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Sous-section 2 La protection spécifique de la liberté de création

A) De la loi DADVSI aux lois HADOP

Lors de l’ouverture des débats sur le projet de loi DADVSI, des représentants de la ‑NAC et de VIRGIN709, disposant de badges du ministère de la Culture, ont proposé aux députés des

abonnements pour télécharger de la musique, après un rappel au règlement, ils ont été invités à quitter l’hémicycle710. Cet incident montre le lobbying exercé par les distributeurs afin de

valider les dispositions prévues dans le projet de loi. Le projet prévoyait une licence globale711

dès son article 1er. La licence globale permettait aux internautes d’accéder à des contenus

protégés et de les échanger à des fins non commerciales en contrepartie d’une redevance reversée aux artistes. Cet article a été retiré par le gouvernement sous la pression des industriels du secteur culturel.

La loi DADVSI modifie le code de la propriété intellectuelle pour y introduire les modifications nécessaires pour la transposition de la directive 2001/29/C‐. Un article 24 prévoyait une dépénalisation de la reproduction non autorisée à des fins personnelles d’une œuvre mise à disposition par des logiciels d’échange de pair à pair, article déclaré non conforma à la Constitution par le Conseil constitutionnel712 pour rupture d’égalité, l’échange par un autre

moyen restant un délit.

Un rapport fut demandé par le gouvernement à Denis Olivennes, Président-Directeur Général de la ‑NAC, enseigne diffusant des œuvres littéraires et artistiques. Le rapport remis au ministre de la Culture et de la Communication713 porte sur des mesures pour désinciter au piratage

numérique et inciter au développement de l’offre légale d’œuvres sur Internet. Le rapport préconise des « réponses proportionnées, pragmatiques, respectueuses des libertés

707 Considérant no 9 de la directive 2001/29/C‐.

708 Loi no 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information

publiée au Journal officiel de la République française no178 du 3 août 2006 p. 11529. 709 Ces deux sociétés proposaient des accès à des sites de téléchargement légal.

710 Relaté dans Thierry Stoehr, « Dossier DADVSI », 21 décembre 2005, Pour les formats ouverts, URL :

https://formats-ouverts.org/post/2005/12/21/656-dossier-dadvsi consulté le 20 décembre 2017.

711 Concept inventé et proposé par l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes ou ADAMI et la

Société de Perception et de Distribution Des Droits des Artistes-interprètes ou SP‐DIDAM.

712 Conseil constitutionnel, décision no 2006-540 DC du 27 juillet 2006 Loi relative au droit d’auteur et aux droits

voisins dans la société de l’information paru au Journal officiel du 3 août 2006, p. 11541.

713 Denis Olivennes, Le développemnt et la protection des œuvres culturelles sur les nouveaux réseaux, Ministère

individuelles et compatibles avec la rapidité d’évolution des technologies». Il propose de

mettre en place une autorité publique qui aurait l’autorité d’avertir le titulaire de l’abonnement à Internet du piratage constaté et décider d’une sanction administrative en cas de récidive de ce piratage : amende et suspension ou résiliation de l’abonnement Internet.

Le 23 mai 2007, le Conseil d’État714 annule quatre décisions de la Commission nationale de

l’informatique et des libertés refusant à des ayants droit de collecter des adresses IP permettant de constater des téléchargements illégaux sur le réseau. ‐n mai 2008, la Commission de l’informatique et des libertés est consultée par le gouvernement sur le projet de loi HADOPI, le rapport de la CNIL est gardé secret par le gouvernement. Ce rapport défavorable sera divulgué par la presse715, les principaux griefs dont il fait état concernent : le motif purement

économique du projet de loi, le fait que la coupure de l’Internet provoquera aussi la coupure du téléphone et de la télévision, l’HADOPI pourra accéder à des données personnelles sans l’intervention d’un juge, la limite entre vie privée et surveillance de l’Internet est mal définie. Après plusieurs navettes entre l’Assemblée nationale et le Sénat, la loi HADOPI sera votée le 13 mai 2009. Le Conseil constitutionnel716 saisi par les parlementaires déclarera que la libre

communication des pensées et des opinions implique la liberté d’accéder aux services de communication en ligne, en conséquence la restriction d’accès à ces services ne peut être confiée à une autorité administrative. La collecte et le traitement des données devront faire l’objet d’une autorisation de la Commission de l’informatique et des libertés. La loi, amputée des articles déclarés non conformes à la Constitution sera promulguée le 12 juin 2009717.

Le 24 juin 2009, un projet de loi complémentaire est présenté en conseil des ministres. Le texte de la loi HADOPI 2 sera voté en septembre 2009718 et déclaré conforme à la Constitution par

le Conseil constitutionnel719.

714 Conseil d’État, 10e et 9e sous-sections réunies, décision no288149 du 23/05/2007.

715 Délibération n°2008-101 du 29 avril 2008 portant avis sur le projet de loi relatif à la Haute Autorité pour la

diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, disponible sur le site de la Quadrature du Net, URL : https://wiki.laquadrature.net/HADOPI_avis_CNIL consulté le 20 décembre 2017.

716 Conseil constitutionnel, Décision no 2009-580 DC du 10 juin 2009 Loi favorisant la diffusion et la protection

de la création sur internet.

717 Loi no 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet publiée au

Journal officiel de la république française no0135 du 13 juin 2009 p. 9666.

718 Loi no 2009-1 311 du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur

Internet publiée au Journal officiel de la République française no0251 du 29 octobre 2009 p. 18290.

719 Conseil constitutionnel, Décision no 2009-590 DC du 22 octobre 2009, Loi relative à la protection pénale de

Titre 1 La société numérique, un cadre hétérogène de protection des libertés

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La Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et de la Protection des droits sur Internet (HADOPI) est créée par décret le 31 décembre 2009720. Dans son premier rapport d’activité

couvrant la période du 1er janvier au 30 juin 2011, la HADOPI y décrit les trois étapes de la

« réponse graduée » : ‐nvoi de la première recommandation avec saisine de la commission de protection des droits par les ayants droit, demande d’identification du titulaire de l’adresse IP aux fournisseurs d’accès à Internet (‑AI), et envoi de la recommandation par voie électronique et par l’intermédiaire du ‑AI ; envoi de la deuxième recommandation et enfin Transmission du dossier au parquet. ‐lle y recense 1 023 079 demandes d’identification adressées aux fournisseurs d’accès, 470 935 premières recommandations envoyées aux abonnés et 35 003 échanges avec les abonnés concernés pour un cumul de 18 429 234 constatations des ayants droit. Dans le rapport d’activité 2012-2013, la HADOPI recense 759 387 premières recommandations envoyées à des abonnés Internet, 83 299 deuxièmes recommandations et 361 délibérations de la commission de protection des droits. Dans son rapport 2015-2016, la HADOPI constate un déplacement des usages du pair-à-pair vers le streaming721, déplacement

dû à l’évolution des techniques et de l’apparition du très haut débit722. La copie d’un flux, en

anglais streaming ripping, échappe actuellement aux sanctions légales qui tendent à faire disparaître la copie illicite pair-à-pair.

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