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Partie I : Introduction - La myopathie centronucléaire liée au chromosome X (XLCNM)

B. La myopathie centronucléaire liée au chromosome X (XLCNM)

1. Le gène impliqué

La Myopathie Centronucléaire liée au Chromosome X (XLCNM, X-linked

centronuclear myopathy) ou Myopathie congénitale myobulaire (XLMTM, X-linked myotubular myopathy) a été décrite pour la première fois en 1966 par Spiro et collaborateurs

sous le nom de myopathie myotubulaire (Spiro et al., 1966). En 1967, cette maladie sera aussi décrite sous le nom de myopathie centronucléaire (Sher et al., 1967). Elle est causée par des mutations dans le gène MTM1 codant pour une phosphatase à phosphoinositides (Online Mendelian Inheritance in Man OMIM ID #310400). Le gène responsable de la pathologie a été localisé sur le chromosome Xq28 (Thomas et al., 1990) et identifié pour la première fois par Jocelyn Laporte et col. en 1996 (Laporte et al., 1996) MTM1 s’étend sur 104 570 paires de bases et compte 15 exons (Laporte et al., 1997). MTM1 est exprimé de manière ubiquitaire. Ainsi un transcrit de 3.9 kb a pu être détecté dans le cœur, le cerveau, le placenta, le poumon, le foie, le muscle squelettique, les reins, le pancréas, la rate, le thymus, la prostate, les testicules, les ovaires, les intestins, le colon et le sang (Laporte et al., 1998; Laporte et al., 1996). De manière intéressante, seul le muscle squelettique et les testicules présentent un second transcrit de 2.4 kb. Toutefois, cette différence de 1.5kb ne s’explique que par l'utilisation d'un signal de polyadénylation différent et résultant en un second transcrit plus court. Aucun exon spécifique du muscle n’a pu être mis en évidence (Laporte et al., 1996).

A ce jour, plusieurs centaines de mutations ont été identifiées dans le gène MTM1 conduisant à des formes plus ou moins sévères de XLCNM (Biancalana et al., 2003; Buj-Bello et al., 1999; de Gouyon et al., 1997; Fidani et al., 2011; Hedberg et al., 2011; Herman et al., 2002; Laporte et al., 1997; Tsai et al., 2005; Zanoteli et al., 2005). La majorité des mutations sont non-sens ou induisent un décalage du cadre de lecture et aboutissent à l’absence de MTM1 ou à la production d’une protéine tronquée non fonctionnelle. Des mutations ponctuelles faux-sens ont également été rapportées chez des patients présentant des signes de XLCNM (Tableau Annexe 1). Selon la nature de la mutation faux-sens, plusieurs degrés de sévérité de la maladie ont pu être observés. De plus, si l’on se rapporte aux modifications prédites au niveau de la protéine, on constate que la XLCNM est causée par des mutations faux-sens dans plusieurs domaines tout le long de la protéine. Sans parler de points chauds (« hotspots ») de mutations, il y a pourtant une prédominance de mutations dans les

domaines RID (Rac1-Induced localization to membrane ruffles Domain) et PTP/DSP (Protein Tyrosine Phosphatases and Dual Specificity Phosphatases) (Laporte et al., 2003) (Figure 5). De plus, de nombreuses mutations responsables de XLCNM touchent des résidus extrêmement conservés au cours de l’évolution, suggérant que ces résidus seraient importants dans la fonction cellulaire de MTM1.

Bien que les mutations de MTM1 soient récessives, elles conduisent à des myopathies quasi-exclusivement chez les nouveau-nés de sexe masculin pour des raisons évidentes dues au mode de transmission lié au chromosome sexuel X (Figure 6). Ainsi, dans presque 90% des cas, des analyses génétiques ont montré que la mère, très souvent asymptomatique, transmettait la mutation (Herman et al., 2002). Le fait que les garçons affectés ne survivent en général rarement plus d’un an réduit la possibilité d’une transmission par le père.

Figure 5 : Mutations faux-sens détectées dans MTM1 humain. Chaque barre située sous la représentation de la

protéine MTM1 correspond à une mutation faux-sens répertoriée sur http://www.uniprot.org/uniprot/Q13496. Les acides aminés en position 49, 69, 180, 375 et 421 (représentées sur la protéine) font l'objet d'une attention particulière dans cette étude.

