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Cette section aborde brièvement la prévalence des deux troubles psychiatriques ayant servi à distinguer les types de TDC entre eux, c’est-à-dire la maladie affective bipolaire (MAB) et le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Plusieurs sections seront consacrées à ces troubles rencontrés chez les délinquants dans ce chapitre ainsi qu’aux autres troubles fréquemment notés chez les jeunes tels le trouble oppositionnel avec provocation, le trouble dépressif majeur et les troubles liés à la consommation d’alcool et de substances psychoactives.

Les prévalences des troubles psychiatriques associés au TDC rencontrés chez les adolescents de notre échantillon seront principalement comparées à trois recherches : deux

ont été réalisées auprès d’adolescents en centre de détention (Pliszka et al., 2000; Teplin et al., 2002) et une a été réalisée auprès de jeunes référés en clinique externe de psychiatrie (Youngstrom, Youngstrom et Starr, 2005). Le faible nombre de recherches réalisées auprès d’une population juvénile délinquante incarcérée et l’absence de recherches concernant exclusivement les jeunes présentant un TDC font en sorte que celles-ci ont été retenues pour comparer la prévalence de ce trouble seul ou en cooccurrence avec d’autres troubles. Les aspects positifs et négatifs de ces recherches seront par ailleurs brièvement évoqués.

En tenant compte du fait que, dans notre recherche, le TDC était le critère d’inclusion, il est fort possible que les prévalences du TDAH et de la MAB diffèrent de celles qui auraient été notées si l’échantillon n’était composé que de jeunes ayant un TDC en centre de détention, car, tel que reconnu par l’AACAP (1997b), le TDC apparaît souvent avec d’autres troubles psychiatriques. Il faut donc être prudent face aux prévalences rapportées pour ces quelques raisons. Voici pour commencer une courte présentation de ces trois recherches.

Une brève présentation des trois recherches cliniques retenues

La recherche de Pliszka et coll. (2000) compte peu d’individus (N = 50), dont quarante-cinq sont de sexe masculin et le quart ne présentent aucun diagnostic à l’axe 1. Les aspects positifs de cette recherche sont que les adolescents sont en centre de détention au moment la collecte de données, ils sont âgés d’en moyenne 16,0 ans (É.T. : 1,0) et soixante pourcent présentent un TDC. Il faut mentionner que les diagnostics sont basés sur des entrevues structurées référant au DSM-III-TR, mais la raison pour laquelle cela constitue un aspect positif est que, malgré la catégorisation différente du TDC dans le DSM-III-TR et le TDC du DSM-IV, les comportements déviants du TDC sont similaires entre ces deux éditions.

Ensuite, la recherche de Teplin et coll. (2000) est pour sa part basée sur un grand échantillon de jeunes relevant d’un centre de détention (N = 1829). L’âge moyen des adolescents est de 14,9 ans (entre 10 et 18 ans), ce qui est légèrement moins élevé que les délinquants de notre échantillon qui sont âgés de près de seize ans et demi (16,4 ans; É.T. 1,3). Même si seulement les deux-tiers des jeunes (64,1%) sont de sexe masculin, les analyses séparent les adolescents de sexe féminin et masculin. Il devient donc possible de comparer le groupe des jeunes garçons à celui de notre échantillon. Enfin, un peu moins de quarante pourcent des jeunes (37,8%) présentent un TDC, ce qui est plutôt faible.

Enfin, la recherche de Youngstrom, Youngstrom et Starr (2005) est réalisée auprès d’un grand échantillon (N = 3086) de jeunes référés en clinique externe de psychiatrie. Cet échantillon est aussi mixte; près des deux-tiers des jeunes sont de sexe masculin (63,0%). Malheureusement les chercheurs ne tiennent pas compte de cette variable pour analyser leurs données. Outre ce point, ceux qui y sont inclus sont en moyenne plus jeunes que les adolescents de notre échantillon de près de cinq ans (âge moyen 10,5 ans; É.T. 3,4). Malgré ces différences, certains éléments méthodologiques rendent cette recherche intéressante. En fait, il s’agit d’une étude rétrospective de quatre ans qui se base sur les dossiers médicaux des jeunes référés auprès de six cliniques externes. Leurs dossiers incluent notamment les résultats obtenus au CBCL (1991), ce qui diffère des deux recherches précédentes qui se basaient sur des entrevues cliniques structurées. Cette procédure se rapproche donc davantage de notre méthodologie. Cela dit, il ne faut pas perdre de vue que ces jeunes sont moins âgés et relèvent de cliniques externes, ce qui implique généralement des symptômes de moindre gravité et un niveau de fonctionnement supérieur aux jeunes devant être hospitalisés. Ces variables peuvent expliquer le faible taux de TDC (7,2%) et le taux élevé de TDAH (38,9%) notés dans cette recherche.

