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1.4 La formation des enseignants

1.4.2 La formation continue

Parallèlement aux changements observés en matière de formation initiale, la formation continue des enseignants subit elle aussi quelques transformations.

La responsabilité de la formation continue du personnel enseignant trouve ses racines dans la Loi sur l’instruction publique (LIP) avec l’introduction, en 1988, de la liste des responsabilités de l’enseignant, regroupées actuellement sous l’article 22 (Gouvernement du Québec, 2020). Parmi les devoirs du personnel enseignant, on trouve la prise en charge de son développement professionnel. Dans cette optique, les enseignants doivent assumer la responsabilité de leurs besoins en matière de DPC comme expression essentielle de leur professionnalisme (LIP, 22.6). En 1995, le gouvernement adopte la Loi sur le développement de la formation de la main-d’œuvre, modifiée en 2007 et aujourd’hui appelée la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences et de la main-d’œuvre, dans le but de favoriser une culture de la formation continue dans l’ensemble de la population québécoise (Gouvernement du Québec, 2007). Les centres scolaires se trouvent alors assujettis à cette loi; ils doivent, en tant qu’employeurs, investir au moins 1% de leur masse salariale dans la formation continue de leur personnel. Ensuite, dans la foulée de la publication de l’énoncé de politique éducative « L’école, tout un programme » (MEQ, 1997) et d’un avis du COPFE sur la formation continue (COFPE, 1997), le ministère de l’Éducation diffuse ses « Orientations pour la formation continue du personnel enseignant : choisir plutôt que subir le changement » (MEQ, 1999). Dans ce document, le Ministère invite les milieux scolaires à favoriser le développement de la culture de la formation continue dans l’ensemble des écoles du Québec et les enseignants à considérer les compétences définies pour la formation initiale comme un continuum au regard duquel ils doivent continuer à progresser tout au long de leur carrière (MEQ, 1999). C’est sur cette base que les gestionnaires scolaires sont invitées à mettre en œuvre une politique de formation continue pour leur personnel et à développer une culture de formation continue.

À la suite de la publication des orientations ministérielles en matière de formation continue en 1999, l’importance de la formation continue du personnel enseignant a été réitérée par plusieurs acteurs concernés par la question. Deux avis du COFPE (2000, 2002) ont été

publiés et concluent sur la nécessité de valoriser la formation continue du personnel enseignant et de mettre en place des outils collectifs de développement professionnel. Dans ces rapports, le COFPE recommande aux milieux scolaires de mieux aménager l’organisation du travail enseignant et aux universités de mieux adapter leur modèle de formation aux besoins du personnel enseignant.

En 2001, le ministère de l’Éducation publie le référentiel de compétences professionnelles du personnel enseignant. Ces orientations ministérielles, révisées en 2020, prévoient qu’au terme de sa formation, le futur enseignant devra être capable de : « S’engager activement dans son développement professionnel » (MELS, à paraître, p. 38). En d’autres mots, il devra entre autres pouvoir analyser et évaluer ses compétences, mettre en œuvre les moyens pour les développer, réfléchir sur sa pratique professionnelle et réinvestir les résultats de sa réflexion dans l’action (MELS, à paraître). Le CSE publie également un avis qui plaide pour une véritable prise en charge du développement professionnel par les enseignants eux- mêmes. Selon ce dernier, c’est à eux que revient le rôle d’identifier leurs besoins de formation, et ce, dans un plan individuel et collectif de formation continue (CSE, 2014). Le Conseil réitère la nécessité de la formation continue et du développement professionnel pour le personnel enseignant en précisant qu’elle découle directement de l’évolution de l’enseignement et de la société : « […] le monde dans lequel l’école et le personnel enseignant évoluent exige des adaptations constantes. La formation initiale ne peut préparer à toutes les situations auxquelles il faudra faire face au cours de la vie professionnelle, d’où la nécessité de s’inscrire dans une démarche de développement professionnel tout au long de la carrière » (CSE, 2014, p. 2).

