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Composition des gels 3D : propriétés physiques et chimiques

2.3 Les limitations physiologiques du substrat à 2D

3.1.1 Composition des gels 3D : propriétés physiques et chimiques

Figure 3.1  Représentation schématique d'une cellule dans un environnement 3D ainsi que les principaux paramètres intervenant dans le comportement cellulaire, d'après Grith et Swartz (2006)

In vivo, les cellules se trouvent généralement dans un environnement tridimen- sionnel. La matrice extra-cellulaire est un gel, constitué de bres formant des pores de taille variable et dont la composition est très hétérogène, à base de polypeptides et de protéines. Ses propriétés mécaniques proviennent de ses diérents composants : les bres de collagène résistent aux tensions mais aussi au compactage engendré par les cellules, tandis que les protéoglycanes1 permettent de contrôler le taux d'hydra-

tation, et donc la résistance à la compression ainsi que le transport de protéines (voir gure 3.1). Grâce aux propriétés de rétention d'eau des protéoglycanes et leur capacité à piéger les molécules due à leurs nombreuses charges, la composition de la matrice extra-cellulaire varie spatialement : les facteurs de croissance tels que TGF-β évoqués page 39, ainsi que d'autres protéines signalisatrices telles que les chemokines, vont être distribuées en fonction de leur anité avec les protéines de la matrice extra-cellulaire et la répartition spatiale de ces dernières. Il est donc possible d'avoir des gradients de protéines signalisatrices qui vont favoriser diérents phéno- mènes cellulaires tels que l'adhésion ou la migration. Les propriétés mécaniques de la matrice sont elles aussi fonction de sa composition. De plus, la présence d'enzymes, les métalloprotéases de la matrice, permet une dégradation de celle-ci, qui va alors être remodelée.

1. Association d'une protéine et d'un glycosaminoglycane, polymère sulfaté dont la brique élé- mentaire est composé de deux oses. C'est le glycosaminoglycane qui, grâce à ses nombreuses charges, a la propriété de rétention d'eau.

3.1. Anisotropie de la matrice 51 Les propriétés mécaniques et biochimiques de l'environnement cellulaire varient aussi bien spatialement que temporellement. L'étude in vivo de la mécanique cel- lulaire à trois dimensions est en pratique dicilement réalisable actuellement. Pour s'en approcher, on utilise généralement des hydrogels pour reproduire in vitro un environnement 3D :

 Les gels de collagène. Ce sont les premiers gels 3D à avoir été utilisés. Pour obtenir une gamme de gels où la densité varie largement, il est possible de modier la concentration en collagène (de 0,6 à 2,5 mg/ml), mais aussi sur les conditions de fabrication : type de collagène (généralement I ou IV, ce dernier étant le composant le plus abondant de la matrice extra-cellulaire), tempéra- ture, mode de réticulation. Il existe une gamme étroite de concentrations pour laquelle la vitesse de migration cellulaire est optimale : 1,5 à 2 mg/ml (Friedl et Brocker, 2000). Cependant, in vivo la matrice extra-cellulaire contient d'autres éléments, tels que la bronectine ou des protéoglycanes. Il est possible de les ajouter articiellement au collagène, mais alors la polymérisation du gel de- vient plus aléatoire et moins contrôlable.

 Les gels de polypeptides articiels. Ce sont des hydrogels articiels, à base d'oligo-peptides qui s'assemblent spontanément au pH du milieu de culture (Narmoneva et al., 2005). On peut citer RAD16-I2 (dont le nom commercial

est PuraMatrix®) ou RAD16-II3. Comme pour les gels de collagène, la rigidité

(et par corrélation, sa porosité) de la matrice est modiée par un changement de concentration. Comme pour les gels de collagène, la rigidité du gel joue sur le réarrangement intercellulaire et permet, en fonction de sa valeur, une construction tissulaire ou non. Lorsqu'il a lieu et contrairement aux gels de collagène, ce réarrangement (ici sous forme de vaisseaux sanguins, car ce sont des cellules endothéliales microvasculaires qui ont été employées) ne nécessite pas d'apport de facteurs extérieurs tels que des facteurs de croissance.

 Les gels dérivés de la matrice extra-cellulaire. Le gel le plus employé est un gel commercial, le Matrigel®. Il est sécrété par une lignée cellulaire, les Schwannomes. Il contient du collagène IV et de la laminine. Il permet notamment de recréer des gels mimant la membrane basale, socle des cellules endothéliales, et est souvent utilisé pour étudier l'invasivité de cellules (Friedl et Brocker, 2000).

