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La présence des communautés religieuses sur Internet

propagation des sectes dans une société numérisée

A) La présence des communautés religieuses sur Internet

Les grandes organisations religieuses n’ont pas mesuré le potentiel d’Internet dans les premières années de son déploiement. À partir d’initiatives individuelles, la plupart des religions ont compris l’importance et l’intérêt d’Internet en termes de communication, et donc l’intérêt d’y être présent et actif462.

1) La facilité de communication des églises avec leurs adeptes

Le W‐B a vu la création de sites spécialisés dans les religions chrétienne463, catholique464,

musulmane465 ou juive466, mais aussi bouddhique467 voir sectaires468. À travers tous ces sites

communautaires, l’internaute peut retrouver des informations lui facilitant la pratique de son culte, même peu répandu en ‑rance. Une communauté peut exister et se créer, même si ses membres sont disséminés sur l’ensemble du territoire sans point de concentration notable. Des actualités religieuses, des événements tels les dates de début et de fin du ramadan, des cours de langues, hébreu ou arabe littéraire, des cours d’instruction religieuse tels l’étude de la Torah, mais aussi des mises en garde contre l’antisémitisme ou des informations communautaires seront ainsi proposés.

Toutes ces facilités, liées aux techniques du numérique, ne pourraient pas se développer avec les techniques traditionnelles. ‐n ‑rance, avant Internet, seules des émissions spécifiques existaient sur une chaîne de télévision à un horaire particulier, le dimanche matin, quelle que soit la religion concernée. Ces émissions continuent aujourd’hui et, par exemple, l’émission « Le jour du Seigneur » sur la seconde chaîne nationale propose chaque dimanche, ou à Noël, la retransmission en direct d’une célébration de la messe. Cette retransmission est particulièrement suivie par les malades ou les personnes qui ne peuvent plus se déplacer ou qui ne disposent plus près de leur domicile de lieu de culte ouvert. Pour les autres religions, seuls des causeries ou des entretiens sont diffusés, avec cependant, parfois, des offices relatifs à des événements importants pour la communauté religieuse.

462 Jean-‑rançois Mayer, « Internet et religion », Religioscope, 2008. 463http://topchretien.jesus.net/ consulté le 12 mai 2012.

464http://www.eglise.catholique.fr/accueil.html consulté le 12 mai 2012. 465http://uoif-online.com/ consulté le 4 février 2015.

466http://www.col.fr/ consulté le 12 mai 2012.

467http://www.bouddhiste.org/ consulté le 12 mai 2012. 468http://www.scientologie.fr/ consulté le 5 mai 2012.

D’autres religions, moins implantées sur le territoire français, utilisent ces moyens pour communiquer avec leurs fidèles. Le bouddhisme, peu développé en ‑rance, met sur son site des informations définissant les principaux termes utilisés : Nirvana, triple joyau, Karma. Il explicite les différentes formes du bouddhisme : le bouddhisme theravada, le bouddhisme mahayana ou « grand véhicule » et le bouddhisme hinayana ou « petit véhicule ». Il permet une première prise de connaissance du bouddhisme sans avoir, dans son entourage proche, un adepte ou un initié.

Les églises savent utiliser les nouvelles techniques pour rester en relation avec leurs adeptes ou permettre à d’autres de s’informer tant sur le dogme que sur les événements. ‐lles forment les clercs aux nouvelles techniques de communication469. Mais ces techniques sont aussi utilisées

par les sectes ou les mouvements salafistes pour recruter de nouveaux adeptes470.

2) Le prosélytisme des sectes et de la mouvance salafiste favorisé par les techniques numériques

Avant l’apparition des moyens numériques, les sectes se propageaient et recrutaient de nouveaux adeptes par le démarchage à domicile et les contacts personnels. Avec Internet, les sectes disposent de leurs propres sites, sites diffusant leurs informations à partir de pays étrangers pour contourner les limitations légales pouvant exister dans certains pays.

