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Alors que la tendance des résultats concernant l‟effet du sexe du jeune consommateur sur son niveau de matérialisme reflète une certaine unanimité parmi les chercheurs, la question relative à l‟impact de son âge sur cette orientation reste plutôt irrésolue. En effet, d‟un côté plusieurs recherches ont mis en évidence l‟impossibilité d‟établir un lien

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significatif et direct entre l‟âge du jeune et son niveau de matérialisme, et de l‟autre côté il était possible de déduire l‟existence de cette relation, parfois indirectement.

La majorité des premières études empiriques qui ont permis de jeter un peu de lumière sur les composantes du processus de socialisation à la consommation chez les jeunes, ont introduit l‟apprentissage des attitudes matérialistes parmi les résultats envisagés de ce processus. Toutefois, même en utilisant des échantillons dont les intervalles d‟âge étaient assez larges (de 12 à 18 ans en général), l‟impact de cette variable sur l‟adoption d‟attitudes matérialistes chez l‟adolescent est resté non significatif (Churchill et Moschis, 1979; Moschis et Churchill, 1978; Ward et Wackman, 1971).

Pour Moschis et Churchill (1978) par exemple, le développement cognitif est certes un prédicateur puissant de la connaissance du marché par les adolescents : ils ont démontré que les plus âgés ont plus tendance à adopter des comportements de consommation socialement désirables et sont plus capables de gérer leurs finances personnelles que les plus jeunes. Toutefois l‟âge n‟affecte pas significativement leurs attitudes matérialistes. Ces auteurs notaient ainsi que même si le développement cognitif joue un rôle dans la formation de plusieurs compétences reliées à la consommation, il n‟est pas clair cependant si ces changements chez le jeune sont des effets de son développement cognitif ou d‟autres facteurs parallèles, tels que l‟augmentation des opportunités de consommation ou l‟amélioration de son expérience avec le marché. C‟est pour cette raison d‟ailleurs que ces auteurs pensaient que la socialisation à la consommation est plus un processus d‟apprentissage social qu‟un processus de développement cognitif.

D‟autres études plus récentes ont échoué à trouver un lien entre l‟âge de l‟adolescent et son niveau de matérialisme (Chan et Prendergast, 2007 ; Kasser, 2005 ; Goldberg et al., 2003 ; Achenreiner, 1997). Ce dernier auteur pense que ce résultat démontre que le matérialisme est un trait plutôt stable, ne variant que marginalement avec l‟âge, malgré les nombreux changements liés au développement du jeune à mesure qu‟il grandit. Cette idée fait écho à la conceptualisation la plus fréquemment adoptée du matérialisme en comportement du consommateur, à savoir celle du matérialisme en tant qu‟une valeur

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(Richins et Dawson, 1992). Le matérialisme est ainsi considéré comme une qualité transcendantale qui guide les actions et les attitudes à travers le temps et les situations.

Par contre, toutes les études qui ont réussi à dégager un lien significatif entre l‟âge du jeune et son niveau de matérialisme, ont noté que ce lien était positif : le matérialisme augmente au fur et à mesure que l‟adolescent grandit (Chan et al., 2006 ; Flouri, 2004 ; Lipscomb, 1988 ; Moore et Moschis, 1981), à l‟exception de Chaplin et Roedder John (2007 ; 2005a) qui ont démontré l‟existence d‟une relation moins linéaire.

Ces dernières auteures étaient parties de l‟idée selon laquelle les changements survenus dans le concept de soi chez les enfants et les adolescents (de 8 à 18 ans), et qui sont accentués par l‟augmentation des compétences socio-cognitives qui accompagnent normalement l‟accroissement de l‟âge, facilitent l‟adoption des valeurs matérialistes. En utilisant successivement des techniques projectives dans une première étude et de l‟expérimentation dans une seconde, elles ont découvert que le matérialisme augmente entre le milieu de l‟enfance et le début de l‟adolescence et décline entre le début et la fin de l‟adolescence. Par ailleurs, elles ont trouvé que l‟influence des différences d‟âge, sur le matérialisme, est médiée par des changements dans le niveau d‟estime de soi du jeune qui surviennent entre le milieu de l‟enfance jusqu‟à l‟adolescence (Chaplin et Roedder John, 2007). Dans une étude antérieure, ces auteures ont déjà noté l‟existence d‟une relation significativement forte et négative entre l‟estime de soi et le matérialisme chez les jeunes (Chaplin et Roedder John, 2005a). Par conséquent, elles expliquent l‟exacerbation particulière du matérialisme dans le milieu de l‟adolescence par la diminution majeure du niveau d‟estime de soi que l‟individu subit à cette période.