Partie I : Introduction - La myopathie centronucléaire liée au chromosome X (XLCNM)

2. Les manifestations cliniques

La première caractérisation de la myopathie centronucléaire liée au chromosome X date de 1966 et l’étude clinique d’un adolescent présentant une faiblesse musculaire généralisée dès la naissance, une ophtalmoplégie et des signes de ptoses (Spiro et al., 1966). Ce garçon de 12 ans présentait des difficultés à marcher et à se relever à partir d’une position accroupie. Les biopsies musculaires ont montré des signes caractéristiques de muscles immatures. C’est pourquoi la pathologie a été nommée « myopathie myotubulaire » en raison de la similarité entre les muscles de l’adolescent et les myotubes, des syncytiums formés par la fusion de plusieurs myoblastes. Les myotubes constituant un stade de différenciation des myoblastes vers les fibres musculaires matures, il a alors été proposé que la maladie était le résultat d’un défaut dans la maturation des fibres musculaires. Cette proposition a été renforcée par la détection dans le muscle de patients atteints de XLCNM de protéines (la vimentine et la forme embryonaire de la chaîne lourde de la myosine) qui ne sont normalement exprimées que dans les myotubes fœtaux (Sarnat, 1990; Sawchak et al., 1991).

Figure 6 : Mode de transmission lié au chromosome X du gène MTM1 muté. Deux cas de figures : A) cas d'une famille où le père est porteur de la mutation (dans le cas de forme légère de XLMTM), B)

cas le plus fréquent de transmission par la mère porteuse asymptomatique. Figure adaptée de U.S.

National Library of Medicine.

Néanmoins l'étude de souris Mtm1 KO tend à montrer qu’il s’agit en réalité d’un défaut de maintien des fibres musculaires dans un état mature. En effet, les souriceaux Mtm1 KO ne commencent à développer des signes de XLCNM qu’à partir de la 4ième semaine suivant la naissance et meurent prématurément entre 6 et 14 semaines en manifestant des signes

généralisés et progressifs de XLCNM (Buj-Bello et al., 2002). Cette nouvelle hypothèse est

également validée chez les patients atteints de XLCNM car la présence de marqueurs immature n’est pas une constante dans les cas de XLCNM (Soussi-Yanicostas et al., 1991).

La XLCNM se caractérise par une hypotonie musculaire généralisée et une faiblesse respiratoire. Dans ses formes les plus sévères, la XLCNM conduit à une mort néonatale due à une insuffisance respiratoire. Durant la grossesse, la mère présente souvent des signes d’hydramnios accompagnés de mouvements faibles ou très rares du fœtus conduisant à des fausses-couches ou une mortinatalité.

3. Les caractéristiques histologiques

Les fibres musculaires résultent d’un processus de fusion de plusieurs myoblastes. Les fibres musculaires sont donc des cellules plurinucléées. Dans un muscle sain, les noyaux cellulaires sont localisés en périphérie de la fibre, adjacent à la membrane plasmique. L’analyse de biopsies de muscles de patients atteints de XLCNM a montré la présence de noyaux centraux, d’où la dénomination de myopathie « centronucléaire ». Le noyau central est en général entouré d’un halo dépourvu d’éléments contractiles mais contenant des agrégats de mitochondries et des granules de glycogène (Sarnat et al., 1981). L’analyse microscopique de biopsie en coloration H&E (Hématoxyline & Eosine) permet de visualiser ce trait caractéristique des myopathies centronucléaires (Jungbluth et al., 2008). Une coloration de la succinate déshydrogénase (SDH) par le NBT (Nitro Bleu Tetrazolium) montre également des motifs caractéristiques de XLCNM. Ce colorant marque les fibres musculaires de type I (à contraction lente, à forte activité oxydative) en bleu marine. Les fibres musculaires à faible capacité oxydative seront colorées en bleu clair (Figure 7).

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Une autre particularité de XLCNM consiste en la formation d’un anneau basophile entourant la fibre musculaire et situé sous le sarcolemme. L’analyse ultra-structurale a montré que les anneaux étaient constitués de myofibrilles de petit diamètre orientés de manière oblique et entourés de mitochondries, de réticulum sarcoplasmique et de granules de glycogène (Bevilacqua et al., 2009).

A B

Figure 7 : Coloration de fibres musculaires de souris. A) Fibres musculaires de souris sauvages, B) Fibres

musculaires de souris mtm1-KO. Coloration Hématoxilline/Eosine (H&E, panneaux supérieurs) et Succinate