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Au cours de l’évaluation psychiatrique multiaxiale réalisée auprès d’une population juvénile, les cliniciens tendent à diagnostiquer des traits de la personnalité plutôt qu’un trouble de la personnalité. Ceux-ci sont identifiés à l’Axe 2 de l’évaluation multiaxiale psychiatrique qui réfère à des problématiques chroniques, tel un retard intellectuel ou un trouble de personnalité. Pour cette raison, les recherches ayant investigué la personnalité de délinquants ou d’individus bipolaires ont été réalisées auprès d’une population adulte. Peu de références seront donc faites aux recherches cliniques dans cette partie.

Le DSM-IV divise les dix troubles de la personnalité en trois blocs distincts (A, B, C) : le bloc A est composé des troubles de personnalité paranoïaque, schizoïde et schizotypique; le bloc B inclut les troubles de personnalité antisociale, limite, histrionique et narcissique; le bloc C regroupe les troubles de personnalité évitante, dépendante et obsessive-compulsive.

Chez les délinquants de notre échantillon, 101 sur 106 ont été diagnostiqués avec des traits pathologiques de personnalité. Certains peuvent présenter des traits relatifs à plus d’un trouble de la personnalité, comme par exemple des traits antisociaux et narcissiques. Vu la nature des traits de personnalité du bloc B, ceux-ci sont prédominants chez les jeunes de l’échantillon et leurs résultats sont rapportés dans les tableaux 34 et 35.

TDC identifié à partir du DSM-IV

Chez les délinquants sans pathologie associée, un total de 20% affichent des traits de personnalité du bloc A (paranoïde : 10,0%; schizoïde : 6,7%; schizotypique : 3,3%) et seulement 5% présentent des traits de personnalité du bloc C (évitant : 0,0%; dépendant :

3,3%; obsessif-compulsif : 1,7%). En se référant au tableau 34, on constate qu’aucun délinquant sans pathologie associée ne présente de traits de personnalité évitante, ce qui est significativement inférieur aux délinquants bipolaires (0,0% vs 33,3% : p ≤ 0,01). Dans le groupe des traits de personnalité du bloc B, la moitié des délinquants sans pathologie associée présente des traits narcissiques, ce qui est plus élevé que pour ceux des deux autres groupes sans toutefois être statistiquement significatif; presque tous les délinquants sans pathologie associée présentent des traits antisociaux, ce qui est significativement plus élevé que pour les délinquants hyperactifs (86,7% vs 52,5% : p ≤ 0,001) et les délinquants bipolaires (86,7% vs 50,0% : p ≤ 0,05); et enfin, ils sont proportionnellement moins nombreux que les délinquants hyperactifs à présenter des traits de personnalité limite (28,3% vs 65,0% : p ≤ 0,001) et histrionique (1,7% vs 12,5% : p ≤ 0,05).

Très peu de délinquants hyperactifs présentent des traits de personnalité associés au bloc A (paranoïde : 5,0%; schizoïde : 2,5%; schizotypique : 0%) et au bloc C (évitant : 2,5%; dépendant : 2,5%; obsessif-compulsif : 5,0%). D’ailleurs, le faible nombre de délinquants hyperactifs affichant des traits de personnalité évitante est significativement inférieur à celui des délinquants bipolaires (2,5% vs 33,3% : p ≤ 0,05). Dans le bloc B, les délinquants hyperactifs sont proportionnellement plus nombreux que les délinquants sans pathologie associée à avoir été diagnostiqués avec des traits de personnalité limite (65,0% vs 28,3% : p ≤ 0,001) et histrionique (12,5% vs 1,7% : p ≤ 0,05); la moitié présente des traits antisociaux, ce qui est significativement inférieur aux délinquants sans pathologie associée (52,5% vs 86,7% : p ≤ 0,001); alors que la proportion d’entre eux présentant des traits de personnalité narcissique est similaire aux délinquants des autres groupes.

