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La résistance du biofilm envers les agents antimicrobiens

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III. LE BIOFILM

III.4 LES MECANISMES DE RESISTANCE DU BIOFILM DE P. AERUGINOSA

III.4.1 La résistance du biofilm envers les agents antimicrobiens

La résistance conférée par le biofilm est multifactorielle. Différents mécanismes contribuent à la résistance du biofilm envers les agents antimicrobiens (Høiby et al., 2010b).

La production d’une matrice d’exopolysaccharides, lors du développement des micro-colonies, a souvent été considérée comme une barrière physique difficile à franchir limitant la pénétration de certains agents antimicrobiens à travers la structure du biofilm et donc le

Figure 19 : Mécanismes de résistance du biofilm de P. aeruginosa

Les mécanismes de résistance peuvent inclure une pénétration et diffusion limitées de l’agent antibactérien dans la matrice organique du biofilm. Les bactéries dans le biofilm peuvent également sécréter des β-lactamases dans le milieu environnant et/ou augmenter l'expression de pompes à efflux. L'activation des systèmes de QS ainsi que les différents gradients de concentration en nutriments, oxygène et déchets métaboliques apportent également une contribution à la tolérance aux antibiotiques. La présence de bactéries persistantes qui sont résistantes à la destruction par tous les antibiotiques sont aussi responsables d'infections récalcitrantes (Dufour et al., 2012).

Introduction

36 contact des bactéries avec les agents antimicrobiens (Costerton, 2001). Les polymères extracellulaires diminuent la vitesse de transport de la molécule vers la bactérie ou interagissent avec l’agent antimicrobien et inhibent son action. Cependant malgré que l’échec de certains antibiotiques à pénétrer dans le biofilm ait souvent été avancé comme une explication pour la résistance des biofilms à la thérapie antimicrobienne (Drenkard, 2003 ; Donlan et Costerton, 2002), des mesures directes de pénétration des antibiotiques (daptomycine et nisine) ne supportent pas cette hypothèse (Stewart et al., 2009 ; Davison et al., 2010).

Costerton et ses collaborateurs ont mis en évidence la présence de niches au niveau du biofilm où les bactéries existent à l’état dormant et protégé (Costerton, 1999 ; Costerton et al., 1999). Au sein du biofilm, les micro-colonies sont séparées par un réseau de canaux permettant, d’une part, d’acheminer l’oxygène et les nutriments à l’intérieur du biofilm et, d’autre part, d’évacuer les déchets. Ainsi un gradient en nutriments et en oxygène se développe du sommet à la base du biofilm et affecte la vitesse de croissance et l’activité métabolique des bactéries. L’accessibilité restreinte aux substances nutritives et à l’oxygène des bactéries se trouvant à la base du biofilm forme ainsi une sous-population métaboliquement non active et non multiplicative. Comme la plupart des antibiotiques ciblent principalement des cellules métaboliquement actives, il a été suggéré que l’hétérogénéité métabolique des bactéries dans le biofilm mène à des différences de susceptibilité aux agents antimicrobiens (Aaron et al., 2002 ; Parsek et Tolker-Nielsen, 2008). De plus, les bactéries au centre du biofilm entrent dans une phase stationnaire-dormante (avec une croissance ralentie ou une absence de croissance). Les bactéries avec un taux de croissance ralenti diminuent également la susceptibilité du biofilm aux agents antimicrobiens. Des taux de croissance très faibles de biofilm de P. aeruginosa ont en effet été mesurés dans les expectorations de patients atteints de mucoviscidose (Yang et al., 2008).

Les cellules persistantes représentent une petite sous-population de cellules qui entrent spontanément dans un état-dormant et ne se divisent pas. Ces bactéries persistantes sont très tolérantes aux antibiotiques : même lorsque les biofilms sont traités pendant des temps prolongés ou avec des concentrations élevées en agent antimicrobien, une petite fraction de population persiste (Lewis, 2012). Des souches de P. aeruginosa persistantes ont été sélectionnées chez des patients atteints de mucoviscidose et suggèrent qu’un lien existe entre

37 ces cellules et les infections récalcitrantes chez ces patients (Mulcahy et al., 2010).