Lipscomb (1988) a donné une autre interprétation relativement au changement du niveau du matérialisme selon l‟âge des jeunes. En notant que cette orientation envers les possessions matérielles augmente significativement à mesure que l‟adolescent grandit, il explique cela par le fait que les plus âgés ont été plus exposés à des expériences d‟apprentissage qui auraient stimulé leur intérêt pour les produits de consommation (exemple: plus d‟exposition à des publicités), que les plus jeunes. En plus ils pourraient avoir eu une plus grande opportunité d‟apprentissage vicariant en voyant les autres utiliser et faire référence aux produits de consommation.

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Cette dernière idée a été proposée auparavant par Churchill et Moschis (1979). Ces auteurs ont formulé l‟un des modèles les plus complets à ce jour relativement à l‟apprentissage de la consommation à l‟adolescence, puisqu‟ils ont étudié simultanément l‟effet de plusieurs agents de socialisation sur divers aspects de la consommation des jeunes : leurs motivations économiques pour la consommation, leurs motivations sociales, et leurs niveaux de matérialisme. Ces auteurs n‟ont pas réussi toutefois à dégager un lien significatif entre l‟âge de l‟adolescent et son orientation matérialiste. Cependant ils ont noté que d‟un côté, la communication du jeune avec sa famille relativement à la consommation diminue avec son âge, alors que sa communication avec ses pairs augmente, et que d‟un autre côté ces deux variables sont significativement reliées à son niveau de matérialisme. Ils en ont déduit que l‟influence de l‟âge sur le matérialisme à l‟adolescence semble être médiée par des processus de socialisation.

La relation entre le sexe de l‟adolescent et son niveau de matérialisme semble poser moins d‟ambiguïté. En effet, tous les chercheurs en comportement du consommateur qui ont étudié cette relation sont unanimes : les garçons sont significativement plus matérialistes que les filles, et ce quel que soit l‟âge et à travers divers contextes d‟étude : aux États-Unis (Goldberg et al., 2003; Achenreiner, 1997; Lipscomb, 1988; Churchill et Moschis, 1979; Moschis et Churchill, 1978), en Grande-Bretagne (Flouri, 2004), en Australie (Kamineni, 2005).

Lipscomb (1988) a suggéré que ce résultat peut refléter le fait que le matérialisme se développe différemment chez les enfants selon leur sexe. Pour cet auteur se sont donc les antécédents du matérialisme qui reflètent des différences en fonction du sexe. Churchill et Moschis (1979) ont noté par ailleurs, qu‟à l‟adolescence les garçons possédaient une plus forte motivation sociale pour la consommation que les filles, et ce parallèlement à la supériorité de leur orientation matérialiste. Ils ont en déduit que les garçons montraient une plus forte orientation expressive envers la consommation en général, et que cela pourrait être dû au fait que les garçons ont plus besoin que les filles de recourir aux possessions matérielles pour tirer un certain pouvoir et établir statut et respect parmi leurs pairs.

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À l‟issue de cette revue des recherches ayant investigué l‟effet des deux variables âge et sexe sur le matérialisme chez le jeune, il est possible de souligner qu‟alors que l‟influence du sexe semble être directe, celle de l‟âge semble être plutôt indirecte. L‟âge affecte l‟effet de certains facteurs reliés aux agents de socialisation sur le matérialisme des jeunes. Plus précisément, il semble affecter la fréquence d‟exposition et d‟interaction avec ces agents.

Dans les paragraphes suivants, nous allons passer en revue le rôle joué justement par les plus importants agents de socialisation de l‟adolescent-consommateur, dans son orientation envers les possessions matérielles.