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Pour pouvoir migrer dans un environnement à 3D, la cellule modie son inter- action avec la matrice extra-cellulaire. Pour cela, elle a trois possibilités :

(i) changer sa forme ;

(ii) remodeler la matrice grâce aux forces qu'elle peut exercer par l'intermédiaire des adhésions 3D ;

(iii) modier chimiquement la matrice grâce à des protéases.

Le schéma classique de migration présenté sur la gure 1.19 ne s'applique plus à 3D. On peut regrouper les types de migrations à 3D en deux types de stratégies : les migrations amiboïde et mésenchymale.

Figure 3.3  Migrations amiboïde et mésenchymale, d'après Friedl et Brocker (2000)

3.2.1 La migration amiboïde

Ce mode de déplacement a été nommé d'après la migration des amibes, la plus étudiée pour sa migration étant Dictyostelium discoideum. Ce type cellulaire ne possède pas d'intégrine, même si récemment a été découverte une protéine présentant quelques similitudes avec l'intégrine β et intervenant dans la migration (Cornillon et al., 2006). Ce mode de migration, dans les eucaryotes supérieurs, est utilisé par les cellules souches, les lymphocytes ou encore par certaines cellules cancéreuses. Pour se déplacer, ces cellules n'établissent que des contacts de courte durée avec leur substrat, sans faire intervenir les intégrines. Elles ne possèdent pas de bres de stress et n'exercent pas de force sur le substrat les entourant. Cette absence de contact et de bres de stress entraîne un faible étalement, mais aussi des vitesses de migration très élevées pouvant atteindre plusieurs dizaines de µm/min. Pour avancer, ces cellules

3.2. La migration cellulaire à trois dimensions 55 forment des pseudopodes par oscillations dirigées de leur cortex d'actine qui vont s'étendre et rétracter leur uropode (voir gure 3.3, gauche). Ce cortex est contrôlé par Rho et ROCK, qui vont lui donner sa rigidité et lui permettre de se déformer tout en conservant sa structure (Friedl, 2004). Grâce à leur grande déformabilité, les cellules migrant sous le mode amiboïde passent dans les micropores de la matrice extra-cellulaire ou à travers un tapis de cellules et ce, sans avoir recours aux tractions sur les bres de la matrice extra-cellulaire ni à sa dégradation par des protéases. Si le réseau est localement trop dense et que la cellule ne peut pas se déformer assez pour passer à travers ces pores, elle préférera contourner cette zone et passer par une zone moins dense. Le mécanisme est donc bien diérent de celui observé à 2D.

3.2.2 La migration mésenchymateuse

Ce type de migration est semblable à celui sur substrat 2D. La morphologie cellulaire est très branchée, proche de celle des broblastes. Ce mode de déplace- ment est utilisé par les broblastes, les myoblastes, mais aussi par certains types cellulaires (endothéliales par exemple) qui forment des tapis jointifs, à des vitesses bien inférieures à celles de la migration amiboïde (0,1 à 2 µm/min). La jonction intégrines-matrice extra-cellulaire est indispensable dans ce mode de déplacement. Elle permet à la cellule d'exercer des forces sur son environnement via les adhésions 3D et de se propulser le long des bres constituant la matrice extra-cellulaire. Si la matrice entourant les cellules est trop dense, la cellule peut remodeler la matrice extra-cellulaire en la dégradant (voir gure 3.3, droite). Pour cela, elle utilise des métalloprotéases de la matrice (MMP) présentes à sa surface, qui vont se locali- ser sur les sites d'adhésions à la matrice. Ces MMP ne sont pas présentes lorsque les cellules sont sur un substrat 2D, et sont donc caractéristiques de la troisième dimension. Cette modication de l'environnement cellulaire permet à d'autres cel- lules de suivre la nouvelle voie créée, on a donc un guidage par contact (voir 3.3.1). Comme à 2D, les GTPases de la famille de Rho sont impliquées dans la migration 3D. Le rôle de Rac et Cdc42 est semblable à celui observé à deux dimensions, c'est à dire qu'ils favorisent la formation de lamellipodes et l'interaction intégrines-matrice extra-cellulaire.

Ces deux modes de migration ne sont pas exclusifs. En eet, certains types cellulaires peuvent passer de l'un à l'autre en fonction de divers facteurs, que nous allons détailler.

La transition épithéliale-mésenchymale Cette transition se produit lors des cancers mettant en jeu les épithéliums. Tout d'abord, les jonctions cellules-cellules (notamment celles faisant intervenir les cadhérines) sont dissociées. Par contre, les intégrines et les fonctions protéasiques telles que les MMP ne sont pas modiées. Les cellules peuvent donc migrer, de façon individuelle. Ce comportement peut éga- lement être induit par l'emploi de facteurs de croissance, tels que l'hepatocyte growth

factor (HGF, voir du Roure et al. (2005)).

La transition mésenchymale-amiboïde Certaines cellules cancéreuses, telles que certains brosarcomes (Friedl, 2004) ont la capacité de passer d'une migration mésenchymale à une migration amiboïde. Ce processus nécessite de :

 cesser la protéolyse de la matrice ;

 baisser le taux d'expression des intégrines ;

 renforcer la voie de signalisation impliquant Rho et ROCK.

À l'aide de gels 3D, on peut donc étudier la migration cellulaire en jouant sur les paramètres chimiques tels que les enzymes présentes dans le substrat ou en inhi- bant certaines voies de signalisation. Néanmoins, les diérents paramètres physiques (porosité, rigidité) et chimiques interagissent et il est dicile d'étudier leurs actions réciproques, même si certains travaux ont pu être réalisés (Zaman et al., 2006). Aussi, de façon alternative, il est possible dans un premier temps d'utiliser des sub- strats microfabriqués dont on peut maîtriser les propriétés chimiques pour avancer dans la compréhension des changements induits par une matrice 3D par rapport à un substrat 2D.

3.3 Rôle de la topographie dans le comportement