• Aucun résultat trouvé

Partie I : Introduction - Une dénomination vaste

A. Une dénomination vaste

La caractérisation d’une pathologie passe toujours en premier lieu par l’examen clinique complet du patient. Quels sont les tissus ou organes touchés ? Présente-t-il les particularités morphologiques typiques d’une maladie ? Ses capacités intellectuelles ou physiques sont-elles altérées ? Le profil des symptômes permet en général d’orienter le diagnostic et de déterminer la maladie. Si dans de rares cas le diagnostic est évident, la caractérisation d’une maladie musculaire ou neuromusculaire est souvent plus compliquée qu’il n’y paraît. Ceci pour plusieurs raisons :

- une faiblesse musculaire peut avoir de multiples origines : fatigue (manque de sommeil, état grippal), musculo-squelettique (traumatisme, arthrose),

infectieuse (maladie de Lyme), génétique (mutations)

- une faiblesse musculaire n’est que la manifestation finale d’un défaut pouvant provenir de mécanismes bien plus en amont. Par exemple, une innervation incorrecte du muscle entraînera une faiblesse musculaire même si le muscle en question conserve (en théorie) tout son potentiel contractile. Il faut par conséquent déterminer si c’est le muscle (myopathie) ou le système nerveux en relation avec les muscles (neuro-myopathie) qui est affecté.

- le « catalogue » des maladies musculaires identifiées est très étoffé mais loin d’être complet (Figure 3). De plus, la distinction entre certaines formes de maladies musculaires est parfois très subtile. De ce fait, il est très souvent nécessaire de procéder à des analyses génétique complémentaires afin d’identifier avec précision le gène impliqué.

Au cours des deux dernières décennies, nos connaissances dans le domaine des maladies neuro-musculaires ont gagné du terrain, notamment grâce aux outils d’analyse génétique tels que le développement des techniques de PCR et des méthodes de séquençage mais également par la communication entre spécialistes et cliniciens du monde entier. Ainsi,

un grand nombre de maladies neuro-musculaires de zones géographiques telles que les Amériques, le Moyen-Orient, l’Asie ou l’Afrique sont venues compléter l’inventaire des maladies neuro-musculaires connues en Europe.

Ce dernier point est très important à mon sens puisqu’il permet de mieux cerner la nature de certains gènes en les associant à des pathologies et de dresser un tableau des mécanismes garantissant l’intégrité de l’organisme. Malheureusement, le nombre de gènes et de mutations impliqués étant énorme, je vous présenterai sommairement les grands groupes de maladies neuro-musculaires avant de mes focaliser sur la myopathie centronucléaire liée

au chromosome X (XLCNM) et le syndrome de Charcot-Marie-Tooth type 4B (CMT4B).

1. Les myopathies

Les myopathies représentent un sous-groupe des maladies neuro-musculaires et regroupent un ensemble de pathologies affectant le muscle. Ces pathologies sont essentiellement d'origine génétique et comprennent :

- les dystrophies musculaires (altération primaire et destruction progressive des fibres musculaires)

- les myopathies congénitales (anomalie de la mise en place et/ou de la maturation des fibres au cours du développement du fœtus)

- les myopathies métaboliques secondaires (dysfonctionnement de la voie de dégradation des sucres, du métabolisme des graisses ou de la chaîne respiratoire mitochondriale).

Prises une à une, la plupart de ces maladies sont considérées comme des maladies rares, avec une prévalence comprises entre 1/2 000 et 1/100 000 (même si les fréquences peuvent varier selon le pays). Toutefois, prises dans leur ensemble, les myopathies sont beaucoup plus répandues et constituent sans doute l’une des principales maladies génétiques en France. La myopathie de Duchenne, certainement la plus connue du grand public, est causée par des mutations récessives dans le gène DMD codant pour la dystrophine, localisé sur le chromosome sexuel X. De plus, plusieurs dizaines de myopathies ont été identifiées et les mutations décrites touchent un grand nombre de gènes, avec parfois plusieurs centaines de mutations différentes par gène. La grande hétérogénéité des gènes impliqués rend souvent l’identification de la mutation délicate.

Partie I : Introduction - Une dénomination vaste

2. Les syndromes de Charcot-Marie-Tooth

Le syndrome de Charcot-Marie-Tooth (CMT) a été nommé d'après les trois médecins qui ont décrit cette maladie en 1886 (Charcot and Marie, 1886; Tooth, 1886). Il regroupe un ensemble de pathologies neurologiques affectant le système nerveux périphérique et dont la prévalence est d’environ 1/2 500 (Saporta et al., 2011). Ces maladies sont également nommées neuropathies sensitivo-motrices héréditaires (HMSN pour « hereditary motor and sensory neuropathy »). Elles sont responsables de faiblesses musculaires, de pertes de sensation, d’atrophie musculaire et sont pour la plupart progressives. Ces maladies touchent aussi bien les neurones moteurs ou sensoriels que les cellules de Schwann. A ce jour, une trentaine de gènes a été identifiée comme étant responsable de ce syndrome (http://www.molgen.ua.ac.be/CMTMutations/Home/IPN.cfm) (Figure 4). Il existe 5 sous-groupes de CMT (CMT1-2,4, AR-CMT2 et CMTX) basés sur les caractéristiques cliniques (cellules touchées), la localisation de l’allèle dans le génome (autosomal, gonosomal) et le mode de transmission (dominant, récessif). Chaque sous-groupe comporte également des subdivisions selon le gène impliqué (ex. CMT4B).