Dans son rapport 2013-2014471, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les

dérives sectaires analyse l’apport d’Internet pour la mouvance sectaire. Internet favorise l’emprise mentale en retardant la prise de conscience de cette emprise par l’entourage. ‐n effet dès que des proches perçoivent une radicalisation de la pensée, ils la désapprouvent et tentent de la combattre. ‐n s’isolant sur Internet, l’individu qui se radicalise soit en adhérant aux idées d’un mouvement sectaire, soit à une mouvance terroriste, ne laissera pas percevoir cette radicalisation à son entourage, sachant par ailleurs, que le groupe sectaire ou terroriste lui demande de rompre ou d’affaiblir les liens avec son monde social. Internet facilite l’adhésion à

469 Conseil pontifical pour les communications sociales, L’église et Internet, en ligne à

http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/pccs/documents/rc_pc_pccs_doc_20020228_church- Internet_fr.html, consulté le 22 février 2017.

470 Gérald Bronner, « II. Pourquoi Internet s’allie-t-il avec les idées douteuses ? », dans La démocratie des crédules.

Paris, Presses Universitaires de ‑rance, « Hors collection », 2013, pp. 55-128. URL : https://www.cairn.info/la- democratie-des-credules--9782130607298-page-55.htm consulté le 15 décembre 2017.

471 Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, « Le risque sectaire et Internet »,

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un mouvement dès que l’individu est déjà en recherche. Généralement en cherchant sur Internet des réponses à un questionnement personnel, psychique ou médical, l’individu en recherche va progressivement entrer dans la mouvance sectaire472. La scientologie a créé de nombreux sites

pseudo-médicaux qui redirigent vers d’autres sites plus radicaux. Il facilite également l’auto- endoctrinement et la radicalisation de l’individu en le rendant solitaire et isolé473. Les témoins

de Jéhovah, la scientologie ou la mouvance salafiste utilisent les possibilités de l’Internet pour recruter ou convertir de nouveaux adeptes.

Le choix des religions, d’y adhérer ou d’y renoncer est garanti par la Constitution et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi que par des textes internationaux474. La

‑rance n’a pas limité cette liberté, seules certaines pratiques sont interdites, par exemple, l’enterrement est obligatoirement réalisé avec un cercueil en ‑rance475, le cadavre enseveli dans

la terre directement avec son seul linceul est interdit pour des raisons d’hygiène publique. La possibilité de création de sites sectaires est difficilement contrôlable et l’existence d’un site ne peut être remise en cause que dans les cas prévus par la législation : atteinte à la dignité humaine, incitation à la haine raciale, etc., ce qui contribue à la prolifération des sectes sur Internet. Le contrôle des sectes est d’autant plus délicat que certaines sectes sont considérées comme des églises dans d’autres pays. Les États-Unis d’Amérique protègent les sectes au nom de la liberté de culte et d’expression476, et à partir du territoire nord-américain477, ces « églises »

peuvent recruter des adeptes dans les pays où elles sont considérées comme des sectes478.

L’église de scientologie dispose d’un portail dédié à la ‑rance, mais le site l’abritant est géré

472 Jean-Claude Maes, Emprise et manipulation. Peut-on guérir des sectes ?De Boeck Supérieur, « Carrefour des

psychothérapies », 2010, 286 pages. URL : https://www.cairn.info/emprise-et-manipulation--9782804101503.htm

consulté le 4 avril 2018.

473 Jean-Claude Maes, « Le lien sectaire : des relations fondées sur la rupture. Critique de "l'expérience sectaire :

rupture ou réparation" », Thérapie Familiale, 2006/2 (Vol. 27), pp. 133-159. URL : https://www.cairn.info/revue- therapie-familiale-2006-2-page-133.htm consulté le 4 avril 2018.

474 Article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ; article 9 de la Convention européenne

des droits de l’homme de 1950 ; article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000.

475 Code général des collectivités territoriales, articles R. 2213-25 à 27. 476 1er amendement, (voir supra).

477 Bruneau ‑ouchereau, « AU NOM D‐ LA LIB‐RT‐ R‐LIGI‐US‐ Les sectes, cheval de Troie des États-Unis

en ‐urope », mai 2001, Le Monde diplomatique, disponible en ligne à http://www.prevensectes.com/lobbies5.htm

consulté le 15 décembre 2017.