Dans un gel 3D, les cellules peuvent être ajoutées avant réticulation, pour qu'elles y soient réparties de façon homogène, que l'étape d'adhésion initiale soit contournée et que la cellule établisse directement des liaisons  3D  avec son environnement. Il est également possible de les ajouter sur le haut du gel après réticulation, ce qui permet d'étudier l'invasion du gel par les cellules et notamment le passage de 2D à 3D. En fonction de la rigidité de la matrice extra-cellulaire, les cellules présentes à

2. dont la formule en acides aminés est (RARADADA)2 avec R = Arginine, A = Alanine et D

= Acide aspartique

l'intérieur pourront plus ou moins la contracter : dans une matrice rigide, la cellule exercera moins de forces sur le gel l'entourant et donc ne se diérenciera pas de la même façon. Par exemple, Sieminski et al. (2004) ont montré qu'en fonction du type de cellules endothéliales utilisé et pour le même type de matrice (donc à rigidité et porosité égales), les unes formaient des vaisseaux semblables à ceux observés in vivo tandis que les autres non. Par contre, pour une matrice moins rigide, le deuxième type de cellules formait également des vaisseaux. Chaque type de tissu est adapté à une plage de rigidité, une modication de la rigidité environnante pouvant être le signe d'un phénomène tumoral (Paszek et al., 2005).

3.1.2 Adhésions à trois dimensions

À deux dimensions, il a été montré que les cellules formaient des adhésions avec leur substrat, passant de complexes focaux, de petite taille mais très dynamiques et siège de forces importantes à des adhésions focales, plaques de protéines stables et de taille plus importantes. En fonction du type d'intégrines impliquées dans le processus, des adhésions brillaires (voir 1.1.3) peuvent se former. Le phénomène d'adhésion à trois dimensions est diérent : il se forme des adhésions 3D (voir Cu- kierman et al. (2001) et gure 3.2). Les protéines dans ces trois types d'adhésions sont diérentes (voir table 3.1).

Molécule Adhésion focale Adhésionbrillaire Adhésion 3D

α5 intégrine - + + β1 intégrine + + + β3 intégrine + - - Fibronectine + - - Vinculine + - + Phosphotyrosine + - + FAK + - + Paxilline + - +

Table 3.1  Répartitions des protéines d'adhésions impliquées en fonction du type d'adhé- sion, d'après Cukierman et al. (2001)

Pour les mettre en évidence, des cellules ont été déposées sur quatre types de sur- faces diérentes : une surface plane recouverte de bronectine, un gel 3D dérivé de la matrice extra-cellulaire, un gel de collagène, mais aussi une surface plane recouverte d'une ne couche du gel 3D aplani dérivé de la matrice extra-cellulaire. À l'aide de ces quatre surfaces, il est possible d'étudier séparément l'inuence de la géométrie (2D/3D) et l'inuence de la composition, aussi bien en 2D (bronectine/gel aplani) qu'en 3D (collagène/gel de matrice extra-cellulaire). Étant donné qu'une intégrine

3.1. Anisotropie de la matrice 53 particulière, α5, est partie prenante des adhésions 3D, son inuence dans chacune

des quatre géométries a été étudiée. Lors de son inactivation, un changement a été

Figure 3.2  Mécanismes du passage de deux dimensions à trois dimensions et de son inuence sur l'adhésion cellulaire. A, B et C représentent des cellules dans chacune des congurations (A à 40 min, B à 4 heures, en présence de bronectine, C à 5-8 jours), l'intégrine α5étant en vert, la paxilline en rouge et le noyau en bleu. Barre=10 µm, d'après

Cukierman et al. (2001)

constaté uniquement dans le cas de cellules déposées dans un gel dérivée de la MEC. Elles adoptent alors une morphologie proche de celle observée à deux dimensions. Dans un gel de collagène, sur un gel aplani ou sur une surface recouverte de bro- nectine, son inactivation ne change rien dans le comportement cellulaire.

C'est donc à la fois la composition (le collagène ne sut pas pour l'adhésion cellulaire 3D) et la géométrie (le comportement cellulaire sur gel aplani est fondamentalement diérent de celui sur le même gel 3D) qui déterminent l'adhésion et le comportement cellulaire. De plus, à composition et géométrie équivalentes, la rigidication de la matrice 3D empêche la formation de ces adhésions 3D mais permet la formation d'adhésions focales normalement observées à 2D. Les trois paramètres clés sont donc la composition, la géométrie et la rigidité du substrat. Il a été montré à 2D que la FAK était essentielle dans la formation et la dynamique des adhésions focales, notamment la transformation des adhésions focales en adhésions brillaires (Geiger et al., 2001). Son rôle est par contre très réduit dans la formation des adhésions 3D. En eet, son activité est près de 4 fois plus faible dans des cellules sur gel 3D que sur bronectine (Cukierman et al., 2001).

La découverte des mécanismes de formation des adhésions à trois dimensions, qui remettent en partie en cause l'étude bidimensionnelle des mécanismes cellulaires, permet d'aller plus loin dans la compréhension de la migration tridimensionnelle.