDO,

« Assurance-vie, 3ème directive » Rev. Courtage, cot. 1993, p.18 ; P. BROOK, « A vos marques le

1er juillet 1994 », Argus 27.11.1992, p.26 ; B. BAILLOT, « La dernière étape du marché unique de

l’assurance-vie », Gaz. Pal., 5 mai 1993, p.2 ; L. BRITTAN, « Troisième directive-vie : agrément unique et programmes des euro-retraites », Risques, n°7, sept. 1991, p.41 ; J.-Ph. THIERRY, « Les assureurs-vie et le grand marché européen », Risques, n°7, sept. 1991, p.65 ; P. LEFAS et A.- F.LEFÈVRE, « La transposition des troisièmes directives en droit français », Risques n°25, janv.- mars 1996, p.175. ; M. DASSESSE, « The Third Life Insurance Directive : An Overview, Int. Ins.

Law Rev., 1994, pp. 28-32 ; J.-P. FEVRE, « Les troisièmes directives assurances : liberté et

responsabilité pour les assureurs », AidA Sezione Lombarda, Milano, 4 novembre 1994, p. 13 ; VAN SHOUBROEK, Professionele aansprakelijkheid verzekering en de Europese Interne Markt, Anvers, Maklu-CED Samsom, 1994 ; E. COPPOLA DI CANZANO, «Some Strategic Issues in the Insurance Industry Today », Geneva Papers on Risk and Insurance, april 1994, pp. 127-134 ; H. DRABBE, « The Internal Market for Insurance : A Reality », Geneva Papers on Risk and

Insurance, april 1994, pp. 135-143 ; H. L. DE BOER, « Recht, Verzekering en Europa », Verz. Arch., 1994, pp. 95-100

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114 2. La réassurance

116. Une harmonisation qui vise à éviter les divergences entre différents types d’assurance. Nécessaire à toute activité d’assurance, la

réassurance ne fait intervenir que des professionnels. « C’est un contrat par lequel

l’assureur se décharge sur une autre personne, le réassureur, de tout ou partie des risques qu’il a assumés »290. L’activité de réassurance a pris depuis longtemps

une dimension internationale. Au niveau européen, c’est la directive n°2005/68/CE du 16 novembre 2005291 qui a eu pour objectif de créer un

passeport européen pour les entreprises de réassurance. Toute entreprise s’adonnant à ce type d’activité, agréée dans le pays où elle a son siège social, peut exercer la réassurance dans l’ensemble de l’Union européenne. Les entreprises de réassurance autres que les entreprises d’assurance visées par les directives non-vie et vie doivent se soumettre à un agrément administratif, à des contrôles ou à des obligations prudentielles conçues sur le modèle de ce que connaissent les entreprises d’assurance. L’objectif de la directive était de mettre fin au régime distinctif qui avait jusqu’alors caractérisé l’activité de réassurance par rapport à l’assurance. L’activité de réassurance n’était contrôlée que lorsqu’elle était pratiquée par des entreprises opérant simultanément en assurance directe. Le contrôle de solvabilité était global et les engagements des assureurs vis-à-vis des assurés figuraient bruts de réassurance au bilan des assureurs. Les réassureurs spécialisés échappaient au contrôle. La directive de 2005 a donc mis fin aux divergences qui existaient entre les États membres concernant les entreprises autorisées à exercer la réassurance. Elle a repris la distinction opérée en matière d’assurance directe, entre réassureurs ayant leur siège dans un autre État de l’Union européenne ou l’EEE (agissant alors en LPS ou en LE), et assureurs relevant de pays tiers. Le dispositif réglementaire applicable est aussi calqué sur le régime applicable en matière d’assurance directe. A condition qu’elles soient régulièrement établies et agrées dans un État membre, les entreprises de réassurance de l’EEE peuvent agir en liberté d’établissement à partir de leur succursale. Ce mode d’exercice au sein de la Communauté européenne se caractérise par une souplesse certaine puisqu’il ne suppose pas comme pour les

290 M. HAGOPIAN, Traité de droit des assurances, Entreprises et organismes d’assurances, sous

la direction de J. BIGOT, L.G.D.J, 2e éd, 1996, p.609.

291 JOUE du 9 décembre 2005. Elle a été transposée en droit français par le décret et l’arrêté du 7

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entreprises d’assurance directe d’information préalable. « Les provisions relatives

aux affaires cédées à un réassureur peuvent être représentées sans condition »292,

autrement dit sans que les réassureurs ne doivent nantir leurs engagements. Pour les entreprises d’assurance établies dans un État hors de l’EEE, l’obligation de nantissement est toutefois maintenue. Cette exigence est largement justifiée dès lors que ces entreprises ne bénéficient pas du régime réglementaire et prudentiel harmonisé. Lorsqu’elles agissent par l’intermédiaire d’une succursale établie en France, le nouvel article R. 321-25 du Code des assurances leur impose par ailleurs de désigner un mandataire général qui soit doté de pouvoirs suffisants pour les engager à l’égard des tiers et des autorités de contrôle.