478 Nathalie Luca, « Quelles politiques face aux sectes ? La singularité française », Critique internationale, 2002/4

(no 17), pp. 105-125. URL : https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2002-4-page-105.htm consulté le

depuis les États-Unis d’Amérique479 et se trouve donc protégé par le premier amendement et la

jurisprudence Yahoo!480.

Sur son site, il incite les internautes à contacter un scientologue et à rejoindre l’église de scientologie pour défendre les droits de l’homme et lutter contre certaines dérives de la société. Ce site est l’un des rares sites consultés qui est sonorisé dès son accession. Le prosélytisme y est présent et palpable. Son objectif est de recruter de nouveaux adeptes, à travers un discours complexe et pseudo-scientifique : « L’accomplissement extraordinaire de la Dianétique et de

la Scientologie a été de mettre au point des méthodes précises et exactes destinées à améliorer la conscience spirituelle de l’Homme et ses aptitudes».

Sur Internet, la Scientologie publie un site concernant la liberté de religion « Défendre la liberté de religion, pour la Scientologie et toutes les religions »481 où sont repris les principaux

arguments des défenseurs des droits de l’homme orientés vers la défense de la scientologie et tendant à contrer les arguments la présentant comme une secte.

D’autres églises utilisent des moyens détournés pour se faire connaître. Les mormons ou l’« Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours » met à disposition un site de recherche généalogique utilisé par tous les adeptes de généalogie pour retrouver des informations à partir des photos numérisées des archives d’état civil collectées dans de nombreux pays482. L’accès à

ce site a été fermé pour la ‑rance durant les négociations avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés483. Suite au premier accord de 1960, signé avant la loi

informatique et libertés, un nouvel accord a été signé entre la CNIL et ‑amily Search International pour numériser, transférer vers les États-Unis d’Amérique et mettre en ligne les archives d’état civil français484, archives également partiellement proposées par les

départements dans le cadre de la loi CADA485 puis, depuis 2015, du Code des relations entre le

479 Les mentions légales du site précisent “This website is owned and operated by The Church of Scientology

International.” Domiciliée à Los Angeles en Californie (consulté le 5 mai 2012)

480 Cf. supra.

481 At http://www.libertedereligion.org/.

482https://familysearch.org/ consulté le 5 juin 2012. 483 Constaté par l’auteur lors de recherches généalogiques.

484 Commission nationale de l’informatique et des libertés, Délibération n° 2015-125 du 7 avril 2015 autorisant la

société FamilySearch International à mettre en œuvre plusieurs traitements automatisés de données à caractère personnel ayant pour finalités la numérisation et le transfert vers les États-Unis d’Amérique de copies d’archives publiques ainsi que la diffusion et l’indexation de l’image de ces documents sur son site Internet à visée généalogique et dans ses centres de consultation (Demande d’autorisation n° 1625100).

485 Loi no 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration

et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal publiée au JOR‑ du 18 juillet 1978

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public et l’administration486. Les actes de l’état civil sont accessibles en ligne s’ils ont plus de

cent ans, environ, mais les dispenses catholiques de consanguinité ne sont accessibles en ligne que par l’intermédiaire du site de ‑amily Search.

La mouvance salafiste utilise aussi les moyens du réseau Internet et les réseaux sociaux pour soit convertir à l’Islam de nouveaux adeptes, soit ramener dans l’Islam fondamental les brebis égarées, c’est-à-dire des musulmans trop occidentalisés487. Dans cette mouvance, des sites

djihadistes existent et peuvent sous couvert de religion amener les nouveaux adeptes à des actes de terrorisme.

Au niveau européen, la notion de secte n’est pas harmonisée, l’‐spagne reconnaît l’Église de scientologie comme une église488, donc une religion légale, alors que la ‑rance la classe dans

les mouvements sectaires. La Belgique s’est dotée d’une législation proche de celle existant en ‑rance489.

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