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IV- LE DESIGN DE RECHERCHE

IV.2- La procédure d’échantillonnage

Notre unité d‟échantillonnage correspond à des individus situés à la fin de l‟adolescence, des jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans, étudiants à l‟Université Laval, et vivant ou non avec leurs parents.

Le choix des personnes à inclure dans notre étude est guidé principalement par le schéma d‟analyse que nous avions introduit au début de cette partie méthodologique. En effet, notre principal objectif de recherche est de parvenir à une meilleure compréhension des mécanismes et processus par lesquelles la famille arrive à influencer le développement du matérialisme chez l‟enfant à l‟adolescence, et ce en comparant entre les expériences vécues dans ce contexte par des jeunes adultes matérialistes et par des jeunes adultes non matérialistes. Par conséquent, ce que nous considérons primordial dans le cadre de la présente étude est la perception du jeune lui-même, selon une perspective rétrospective, du rôle qu‟a joué sa famille dans le développement de l‟orientation qu‟il a développé par rapport aux possessions matérielles. Ainsi le fait que le jeune vit encore ou non, au temps de la collecte des données, avec ses parents n‟a pas d‟importance dans la mesure où nous désirons collecter des informations de portée antérieure.

Par ailleurs le choix de l‟analyse rétrospective reflète notre positionnement conceptuel qui se base entre autres sur le paradigme du parcours de vie (voir section III.2).

Le nombre croissant d‟études qui se sont orientées vers l‟étude du matérialisme sous une perspective rétrospective nous réconforte dans ce choix (Benmoyal-Bouzaglo et Moschis, 2010; Nguyen et al., 2009 ; Roberts et al., 2006, 2003 ; Rindfleisch et al., 1997). Ces études parues dans d‟importants journaux de notre domaine de recherche (Journal of Consumer

Research, Journal of Marketing Theory and Practice, Journal of the Academy of Marketing Science, etc.) montrent que plusieurs chercheurs reconnaissent que le comportement de

consommation peut être mieux appréhendé dans le contexte des expériences passées de l‟individu. Plutôt que d‟étudier le comportement individuel à une étape donnée de la vie, en isolation des expériences passées et des anticipations futures, ces recherches montrent une préférence vers l‟étude des individus à travers différentes étapes de leurs vies.

Le matérialisme étant le plus communément conceptualisé, dans la recherche en comportement du consommateur, comme une valeur individuelle, et à ce titre il se

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développe au fil du temps. Notre question principale de recherche porte sur le développement du matérialisme, et donc nous avons pensé qu‟il serait mieux d‟appréhender le développement de cette valeur selon les expériences passées, ainsi que celles anticipées, puisque le matérialisme est considéré comme une valeur qui guide divers choix et comportements de consommation (Richins et Dawson, 1992).

Concernant le choix des individus âgés de 18 à 25 ans, les jeunes adultes (ou individus à la fin de l‟adolescence) semblent être une cible idéale selon plusieurs chercheurs pour ce type d‟études (exemples : Moore et Bowman, 2006 ; Wooten, 2006), puisqu‟ils sont considérés comme étant idéalement convenables à la fois pour se rappeler les expériences de leurs adolescence et de les rapporter assez honnêtement. Par ailleurs, plusieurs des facteurs de notre modèle ne peuvent être mesurés auprès d‟une population plus jeune (si nous avions fait le choix d‟étudier des individus âgés entre 12 et 18 ans), étant donné leur niveau élevé d‟abstraction. C‟est le cas notamment du concept d‟insécurité développementale (une composante clé de notre modèle).

Le choix de la tranche d‟âge, à savoir entre 18 et 25 ans, nous l‟avons fait aussi à partir d‟un autre ensemble de considérations. Tout d‟abord, nous avons relevé à partir de la littérature (section II.1.1) le fait que la stabilisation du développement cognitif de l‟individu soit atteinte vers l‟âge de 14 ans. Comme nous l‟avons vu à partir du modèle de socialisation développé par Roedder John (2001), à l‟issue du stade réfléchi (aux alentours de 16 ans) l‟individu adopte des perspectives duales dans un contexte social, et ce par rapport aussi bien à la structuration de ses connaissances qu‟à ses stratégies de prise de décision et d‟influence. En outre, nous avons choisi la borne inférieure de 18 ans puisque normalement les individus quittent, vers cette période, la vie scolaire pour accéder à la vie universitaire ou pour travailler, selon les cas, et plus important encore c‟est la période à laquelle ils peuvent quitter le domicile parental ce qui constitue un détachement radical par rapport à la vie quotidienne familiale. Ces stades développementaux et transitoires suggèrent qu‟à 18 ans l‟individu ait acquis toutes les capacités cognitives et les perspectives sociales et chronologiques pour évaluer aussi bien la valeur qu‟il donne aux possessions matérielles et à leur importance dans sa vie, que pour porter un regard rétrospectif, plus global et peut-être plus rationnel sur l‟influence de sa famille sur son orientation matérialiste.