- CMT1 : regroupe les CMT pour lesquels la gaine de myéline est affectée : démyélinisation ou repliements anormaux autour des axones. Les CMT1 sont le plus souvent autosomaux dominants. Il s’agit également du syndrome CMT le plus fréquent dans la population.

o subdivisions : CMT1A, CMT1B, CMT1C, CMT1D, CMT1E, CMT1F

- CMT2 : regroupe les CMT portant atteinte à l’intégrité des axones, réduisant parfois la vitesse de conduction de l’influx nerveux. Ce sous-groupe ne présente pas (ou peu) d’altération de la gaine de myéline. Il est autosomal

dominant.

o subdivisions : CMT2A, CMT2B1, CMT2B1, CMT2C, CMT2D, CMT2E, CMT2F, …

- AR-CMT2 : ce sous-groupe est autosomal récessif et affecte peu de patients en comparaison aux CMT1 et CMT2. Il s’agit généralement d’une atteinte au niveau des axones.

- CMT4 : les CMT4 sont associés à des démyélinisations, des repliements

anormaux de la gaine de myéline ou des atteintes axonales. Les CMT4 sont le

plus souvent à transmission autosomale récessive.

o subdivisions : CMT4A, CMT4B1, CMT4B2, CMT4C, CMT4D, CMT4E, CMT4F, …

- CMTX : sous-groupe des CMT dont la transmission est liée au chromosome

X (dominant ou récessif) et par conséquent touchant principalement les

individus masculins. Les CMTX sont caractérisés par une diminution de la

vitesse de conduction et un déficit intellectuel. Cette forme peut être axonale

ou démyélinisante.

o subdivisions : CMTX1, CMTX2, CMTX3, CMTX4, CMTX5

Même si cette classification est encore sujette à débat, il est important de souligner le fait que les CMT regroupent des pathologies relativement hétérogènes mais toutes responsables de troubles neuro-musculaires. Parmi toutes ces pathologies, la myopathie

centronucléaire liée au chromosome X (XLCNM) ainsi que le syndrome de

Charcot-Figure 4 : Gènes impliqués dans différentes neuropathies périphériques héréditaires.

Partie I : Introduction - Une dénomination vaste

Marie-Tooth type 4B1 (CMT4B1) seront discutés avec plus de détails en raison des

mutations génétiques à l’origine du développement de ces deux pathologies musculaires distinctes.

3. Les gènes impliqués dans des maladies musculaires

Comme exposé précédemment, de nombreux gènes ont été identifiés comme étant responsables de différents types de maladies musculaires ou neuro-musculaires lorsqu’ils sont mutés. Ces gènes peuvent coder pour des protéines de fonctions très différentes :

- rôle dans l’architecture du cytosquelette (ex. dystrophine, actine)

- rôle dans la formation et la scission des vésicules d’endocytose (ex. dynamine 2) - rôle dans l’adhésion cellulaire (ex. contactine 1)

- rôle dans l’assemblage des myofibrilles (ex. myotiline)

- rôle dans la fonction mitochondriale (ex. NADH déshydrogénase)

- rôle dans le métabolisme énergétique (ex. monocarboxylic acid transporter 1) - rôle dans des voies de signalisation (ex. dystrophia myotonica-protein kinase) - rôle dans le métabolisme des lipides membranaires (ex. myotubularin 1)

Au laboratoire, nous nous intéressons au trafic membranaire impliquant une signalisation lipidique par les phosphoinositides. Nous essayons de comprendre les différentes étapes et d’identifier les différents effecteurs impliqués dans 1) l’internalisation de molécules de la membrane plasmique par endocytose, 2) le trafic entre l’appareil de Golgi et la vacuole/lysosome ainsi que 3) le tri des protéines au niveau des endosomes tardifs ou corps multivésiculaires (MVB). Ceci nous a donc tout naturellement conduits à nous pencher sur la

myopathie centronucléaire liée au chromosome X (XLCNM), ainsi qu’au syndrome de Charcot-Marie-Tooth type 4B1 (CMT4B1). En effet, dans ces pathologies humaines

distinctes, deux gènes codant pour des phosphatases à phosphoinositides appartenant à la famille des myotubularines sont mutés. Or la régulation des phosphoinositides joue un rôle primordial dans de nombreux processus cellulaires : la prolifération cellulaire, l’apoptose, l’autophagie, la régulation de voies de signalisation ou le trafic intracellulaire.