Les conditions environnementales fournies par le biofilm induisent également l’apparition de variants phénotypiques contribuant à la résistance des bactéries envers les agents thérapeutiques. Dès les premiers stades de l’adhésion des bactéries à un support, celles-ci sont soumises à des modifications de l’expression des gènes (Costerton et al., 1999). Sauer

et ses collègues observent chez P. aeruginosa une modification de l’expression de

nombreuses protéines lors du passage de la bactérie de l’état planctonique à celui du biofilm (Sauer et al., 2002). Certains gènes nouvellement activés sont responsables d’une modification du profil des protéines composant la membrane externe (Tenke et al., 2006). Hancock et Speert observent chez P. aeruginosa une résistance intrinsèque résultant d’une perméabilité restreinte de la membrane externe (Hancock et Speert, 2000). La proximité des bactéries dans la structure leur permet le transfert d’informations génétiques (transfert horizontal de gènes) au sein du biofilm à des fréquences très élevées avec pour conséquence un taux de mutation plus important que chez les bactéries isogéniques en mode planctonique (Molin et Tolker-Nielsen, 2003 ; Driffield et al., 2008). On parle de phénotype hypermutable. L’augmentation de stress oxydatif dans les biofilms, provoquée par un déséquilibre entre la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) et de facteurs de défense antioxydants est une cause d’augmentation de la mutabilité dans les biofilms. Le stress oxydatif endogène dans les biofilms favorise la résistance aux agents antimicrobiens (Boles et Singh, 2008 ; Høiby et al., 2010b ; Paraje, 2011). Des souches hypermutantes ont en effet été observées dans les poumons de patients atteints de mucoviscidose et colonisés par P. aeruginosa, et un lien entre le taux élevé de mutations et l’évolution vers la résistance aux agents antimicrobiens a été proposé (Oliver et al., 2000). Les bactéries dans le biofilm peuvent ainsi induire simultanément des modifications au niveau de la régulation de la mobilité, produire des enzymes contribuant à dégrader les antibiotiques, et surexprimer des pompes à efflux (Høiby et al., 2010a). L’augmentation de la production de β-lactamases dans les souches cliniques de

P. aeruginosa est un mécanisme majeur de résistance aux antibiotiques β-lactames

(Giwercman et al., 1990). Les systèmes de pompes réalisent un efflux actif (énergie-dépendant) ayant pour rôle d’expulser les agents antimicrobiens hors de la cellule (Aires et al., 1999). P. aeruginosa possède plusieurs systèmes de pompes à efflux dont les systèmes MexAB-OprM, MexCD-OprJ, MexEF-OprN, MexXY-OprM, MexJK-OprM et MexVW-OprM (Fernandez et Hancock, 2012). Les pompes sont caractérisées par une organisation

Introduction

38 commune composée de 3 parties distinctes: une protéine transporteuse exportant les substances à travers la membrane interne ; une protéine de fusion membranaire périplasmique qui lie la pompe cytoplasmique à la protéine de la membrane externe ; une protéine de la membrane externe facilitant le passage des substance à travers cette membrane externe (Sobel et al., 2003 ; Nikaido, 1994 ; Zhao et al., 1998 ; Nehme et Poole, 2005). La résistance à la tobramycine est liée à une surexpression de MexXY-OprM (Islam et al., 2009). Le système de

pompe contribue également à la résistance de P. aeruginosa envers d’autres agents

antimicrobiens tels l’érythromycine, les fluoroquinolones, les β-lactames, la tétracycline, le chloramphénicol (Li et al., 1994 ; Mine et al., 1999 ; Aeschlimann, 2003 ; Lomovskaya et al., 2001).

L’augmentation de la densité cellulaire dans la formation des biofilms active le système du QS. Il a été démontré que le QS détermine la tolérance des biofilms de P. aeruginosa à la thérapie antibiotique (Høiby et al., 2010b). Les bactéries du biofilm dans lequel le QS est bloqué, soit par mutation ou par l'administration de médicaments inhibiteurs de QS, sont sensibles au traitement par la tobramycine et l’H2O2 contrairement aux bactéries avec un système de QS fonctionnel (Bjarnsholt et al., 2005 ).

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