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1.3 Migration et adhésion sur substrat indéformable

2.1.1 Généralités

Les premières mesures de forces sur substrat déformable utilisaient un lm en élastomère de silicone sur lequel migraient des kératinocytes (Harris et al., 1980). Le lm était susamment n pour que les cellules puissent plisser ce lm, en exerçant des forces sur le substrat. Cependant, un des problèmes majeurs de ce dispositif était l'impossibilité de connaître la cartographie des forces exercées par la cellule sur son substrat à partir du déplacement observé. En eet, le substrat n'était pas parfaitement reproductible, ni calibré. De plus, comme on le montre sur l'image A de la gure 2.1, en plissant le lm de silicone, il n'était pas possible d'avoir accès aux déformations situées sous la cellule. Il n'était donc pas possible de connaître les forces associées aux déplacements observés. Selon le même principe, des gels déformables semi-innis et calibrés ont été développés. Ils permettent de mesurer les forces que les cellules exercent sur leur substrat (voir gure 2.1).

Les gels semi-innis de polymères

Ces gels sont déformables et on peut modier leurs propriétés mécaniques en ne changeant que très peu leurs caractéristiques chimiques. La première méthode consiste à employer un hydrogel à base d'acrylamide et de bis-acrylamide (le réticu- lant). On peut ajuster la proportion de bis-acrylamide (Pelham Jr et Wang, 1997) et obtenir des substrats dont le module d'Young varie de 5 à 70 kPa.

On peut également modier nement la rigidité du gel avec un autre polymère, le poly diméthyl siloxane (PDMS). En variant la proportion de réticulant par rapport au monomère, on obtient comme pour les gels de polyacrylamide de larges gammes de rigidité. La principale diérence entre ces deux matériaux tient à leur nature : le polyacrylamide est un gel aqueux, hydrophile, auquel il faut faire subir un traitement supplémentaire pour permettre l'accroche de protéines de la matrice extra-cellulaire (collagène, bronectine). Le PDMS, hydrophobe, permet une adhésion non spécique des protéines de la matrice extra-cellulaire, sans traitement supplémentaire. Suite à ces traitements, les cellules peuvent adhérer.

À l'aide de ces deux types de substrats, une mesure des déformations permet de déduire les forces. Pour arriver à des résultats quantitatifs, deux types d'approches ont été employées :

 l'insertion de billes uorescentes dans le gel (taille caractéristique : 0,2 à 1 µm) (Lee et al., 1994; Dembo et Wang, 1999) ;

 l'insertion d'un motif dans le gel, susamment petit pour ne pas avoir d'in- uence sur le comportement cellulaire (hauteur = 0,3 µm) mais tout de même visible par microscopie optique (de 0,4 à 0,8 µm de côté). On peut alors voir

2.1. Mesures de forces à l'aide de substrats déformables passifs 29

Figure 2.1  A Représentation d'une cellule plissant un lm de silicone par Harris et al. (1980) ; B Plissement eectif du lm de silicone par les cellules, d'après Harris et al. (1980). Barre=100 µm ; C Simulation de la cartographie des contraintes (supposées isotropes ici) exercées par une cellule sur un substrat exible. Le code couleur désigne l'intensité des contraintes : au plus près de la cellule, les contraintes, très fortes, sont représentées en blanc, tandis que loin de la cellule, les contraintes sont quasi-inexistantes (en bleu foncé). En insert, modélisation d'une adhésion : on reconnaît les intégrines, protéines transmem- branaires (en rouge) qui relient la matrice extra-cellulaire (en bas) aux laments d'actine (en haut), d'après Discher et al. (2005)

les déformations des motifs par microscopie en contraste de phase (Balaban et al., 2001).