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Par ailleurs, plusieurs auteurs spécialisés dans l‟étude du comportement de consommation des jeunes notent que jusqu‟à 25 ans l‟individu peut encore être considéré comme un adolescent (Brée, 2007 ; Le Bigot et al., 2004). Ces derniers auteurs notent ainsi qu‟aujourd‟hui l‟adolescence commence plus tôt et se termine plus tard. Elle naît à 11 ans pour prendre fin à 23-25 ans. Plus précisément, ils désignent les individus âgés entre 18 et 25 ans par les « adulescents », étant situés entre le début de l‟âge adulte et la fin de l‟adolescence.

À part ces considérations conceptuelles, développementales et sociales, l‟importance du choix de cette tranche d‟âge en particulier découle de sa capacité de permettre aux adolescents de porter un regard rétrospectif sur des expériences vécues dans un cercle familial dont ils ne se sont pas encore détachés complètement. Dans la littérature en comportement du consommateur, nous avons relevé une intéressante étude empirique qui a eu recours à des répondants situés à la fin de l‟adolescence et au début de l‟âge adulte dans la perspective de porter un regard rétrospectif et qualitatif sur l‟influence relative des pairs et de la famille (Moore et Bowman, 2006). Ces auteurs ont souligné le fait qu‟à cet âge les individus, étant positionnés au seuil de l‟indépendance, constituent une population particulièrement intéressante pour l‟étude des influences intergénérationnelles.

Sur la base de notre objectif de recherche, nous voulons pouvoir comparer entre les expériences familiales vécues, par des jeunes adultes matérialistes et par des jeunes-adultes non matérialistes. Dans le but de combler cet objectif théorico-méthodologique4, nous serons donc amenés à collecter des informations de type quantitatif (les réponses au questionnaire auto-administré), et des informations de type qualitatif (les entrevues individuelles en profondeur). Les premières ayant pour but principal de vérifier les propositions de recherche de notre modèle analytique, et pour but secondaire de nous permettre d‟identifier deux groupes de répondants, selon leur niveau de matérialisme. Ces groupes vont servir de base à l‟étude de cas multiples (double en l‟occurrence) et nous permettre d‟effectuer une analyse comparative entre les expériences familiales vécues par ces deux groupes. Selon cet objectif, nous sommes donc confrontés à plusieurs

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considérations qu‟il faut prendre en compte lors des choix de la technique d‟échantillonnage et de la taille et composition de l‟échantillon.

Ainsi, nous avons confronté les propositions de Pires (1997) relativement à l‟échantillonnage dans le cadre d‟un design de recherche basé sur une recherche qualitative, celles de Hlady Rispal (2002) relativement à l‟échantillonnage dans le cadre d‟une approche d‟étude de cas multiples, et celles de Teddlie et Yu (2007) relativement à l‟échantillonnage dans le cas de l‟utilisation d‟un design à méthodes mixtes, à nos objectifs de recherche dans la présente étude.

Pour satisfaire ces différentes priorités en apparence divergentes, il serait opportun de partir de la priorité relative au fait que notre design de recherche est à méthodes mixtes, et plus précisément un design séquentiel explicatif et transformatif. En effet le plus grand défi que nous devons soulever lors de la mise en œuvre de ce design choisi, particulièrement lors de l‟échantillonnage, est celui de réconcilier entre le volet quantitatif et le volet qualitatif de notre recherche. C‟est pour cela que nous partons de certaines recommandations avancées par Tedllie et Yu (2007) relativement aux caractéristiques générales d‟un échantillonnage à méthode mixte : (i) générer un échantillon qui permet de répondre aux questions de recherche et, (ii) utiliser plusieurs échantillons dans l‟étude lorsqu‟il faut décider de la taille de l‟échantillon.

Dans le but de combler notre finalité théorico-méthodologique, nous sommes amenés, non pas à utiliser deux échantillons, mais à effectuer un échantillonnage séquentiel, en deux phases sur la même population de répondants. En effet l‟objectif de notre design séquentiel explicatif, basé plus précisément sur un modèle de sélection des participants (Voir figure 4), est d‟utiliser les données qualitatives pour générer une étude approfondie des résultats quantitatifs (les deux groupes objets de notre étude de cas multiples). Cet objectif doit passer par la sélection des participants qui pourraient donner le mieux les détails nécessaires à cette étude approfondie. Les deux phases de notre échantillonnage séquentiel sont intimement liées dans la mesure où la deuxième est construite sur la première.

Première phase d’échantillonnage

Lors de la première phase de notre étude, nous avons fait le choix d‟utiliser un questionnaire auto-administré en ligne auprès des étudiants âgés de 18 à 25 ans, et

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appartenant à la communauté de l‟université Laval. Sur la base de ces choix, l‟échantillonnage de notre première phase est un échantillonnage de convenance et de jugement.

Il est de convenance dans la mesure où les étudiants sollicités par notre message de recrutement, qui a été distribué à toute la communauté universitaire, y ont répondu sur une base parfaitement volontaire. Par ailleurs notre choix d‟étendre notre échantillonnage à toute la communauté universitaire reflète une part de jugement : celui de recruter des répondants inscrits dans des disciplines d‟études variées. Cette considération découle de la constatation faite par plusieurs auteurs que le niveau de matérialisme des étudiants diffère selon la discipline suivie (exemple : Belk, 1985).