Comparons maintenant les prévalences des troubles psychiatriques rencontrées dans ces recherches à celles observées chez les délinquants de notre échantillon.

TDC identifié à partir du DSM-IV

Tout d’abord, seulement six adolescents (5,7%) de notre échantillon ont officiellement reçu un diagnostic de maladie affective bipolaire au cours de leur vie. Ce taux est passablement faible considérant le fait que la MAB touche respectivement 2,2% et 22% des jeunes incarcérés des études de Pliszka et coll. (2000) et Teplin et coll. (2000) et que seulement une portion, soit encore ici respectivement 37,8% et 60,0%, des jeunes de ces recherches présentent un TDC. Pour leur part, Kutcher, Marton et Korenblum (1989) ont noté que 27% des adolescents hospitalisés en psychiatrie (n = 90) présentent un TDC et, parmi ceux-ci, 31% répondent aussi aux critères du trouble bipolaire. Leur proportion est très élevée en comparaison à celle de notre échantillon. Notre proportion ressemble davantage à celles rencontrées dans un échantillon représentatif d’adolescents fréquentant l’école secondaire (6,7%) (Lewinsohn, Klein et Seely, 1995) et un autre issu d’une clinique externe de

psychiatrie (5,9%) dont seulement 7,2% des jeunes présentent un TDC (Youngstrom, Youngstrom et Starr, 2005).

Ensuite, dans notre échantillon, quarante-deux adolescents sur cent six (39,6%) souffrent d’un TDAH en association à leur TDC. Dans les recherches de Pliszka et coll. (2000) et Teplin et coll. (2000) réalisées auprès de jeunes incarcérés, le TDAH affiche une prévalence de 16,6% et 18,0%, alors qu’il atteint 38,9% en clinique externe de psychiatrie dans l’étude de Youngstrom, Youngstrom et Starr (2005). Les proportions de TDC ont été mentionnées dans le paragraphe précédent, c’est-à-dire 37,8% et 60,0% pour les jeunes incarcérés (Pliszka et al., 2000, Teplin et al., 2000) et 7,2% pour les jeunes référés en clinique externe de psychiatrie (Youngstrom, Youngstrom et Starr, 2005). Cela dit, une recension d’écrits cliniques sur le TDAH rapporte que la proportion de TDC qui s’y attache se situe entre 30% et 50%, et ce, tant dans les échantillons épidémiologiques que cliniques (Biederman, Newcorn et Sprich, 1991). Ces proportions sont similaires à celles notées dans notre échantillon qui fait toutefois l’évaluation à l’inverse, à savoir 38,9% de TDAH se rattachant à un TDC.

Pour terminer, notons que le TDC se présente seul, sans MAB ou TDAH, chez 54,7% des adolescents (58/106) de notre échantillon

TDC identifié à partir du CBCL

Il semblerait que le TDC avec une MAB-J potentielle serait présent chez près du cinquième (18,9%) des jeunes de notre échantillon (20/106). Cette proportion ressemble à celle de 22% rapportée dans la recherche de Pliszka et coll. (2000) réalisée auprès d’adolescents incarcérés dans un centre de détention juvénile. Nous sommes par ailleurs loin des deux autres recherches considérés indiquant des proportions de MAB de 2,2% chez des jeunes incarcérés (Teplin et al., 2000) et de 5,9% chez des jeunes référés en cliniques externe de psychiatrie (Youngstrom, Youngstrom et Starr, 2005). Toutefois, ces deux dernières recherches sont aussi celles qui affichent les proportions de TDC les plus faibles. Plusieurs recherches notant des proportions de TDC plus élevées indiquant aussi une cooccurrence plus élevées avec la MAB (ex. Biederman et al., 1999; Kovacs et Pollock, 1995; Kutcher, Marton et Korenblum, 1989; Wozniak et al., 1995).

Pour ce qui est du TDC accompagné de symptômes du TDAH, Youngstrom, Youngstrom et Starr (2005) rapportent que 37,8% des jeunes référés en clinique externe de psychiatrie présentent un TDAH en plus d’un TDC, ce qui est similaire à la proportion de délinquants hyperactifs (39,6%) trouvés dans notre échantillon de jeunes aux prises avec TDC. Les proportions de TDAH notées chez les jeunes en centre de détention 16,6% pour Pliszka et coll. (2000) et 18% pour Teplin et coll. (2000) sont inférieures à celles observées dans notre échantillon.

Enfin, quarante-six adolescents (43,4%) de notre échantillon présentent un TDC délinquant, c’est-à-dire sans symptôme similaire à la MAB ou au TDAH.