Le principe de mesure des déplacements est le même dans les deux cas : on acquiert une image avec les cellules déformant le gel puis on décolle les cellules du substrat à l'aide de trypsine. On peut alors acquérir une autre image, cette fois-ci du substrat au repos, sans cellule. On obtient le déplacement de chacun des motifs ou billes. Il faut ensuite, connaissant les déplacements, remonter aux forces. Cependant, ces substrats ont un inconvénient : le matériau étant continu, lorsqu'une force est exercée en un point, son eet se propage dans ce matériau. Il est donc dicile de séparer la force exercée en un point A de la force qui agit ailleurs mais est tout de même en partie détectée en ce même point A. La relation déplacement-force est donc, pour chaque direction de l'espace, ui(r) =

R

Gij(r − r0)Fj(r0)dr0 où u représente le déplacement,

F la force et G le tenseur de Green, tenseur des déformations. Il est donc nécessaire d'inverser le problème, pour remonter aux forces. Ce calcul est lourd à réaliser, et ne peut être exact. Pour cette raison, on parle de champ de forces le plus probable,

Figure 2.2  champ des déplacements (A) et des forces (B) dans un broblaste adhérant à un substrat élastique, d'après Dembo et Wang (1999)

(C) Forces exercées par la cellule au niveau de ses adhésions focales - En zoom, déplacement des marqueurs uorescents insérés dans le substrat, à partir duquel ont été calculées les forces, d'après Balaban et al. (2001). barre blanche = 4 µm, barre rouge = 30 nN

car il n'y a pas de solution unique à l'inversion de la relation force/déformation. Il est nécessaire de faire une hypothèse supplémentaire. Par exemple, il est possible de cartographier les déplacement et de les corréler aux emplacements et intensité des adhésions focales. Dans la recherche même du champ le plus probable, on suppose parfois que les forces colocalisent avec les adhésions focales (Balaban et al. (2001), voir gure 2.2, image C). On utilise également le fait qu'une cellule est un système isolé, sans inertie. On a doncP ~F = ~0 sur la cellule. L'intégration des déplacements se fait donc selon un maillage centré sur les adhésions focales.

Pour éviter de faire une hypothèse aussi forte, une autre solution a été proposée, des substrats discontinus constitués de micro-piliers déformables.

Les substrats discontinus : les plots

Les plots sont créés par microfabrication : à l'aide de techniques provenant de la microélectronique (détaillées dans la partie II), il est possible de créer des motifs de l'ordre du µm (Tan et al., 2003). En utilisant des élastomères de silicone comme le PDMS, on obtient alors un réseau de micro-poutres déformables (voir gure 2.3). En modiant le diamètres et la hauteur des micro-plots, on peut obtenir une large gamme de raideur.

En eet, dans le régime d'élasticité linéaire, la force s'écrit :

F = k∆x (2.1)

où ∆x représente le déplacement du sommet du plot, et où k, la raideur est donnée par :

k = 3EI

2.1. Mesures de forces à l'aide de substrats déformables passifs 31

Figure 2.3  Représentation schématique d'un plot dééchi par une force ~F

E représentant le module d'Young du matériau, L la longueur de la poutre et I son

moment d'inertie.

Pour une pilier cylindrique, on a :

I = π

4r

4 (2.3)

r représentant le rayon du pilier. L'expression de la force devient donc :

F = 3πE

4

r4

L3∆x (2.4)

On obtient, avec r = 0.5 ou 1 µm et 1.5 µm<L<7 µm la gamme de raideurs

Figure 2.4  Cellule sur plots en microscopie électronique à balayage, d'après du Roure et al. (2005)

suivante, qui est adaptée aux forces exercées par les cellules :

1 nN/µm < k < 700 nN/µm (2.5) On peut donc varier sur 3 ordres de grandeurs en ne modiant que très peu les propriétés géométriques du substrat. De plus, chaque micro-pilier est un capteur de

forces indépendant des autres (voir section 7.6.2), les contraintes ne se propageant que très peu dans la base du substrat. Il est alors très facile, connaissant les déplace- ments des micro-plots, d'obtenir les forces exercées par les cellules, la relation étant linéaire dans le régime des faibles déformations (voir Eq. 2.1).

A l'aide de ces diérents substrats, on peut donc caractériser les forces mais aussi l'in- uence de la rigidité. Ceci est réalisable avec un substrat continu ou des micro-plots. Le premier a l'avantage d'avoir une géométrie plus proche du substrat classiquement employé in vitro, le verre ou le plastique rigide mais l'inconvénient d'un calcul lourd à hypothèses fortes. Le second introduit une surface discontinue mais des calculs beaucoup simples et sans approximation.

2.1.2 Inuence de la rigidité sur les fonctions cellulaires