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Facteurs de virulence sécrétés

Dans le document Faculté de Pharmacie (Page 39-45)

II. PSEUDOMONAS AERUGINOSA

II.2 PATHOGENICITE DE P. AERUGINOSA

II.2.2 Facteurs de virulence sécrétés

P. aeruginosa est pathogène par les nombreux facteurs de virulence qu’il sécrète : les

toxines (exotoxine A, exoenzymes S, T, Y et U), les enzymes protéolytiques (élastase LasB, élastase LasA ou staphylolysine, protéase IV et protéase alcaline), les enzymes lipolytiques (lipase, estérase, phopholipase C), les rhamnolipides et les chélateurs de fer ou sidérophores.

Les toxines

L’exotoxine A est une des protéines les plus cytotoxiques produites par P. aeruginosa

responsable d’infections sévères chez la souris (Miyazaki et al., 1995). L’exotoxine A est composée d’un domaine A et d’un domaine B ; ce dernier interagit au niveau du LDL

receptor-related protein (LRP) présent à la surface de la cellule hôte. L’interaction induit l’internalisation du domaine possédant une activité ADP-ribosyltransférase ce qui mène à la perturbation de la synthèse protéique de la cellule infectée (Iglewski et Kabat, 1975). L’exotoxine A cible le facteur d’élongation E2 entraînant la mort cellulaire par nécrose (Iglewski et al., 1977 ; Wick et al., 1990). La toxine détériore également les mécanismes de défense de l’hôte (Schultz et al., 2001) et est responsable en partie de la destruction du tissu des voies respiratoires lors d’infections à P. aeruginosa (Baker, 1982).

La virulence de P. aeruginosa implique la sécrétion d’exotoxines via un complexe protéique, le système de sécrétion de type III (TTSS), qui libère dans la cellule hôte les exoenzymes ExoS, ExoT, ExoU et ExoY (Berthelot et al., 2003). La synthèse de ces protéines effectrices est stimulée par le contact de la bactérie avec les cellules eucaryotes, ainsi que par des signaux environnementaux (Hornef et al., 2000). Les protéines secrétées sont transloquées dans le cytosol de la cellule hôte (Cornelis, 2006). L’ExoS est un facteur de virulence essentiel au développement des infections aigües à P. aeruginosa. L’ExoS et l’ExoT possèdent toutes deux une activité ADP-ribosyltransférase indispensable pour l’induction de

22 l’apoptose dans la cellule hôte (Kaufman et al., 2000). L’ExoU possède une activité phospholipase lui permettant de dégrader les composants de la membrane de la cellule cible (Sato et al., 2003) et d’induire la perméabilité des cellules mammifères dont les cellules épithéliales, les macrophages et les fibroblastes (Finck-Barbancon et al., 1997). L’activité enzymatique de l’ExoY, une adenylate cyclase, provoque l’accumulation d’AMPc dans la cellule cible qui induit indirectement des changements morphologiques de la cellule (Yahr et al., 1998).

Les protéases

La présence de protéases dans les expectorations durant les exacerbations infectieuses chez les patients atteints de mucoviscidose et chroniquement porteurs de P. aeruginosa a été démontrée (Jaffar-Bandjee et al., 1995). Ces protéases agissent ensemble entraînant des dommages significatifs des tissus hôtes.

L’élastase LasB de P. aeruginosa est un des facteurs les plus virulents parmi les toxines sécrétées par la bactérie pendant une infection. Elle endommage la matrice extracellulaire des voies respiratoires et des tissus conjonctifs en dégradant des composants de la matrice comme l’élastine pulmonaire. L’élastine confère aux tissus (pulmonaire, vasculaire, oculaire) des propriétés élastiques nécessaires à leurs fonctions physiologiques. Les lésions provoquées par l’élastase mènent à des ulcérations des voies respiratoires (de Bentzmann et al., 2000). L’enzyme perturbe les jonctions serrées des cellules de l’épithélium des alvéoles pulmonaires (Azghani, 1996). L’élastase LasB cible également des composants du système immunitaire notamment des composants du complément, des immunoglobulines, des cytokines, dont le TNF-α, l’IFN-γ et certaines IL (Horvat et al., 1989 ; Theander et al., 1988 ; Parmely et al., 1990 ; Kevin et al., 2003). Elle dégrade la protéine A du surfactant pulmonaire (SP-A), un composant important du système immunitaire pulmonaire et de l’opsonisation, permettant à la bactérie d’échapper à la phagocytose (Kuang et al., 2011).

L’élastase LasA dégrade l’élastine pulmonaire, potentialisant l’activité élastolytique de l’élastase LasB et entraînant la destruction du tissu pulmonaire (Kessler et al., 1997 ; Peters et Galloway, 1990). Les élastases LasA et LasB sont impliquées dans l’invasion par P. aeruginosa des cellules épithéliales (Cowell et al., 2003). La protéase extracellulaire LasA possède également une activité staphylolytique (Kessler et al., 1993), résultant en un clivage

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23 des liens des chaînes peptidoglycanes adjacentes de la paroi cellulaire de S. aureus. Cette activité favorise l’émergence de P. aeruginosa dans les poumons des patients atteints de mucoviscidose.