Au cours des années 2000, le ministère de l’Éducation soutient l’implantation du nouveau Programme de formation de l’école québécoise (2006) par divers moyens, dont des activités de formation destinées au personnel enseignant et autres professionnels qui agiront comme personnes-ressources dans leurs milieux respectifs. Ainsi, bien qu’il varie selon les époques et les besoins, le soutien en ressources humaines et financières accordé à la formation continue du personnel enseignant par le Ministère est assez important. À cet égard, les

d’enseignants s’engagent naturellement dans la voie de l’amélioration continue de leur pratique avec plus ou moins de soutien et dans des conditions plus ou moins favorables (COFPE, 2002; CSE, 2001; 2004). Selon l’avis le plus récent du CSE sur le sujet (2014), les enseignants perçoivent leur démarche de DPC comme une quête perpétuelle du mieux faire dans le but de bonifier leur agir professionnel et de raffiner leurs interventions auprès des élèves. Ultimement, ils cherchent à influencer davantage « le parcours scolaire de leurs élèves, en les guidant sur le chemin de la réussite au meilleur de leurs savoirs, de leur savoir- faire et de leur savoir-être, qu’ils s’appliquent à actualiser constamment » (CSE, 2014). À la suite de ces consultations, le CSE (2014) recommande que chaque enseignant mette en œuvre son propre projet personnel de développement professionnel concret, qu’il discute de ce projet régulièrement avec la direction d’école et qu’il contribue à l’élaboration d’un projet collectif au sein même de leur école.

Tout récemment, l’adoption du Projet de loi 40 (2019) vient modifier la LIP relativement à l’organisation de la formation continue au sein des établissements scolaires par l’insertion, entre autres, de l’article 22.01 :

« L’enseignant doit suivre au moins 30 heures d’activités de formation continue par période de deux années scolaires […]. On entend par activité de formation continue la participation à une activité structurée, notamment un cours, un séminaire, un colloque ou une conférence, organisée par le ministre, par un établissement d’enseignement universitaire, par un centre de services scolaires, par un établissement d’enseignement régi par la Loi sur l’enseignement privé, par un autre organisme ou par un pair. La lecture d’ouvrages spécialisés est également reconnue comme une activité de formation continue. »

Ce projet de loi vient réglementer la formation continue en ajoutant des mesures de supervision et d’évaluation et, à cet égard, fait fi de l’article 22 de la LIP qui encadre déjà les obligations de chaque enseignant de maintenir un haut degré de compétence professionnelle, notamment en participant à des activités de perfectionnement organisées en réponse à ses besoins. En effet, comme précisé ci-haut, la description de la compétence professionnelle « S’engager activement dans son développement professionnel » précise que la formation continue doit refléter les intérêts, les besoins et les aspirations professionnelles des enseignants. Sur ce point, la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE) (2019) prône

que les enseignants doivent pouvoir choisir le contenu, la forme, le lieu et le moment qui leur conviennent pour s’adonner à des activités de formation continue. En d’autres mots, la FSE ne voit pas la pertinence d’affecter les enseignants à des formations qui ne leur conviennent pas, soit parce qu’ils les ont déjà reçues ou qu’elles ne sont pas pertinentes en regard à leurs besoins, et d’imposer des approches au goût du jour sans égard à leur pratique, à la réalité de leur classe ou à leur expertise.

Depuis plusieurs années, les enseignants ont donc eu accès à des offres d'activités de formation continue par leurs institutions respectives ou encore prescrites par le ministère de l’Éducation. Néanmoins, il semble que les objectifs visés par ces dernières ne soient pas toujours atteints. Elles se heurtent à des obstacles majeurs tels que l’influence des professionnels, la résistance des enseignants, la lourdeur de la tâche, etc. (Prud’homme, 2007). En effet, il semble que la transformation des pratiques requiert de multiples allers- retours entre les formations et l'exercice pour que non seulement certaines soient abandonnées, mais aussi pour que d'autres soient consolidées et qu'elles puissent être transférées dans la pratique. D’un autre côté, les conditions actuelles dans lesquelles les formations sont offertes telles que le lieu, le temps et l'espace seraient peu propices à de tels changements (Martineau, 2004). À ces conditions s'ajoutent les divers obstacles relatifs au contexte scolaire (manque de ressources matérielles, financières et temporelles) et la pénurie de suppléants qui s’aggrave de plus en plus au Québec. À cet égard, la FSE (2019) a interrogé plusieurs enseignants et a dégagé un inventaire des principaux éléments à considérer dans l’élaboration et la mise en œuvre du DPC. Les leviers et obstacles dégagés sont en concordance avec les données issues de la recherche (p. ex. Darling-Hammond et al., 2017; Desimone, 2009; Korthagen, 2017). Ceux-ci sont illustrés dans la Figure 1 (inspirée de FSE, 2019).