Par ailleurs le jugement a guidé le choix de la taille minimale préconisée pour l‟échantillon de cette première phase. En effet, nous souhaitions qu‟elle soit assez suffisante pour nous permettre d‟une part d‟effectuer des analyses quantitatives assez poussées et robustes, et d‟autre part de pouvoir optimiser la comparabilité des groupes de répondants à former pour la deuxième phase de notre recherche.

L‟échantillonnage de la première phase, qui s‟est déroulé entre novembre 2010 et janvier 2011, a abouti sur (331) questionnaires remplis en ligne. (94,6%) des participants à cette première phase ont donné leur accord pour participer à la deuxième étape de notre étude. La description de ce premier échantillon sera donnée plus en détail dans la section (V), relative à la présentation des résultats de la première phase de notre étude.

Deuxième phase d’échantillonnage

Suite à la collecte et analyse des données quantitatives, nous avons effectué une sélection qualitative des participants qui est basée sur les résultats quantitatifs (voir Figure 4). Il s‟agit d‟un échantillonnage théorique et raisonné. En effet, du fait que nous avons fait le choix d‟inscrire notre étude dans un design de recherche séquentiel, cet échantillonnage nous semble être la technique la plus appropriée puisque dans ce type de design l‟objectif n‟est pas de tirer des conclusions généralisables à l‟ensemble de la population cible, mais d‟obtenir une généralisation de propositions théoriques à partir d‟un raisonnement logique (Thiétart, 2003).

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L‟objectif d‟identifier deux groupes distincts de répondants sur la base de leur niveau de matérialisme, et celui d‟entamer une étude qualitative comparative sur ces deux groupes dans la deuxième phase de notre collecte des données, nous a amené à choisir un type particulier d‟échantillonnage raisonné. Il s‟agit d‟un échantillonnage raisonné (purposive

sampling) pour atteindre la comparabilité, que nous avons identifié parmi la liste des types

d‟échantillonnage proposée par Teddlie et Yu (2007) relativement au cas d‟un design de recherche à méthode mixte. Ce type d‟échantillonnage est utilisé lorsque l‟objectif de recherche est d‟établir des comparaisons entre différents types de cas.

Ces auteurs proposent dans ce cas d‟échantillonnage plusieurs procédures pour atteindre la comparabilité. Parmi cette liste nous avons choisi une procédure qui semble pouvoir nous convenir dans la présente étude, et selon l‟analyse comparative orientée-variable (le niveau de la variable matérialisme) que nous mènerons : l‟échantillonnage par cas extrêmes.

Sur la base de ces considérations, nous avons recruté les participants de notre deuxième phase dans les terciles supérieurs et inférieurs de la distribution des scores, enregistrés par le premier échantillon, sur l‟échelle de mesure du niveau de matérialisme.

La procédure d‟échantillonnage adoptée dans cette deuxième phase est de type théorique et raisonné, dans la mesure où ce type d‟échantillonnage est généralement défini comme étant basé sur des considérations théoriques plutôt que des considérations de représentativité statistique (Hlady Rispal, 2002). Sur cette base, chacun des deux groupes de répondants a été constitué par homogénéisation/diversification interne : (i) Chaque groupe est homogène dans la mesure où il est composé d‟individus ayant relativement le même niveau de matérialisme (niveau élevé ou niveau bas); (ii) La diversification interne correspond dans notre étude à la préoccupation d‟avoir une répartition la plus équilibrée possible selon le sexe des répondants, et ce aussi bien inter-groupes qu‟intra-groupes. Le choix de cette variable découle de résultats issus de notre précédente revue de la littérature qui montrent que le matérialisme des adolescents diffère significativement selon leur sexe.

Concernant la taille de l‟échantillon lors de cette deuxième phase, et qui sera celui qui sera retenu pour l‟analyse des données qualitatives, elle dépendait justement de ce type de données mais aussi de certaines considérations empiriques. En effet, le fait que nous ayons

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choisi la recherche de la représentativité théorique pour la constitution de cet échantillon, nous a inscrits dans un processus de recherche de saturation théorique : il fallait arrêter de recruter des répondants supplémentaires lorsque nous jugions que les dernières informations n‟apportaient plus vraiment d‟informations assez différentes et pertinentes pour en recruter d‟autres. Toutefois, nous avons dépassé le principe de saturation théorique pour favoriser celui d‟optimiser la comparabilité des deux groupes formés.

Lors de cette deuxième phase d‟échantillonnage, qui s‟est déroulée entre mars et mai 2011, un échantillon de (63) répondants a participé à notre étude. Ils sont répartis entre (31) répondants ayant des niveaux élevés de matérialisme, et (32) répondants ayant des niveaux bas de matérialisme.

Après avoir spécifié nos choix relatifs à l‟échantillonnage utilisé dans la présente étude, nous allons passer à la présentation de la procédure suivie pour la collecte séquentielle de nos données quantitatives et qualitatives.