La protéase alcaline est responsable de l’évasion du pathogène du système de défense

de l’hôte par blocage de la phagocytose de P. aeruginosa par les neutrophiles humains. Elle

est également capable de supprimer la réponse immunitaire de l’hôte par inactivation de l’IFN-γ, de TNF-α et d’autres cytokines, et par inhibition de l’activation de composants du complément (Horvat et Parmely, 1988 ; Parmely et al., 1990 ; Hong et Ghebrehiwet., 1992 ; Laarman et al., 2012).

La protéase IV est une enzyme impliquée dans la dégradation des protéines du surfactant pulmonaire. Le surfactant pulmonaire a deux rôles distincts : la réduction de la tension de surface à l’interface air-liquide et la participation à la défense immunitaire innée de l’hôte. Par la dégradation du surfactant pulmonaire, la protéase IV inhibe les fonctions biophysiques du surfactant et la réponse de l’hôte (Malloy et al., 2005).

Phospholipase C

P. aeruginosa sécrète des phospholipases C extracellulaires, dont une phospholipase C

possédant une activité hémolytique, PlcH, et une non hémolytique, PlcN (Ostroff et al., 1990). Au niveau des poumons, PlcH participe à la dégradation du surfactant pulmonaire, riche en phosphatidylcholine, favorisant la colonisation bactérienne. L’implication directe de PlcH dans l’altération de la fonction du poumon de l’hôte a été récemment démontrée (Wargo et al., 2011).

Les rhamnolipides

Les rhamnolipides sont des glycolipides extracellulaires amphiphiles produits par P. aeruginosa et utilisés par cette bactérie comme facteur de virulence (Favre-Bonté et al., 2003). Ils sont composés de rhamnose et d’acides gras hydrophobes. Ils sont produits lors de la formation du biofilm et sous le contrôle du QS (Pearson et al., 1997). Leur rôle physiologique consiste au maintien de l’architecture du biofilm et particulièrement des canaux aqueux traversant la structure (Davey et al., 2003). Ils possèdent un pouvoir détergent sur les phospholipides du surfactant pulmonaire les rendant ainsi plus accessibles aux phospholipases

Figure 11 : Facteurs de virulence de P. aeruginosa

La pathogénicité de P. aeruginosa est multifactorielle et implique des facteurs cellulaires associés à la mobilité et à l’adhésion de la bactérie. De nombreux facteurs extracellulaires sécrétés par la bactérie contribuent à la survie du pathogène et aux lésions tissulaires. Adapté d’après Van Delden et Iglewski, 1998.

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24 bactériennes. Ils altèrent la jonction entre les cellules épithéliales des voies respiratoires et favorisent l’infiltration des épithéliums humains des voies aériennes par P. aeruginosa

(Zulianello et al., 2006). Ils ont également un rôle dans la résistance du biofilm de P.

aeruginosa à la défense de l’hôte. On a mis récemment en évidence une activité

antibactérienne envers S. aureus et K.pneumoniae des rhamnolipides produits par P.

aeruginosa OBP1, une souche isolée à partir de boues de pétrole. Les rhamnolipides altèrent

l’enveloppe bactérienne provoquant des dommages cellulaires et augmentant la perméabilité membranaire (Bharali et al., 2013). La capacité des bactéries à produire des biosurfactants avec des propriétés antimicrobiennes pourrait être une stratégie de survie dans un environnement en compétition.

Autres facteurs de virulence

Le P. aeruginosa est responsable de la production de deux pigments qui diffusent dans

le milieu de culture: la pyocyanine (pigment bleu) et la pyoverdine (pigment jaune-vert). Cette dernière est un sidérophore permettant la capture et le transport du fer, élément essentiel à la survie et à la persistance bactérienne à l’intérieur de l’hôte (Takase et al., 2000). L’apport en fer favorise la production de radicaux toxiques à action bactéricide envers d’autres espèces.

P. aeruginosa favorise ainsi son émergence parmi les autres souches. La pyocyanine est abondamment sécrétée dans les expectorations des patients atteints de mucoviscidose infectés

par P. aeruginosa. La cytotoxicité de la pyocyanine sur cellules humaines résulte entre autres

de ses propriétés oxydoréductrices. Le pigment oxyde le glutathion réduit qui perd alors son rôle d’antioxydant cellulaire. Ces altérations entraînent des lésions au niveau des cellules épithéliales liées au stress oxydatif (O’Malley et al., 2004). La survie de la bactérie est aussi liée à la répression de la réponse inflammatoire de l’hôte par la pyocyanine. Le pigment accélère et induit l’apoptose des neutrophiles (Allen et al., 2005).

Figure 12 : Système de QS de type LuxI/LuxR

Les molécules auto-inductrices AHL (cercles bleus) sont produites par la protéine synthase LuxI et forment un complexe avec la protéine régulatrice LuxR pour activer l’expression de gènes cibles. Figure A : En présence d’une densité cellulaire faible, la concentration en AHL intra- et extracellulaire est faible, et l’activation de LuxR minimale. Figure B : En présence d’une densité bactérienne importante, les AHLs se lient à LuxR et entraînent l’expression des gènes cibles (Jayaraman et Wood, 2008).

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