Évidemment, il incombe aux acteurs impliqués de créer des contextes qui permettent d’utiliser ces leviers associés au climat et à la planification des activités de DPC et d’éliminer ces obstacles. À la lumière de ces informations, force est de constater que le DPC des enseignants se heurte à plusieurs contraintes. Maintenant que le portrait général est dressé, il convient d’aborder l’offre de formation continue traitant du TDAH plus spécifiquement. Afin de pallier le manque de cours relatifs au TDAH lors de la formation initiale des enseignants, quelques centres de services scolaires (CSS) offrent des activités de formation continue sur le sujet (p. ex. CSS des Affluents, CSS des Samares). De manière générale, celles-ci abordent la description clinique du trouble, son étiologie et les différents traitements possibles. La durée consacrée aux formations est très variable; par exemple, le plan de formation mis en place au Québec prévoit deux jours de formation : une journée sur la connaissance du trouble et l’autre sur les interventions pouvant être mises en place dans les écoles (MEQ et MSSSQ, 2003). Malgré cette offre, il semble que l’effet des formations sur les pratiques des enseignants est limité par le fait que ces formations soient ponctuelles et qu’une fois de retour dans leur milieu, les enseignants soient laissés à eux-mêmes pour mettre en œuvre ce qu’on leur a présenté. En effet, des études révèlent que ce type de formation

Leviers

•Valorisation de l’expertise professionnelle des enseignants; •Mise en valeur la coopération entre les enseignants;

•Activités de formation qui tiennent compte des besoins exprimés par le personnel enseignant;

•Pratiques ancrées dans la réalité de l’acte d’enseigner (p. ex. basées sur des activités authentiques et signifiantes);

•Soutien constant de la direction et leadership pédagogique de celle-ci; •Accompagnement et suivi individualisé;

•Participation aux activités de formation continue sur une base volontaire.

Obstacles

•Absence de valorisation de la formation continue et du DP; •Résistance du personnel scolaire à se faire remplacer; •Confusion entre le DP et l’évaluation professionnelle; •Ressources financière insuffisantes;

•Manque de temps et de ressource pour appuyer l’engagement du personnel (suppléance, dégagement, etc.);

•Temps de l’année scolaire (fin d'étape, journée pédagogique); •Distance (pour les écoles situées dans des villes éloignées).

semble surtout efficace pour améliorer les connaissances des enseignants sur les caractéristiques du TDAH et les interventions recommandées, sans pour autant susciter une meilleure utilisation de celles-ci, des attitudes plus positives à l’égard de ces élèves ou une augmentation de la confiance à gérer le trouble au quotidien (Graeper, 2011; Jones et Chronis-Tuscano, 2008). Ces constats soulignent l’importance de ne pas seulement offrir de la formation aux enseignants, mais également un soutien pour les aider à mieux comprendre les manifestations comportementales des élèves visés et à mettre en place les interventions recommandées. Selon Rousseau et ses collègues (2014, p. 140), « il ne suffit pas de dire aux enseignants quoi faire, mais bien de leur offrir des activités, des outils et du soutien pour qu’ils puissent réfléchir à leurs pratiques et aux façons d’exploiter leurs nouveaux savoirs dans leur contexte spécifique et de les adapter aux besoins particuliers des élèves ».

Aujourd’hui, le DPC des enseignants se concrétise de diverses manières et a des effets variés sur ces derniers et sur les élèves à qui ils enseignent. Pour améliorer l’apprentissage et la réussite de tous les élèves, de plus en plus d’écoles misent sur le DPC de leur personnel et adoptent le fonctionnement en communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) (Dionne et Couture, 2013). Les travaux de recherche qui ont porté plus particulièrement sur l’influence des CAP reconnaissent sans équivoque les résultats favorables de cette pratique sur le DPC du personnel enseignant. Les retombées sont de différentes natures : une augmentation de la satisfaction au travail (Moreau et al., 2013; Peters et Savoie-Zajc, 2013) et du SEP (Dionne et al., 2010; Leclerc, 2012; Stegall, 2011), un accroissement de la responsabilité à l’égard de l’apprentissage des élèves (Dionne et al., 2010) et une prise de décision visant à répondre aux besoins de chaque élève (Leclerc, 2012). Selon Cochran- Smith et Lytle (1999) cités dans Dionne et ses collaborateurs (2010), « il s’agit d’un contexte de choix pour apprendre sur soi et ajuster ses pratiques pédagogiques, processus qui se situe au cœur du développement professionnel des praticiens et du rehaussement de l’apprentissage chez les élèves » (p. 29). Au regard de ces constats montrant l’effet positif des CAP comme dispositif de DPC et aux contraintes du personnel enseignant entravant leur participation à des activités de formation continue, la formation en ligne ouverte à tous (MOOC) semble être un dispositif prometteur à considérer.

1.4.3 Le MOOC : dispositif prometteur à considérer pour soutenir le DPC des