Chez les délinquants bipolaires, un seul adolescent présente des traits de personnalité schizoïde (bloc A) et dépendante (bloc C). Concernant les autres traits de personnalité du bloc C, les délinquants bipolaires se révèlent proportionnellement plus nombreux que les délinquants sans pathologie associée (33,3% vs 0,0% : p ≤ 0,01) et les délinquants hyperactifs (33,3% vs 2,5% : p ≤ 0,05) à présenter des traits de personnalité évitante. Dans le bloc B, la moitié des adolescents bipolaires présentent des traits antisociaux, ce qui est significativement inférieur aux délinquants sans pathologie associée (50,0% vs 86,7%: p ≤ 0,05). Un délinquant bipolaire affiche des traits de personnalité limite et de personnalité dépendante, tandis que deux ont été diagnostiqués avec des traits narcissiques. Aucun

délinquant bipolaire ne présente des traits de personnalité paranoïaque, schizotypique, histrionique ou obsessive-compulsive.

Tableau 34. Informations sur les traits de personnalité identifiés chez des adolescents selon le type de TDC identifié par le DSM-IV.

TDC seul

(gr. 1) TDC et MAB (gr. 2) TDC et TDAH (gr. 3) Fisher’s Exact Test Traits de personnalité Antisociale 86,7 % 50,0 % 52,5 % 1 > 3; p ≤ 0,001 1 > 2; p ≤ 0,05 Limite 28,3 % 16,7 % 65,0 % 3 > 1; p ≤ 0,001 Histrionique 1,7 % 0,0 % 12,5 % 3 > 1; p ≤ 0,05 Narcissique 50,0 % 33,3 % 37,5 % N.S. Évitante 0,0 % 33,3 % 2,5 % 2 > 1; p ≤ 0,01 2 > 3; p ≤ 0,05

La forte présence de traits de la personnalité évitante chez les délinquants bipolaires en comparaison aux délinquants sans pathologie associée et aux délinquants hyperactifs est une donnée importante. Dans notre recherche, les diagnostics reliés aux troubles anxieux n’ont pas été relevés au cours de la collecte de données, mais ceux-ci sont fréquemment cooccurrents à la MAB-J, tel que reconnu par de nombreuses recherches cliniques et par l’AACAP (2007a). Cela dit, les traits du trouble de la personnalité évitante sont très révélateurs, car ils sont caractérisés par des comportements anxieux, inhibés et craintifs avec l’entourage et l’environnement. Ainsi, sans conclure que les délinquants bipolaires présentent des troubles anxieux, nous pouvons noter qu’ils présentent des traits de nature anxieuse qui se traduisent par la présence de traits de personnalité évitante.

TDC identifié à partir du CBCL

Très peu de différences existent entre les traits de personnalité des jeunes ayant un TDC délinquant et ceux des délinquants sans pathologie associée. Les proportions varient de moins de 2,2% pour tous les traits de trouble de la personnalité étudiée. Ainsi, les traits de personnalité du bloc A (paranoïde : 10,9%; schizotypique : 0%; schizoïde : 8,7%), du bloc B (antisocial : 84,8%; limite : 26,1%; histrionique : 2,2%; narcissique : 47,8%) et du bloc C (évitant, dépendant et obsessif-compulsif : 2,2% dans tous les cas) sont similaires entre jeunes ayant un TDC délinquant (CBCL) et les délinquants sans pathologie associée (DSM-

IV). De fait, comme chez les délinquants sans pathologie associée, la proportion des jeunes avec un TDC délinquant présentant des traits antisociaux est significativement plus élevée que pour les jeunes ayant un TDC avec une MAB-J (84,8% vs 55,0% : p ≤ 0,05) et ceux ayant un TDC avec des symptômes du TDAH (84,8% vs 65,0% : p ≤ 0,05). Aussi, le quart des jeunes ayant un TDC délinquant présente des traits de personnalité limite, ce qui est nettement inférieur aux délinquants hyperactifs (26,1% vs 57,5% : p ≤ 0,01). Contrairement aux groupes de TDC identifiés par le DSM-IV, aucune différence significative n’est rapportée pour ceux identifiés par le CBCL quant aux traits de personnalité évitante et histrionique.

Des différences pouvant atteindre près de trente pourcent sont notées entre les jeunes présentant un TDC avec une MAB-J, et les délinquants bipolaires (DSM-IV) quant à certains traits de personnalité. Dans le bloc A, 10% des jeunes ayant un TDC avec une MAB-J affichent des traits de personnalité paranoïaque et aucun ne présente des traits de personnalité schizoïde, alors que chez les délinquants bipolaires l’inverse se produit : aucun jeune ne présente de traits de personnalité paranoïaque et un seul des traits schizoïdes. Dans le bloc B, les jeunes ayant un TDC avec une MAB-J et les délinquants bipolaires affichent des écarts importants quant aux traits de personnalité limite, histrionique et narcissique. Les traits histrioniques sont davantage rencontrés chez les jeunes ayant un TDC avec une MAB-J (10,0%), tandis que dans les groupes de délinquants identifiés sur la base du DSM- IV, ce sont davantage les délinquants hyperactifs (12,5%) qui présentent ces traits de personnalité et non les délinquants bipolaires.

Par ailleurs, un peu plus de la moitié des jeunes ayant un TDC avec une MAB-J présentent des traits antisociaux, ce qui est significativement inférieur aux jeunes ayant un TDC délinquant (55,0% vs 84,8% : p ≤ 0,05), ce qui était aussi noté entre les délinquants sans pathologie associée et les délinquants bipolaires (DSM-IV). Enfin, dans le bloc C, seulement 5% des jeunes ayant un TDC avec une MAB-J affichent des traits évitants et dépendants, ce qui est nettement inférieur aux délinquants bipolaires (évitant : 33,3%; dépendant : 16,7%).

En regroupant toutes les caractéristiques observées chez les jeunes ayant un TDC avec une MAB-J, remarquons qu’elles correspondent davantage aux délinquants hyperactifs qu’aux délinquants bipolaires (DSM-IV).

Tableau 35. Informations sur les traits de personnalité identifiés chez des adolescents selon le type de TDC identifié par le CBCL.

TDC délinquant

(gr. 1) TDC et MAB-J (gr. 2) TDC et symp. TDAH (gr. 3) Fisher’s Exact Test Traits de personnalité Antisociale 84,8 % 55,0 % 65,0 % 1 > 2 : p ≤ 0,05 1 > 3 : p ≤ 0,05 Limite 26,1 % 45,0 % 57,5 % 3 > 1 : p ≤ 0,01 Histrionique 2,2 % 10,0 % 7,5 % N.S. Narcissique 47,8 % 50,0 % 37,5 % N.S. Évitante 2,2 % 5,0 % 2,5 % N.S.

Enfin, moins de cinq pourcent séparent les proportions de traits de personnalité rencontrés chez les jeunes ayant un TDC avec des symptômes du TDAH et ceux des délinquants hyperactifs (DSM-IV), sauf pour les traits antisociaux et les traits limites. Ainsi, les traits de personnalité du bloc A (paranoïde : 2,5%; schizotypique : 5,0%; schizoïde : 0%) et du bloc C (évitante : 2,5%; dépendante : 5,0%; obsessive-compulsive : 5,0%) affichent des proportions similaires entre ces deux groupes. Dans le bloc B, les jeunes ayant un TDC délinquant sont proportionnellement plus nombreux que les jeunes ayant un TDC avec des symptômes du TDAH à être diagnostiqués avec des traits de personnalité antisociale (65,0% vs 84,8% : p ≤ 0,05) et limite (57,5% vs 26,1% : p ≤ 0,01). Enfin, les traits histrioniques, narcissiques et évitants ne varient jamais plus de cinq pourcent entre les délinquants hyperactifs et les jeunes ayant un TDC avec des symptômes du TDAH.