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2.1 Le trouble du déficit de l’attention/hyperactivité

2.1.2 Diagnostic et présentations

Comme plusieurs autres troubles, le TDAH se distingue par les caractéristiques comportementales qui lui sont associées. D’entrée de jeu, il importe de préciser que les manifestations du TDAH (voir Tableau 1) peuvent s’observer chez tous les individus sans que ceux-ci présentent nécessairement le trouble. Par exemple, un jeune peut avoir la bougeotte sans pour autant répondre aux critères diagnostiques menant au TDAH. Pour déterminer si les manifestations observées sont expliquées par la présence du trouble, le professionnel responsable du diagnostic doit s’appuyer différentes approches, dont le Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux (APA, 2015) et certains indicateurs (Dumas, 2013) qui permettent de « situer les difficultés sur un continuum » (Nadeau, 2019, p. 7).

D’abord, il convient de se questionner sur la fréquence et l’intensité de la manifestation : une manifestation peut être excessive (p. ex. bouger très souvent) ou insuffisante (p. ex. présenter très fréquemment une lenteur d’exécution). Ces deux opposés peuvent entrainer plusieurs conséquences négatives sur le fonctionnement du jeune. Ensuite, le professionnel doit comparer la manifestation observée aux normes ou aux attentes du milieu (famille, société, culture) dans lequel l’individu évolue. Par exemple, être très actif et évoluer dans une école sport-études sera perçu plus « normalement » que dans une école traditionnelle. Par la suite, il doit déterminer si la manifestation nuit à l’acquisition de compétences intellectuelles, sociales ou émotionnelles, ce qui peut entrainer un retard développemental ou un décalage par rapport aux autres jeunes de son âge (p. ex. être dans la lune trop souvent peut nuire à l’acquisition d’une routine). Finalement, le professionnel doit investiguer les répercussions de la manifestation. Il doit établir si elle empêche le jeune de bien fonctionner sur les plans de la socialisation et de son adaptation. D’autres indicateurs à considérer sont la durée et la persistance des manifestations (p. ex. le jeune est inattentif depuis 3 mois) qui permettent de mettre en perspective les manifestations observées et d’éliminer ou de confirmer le doute quant à la présence d’un autre trouble.

Comme énoncé ci-haut, le TDAH se caractérise par des manifestations continues et persistantes d’inattention et/ou d’hyperactivité et d’impulsivité qui interfèrent avec la qualité de la vie, le fonctionnement quotidien ou le développement de la personne. Ces caractéristiques apparaissent généralement pendant l’enfance (avant l’âge de 12 ans) et dans plusieurs situations différentes, ce qui entraine des conduites inadaptées qui ne correspondent pas aux attentes d’autrui envers les jeunes de cet âge (APA, 2015). Ainsi, selon ces critères, l’APA (2015) distingue trois présentations du trouble : 1) avec inattention prédominante (I), lorsqu’il y a au moins six symptômes d’inattention, mais pas ou très peu d’hyperactivité/impulsivité ; 2) avec hyperactivité/impulsivité prédominante (H/I), lorsqu’il y a au moins six symptômes d’hyperactivité/impulsivité, mais peu d’inattention; 3) combinée (I+H/I), lorsqu’il y a des symptômes d’inattention et d’hyperactivité/impulsivité. Les prochaines lignes décriront quelques manifestations courantes de chacune des présentations.

D’un côté, la présentation d’inattention prédominante (I) se manifeste principalement sur le plan comportemental et est caractérisée par des symptômes tels que la désorganisation et la distractibilité. Les individus qui présentent ces traits sont distraits facilement et manquent de persévérance (APA, 2015). Dans un contexte éducatif, les difficultés à soutenir l’attention sont particulièrement présentes lors de l’enseignement magistral ou de situation d’évaluation (Jansen et al., 2017). Ces élèves peuvent aussi avoir besoin de plus de temps pour effectuer les tâches et avoir des difficultés à démarrer et à accomplir leurs travaux dans le délai prescrit (Prevatt et al., 2015).

D’un autre côté, la présentation d’hyperactivité-impulsivité prédominante (H/I) se caractérise, entre autres, par un niveau d’énergie élevé. En effet, l’hyperactivité correspond à un niveau excessif d’activités motrices ou verbales dans les situations où cela apparaît inapproprié, ou à des envies de bouger incontrôlées (APA, 2015). À cet égard, l’hyperactivité est intimement liée à l’impulsivité qui renvoie à des actions non prévues, mal conçues, exprimées prématurément, particulièrement risquées ou inappropriées pour la situation et qui entrainent souvent des conséquences indésirables pour la personne (Winstanley et al., 2006). Enfin, la présentation combinée (I+H/I) est caractérisée par la présence de difficultés d’inattention et d’hyperactivité-impulsivité (APA, 2015).

En guise de synthèse, le Tableau 1, adapté de Nadeau (2019), présente des exemples de difficultés couramment observées en contexte de classe et liées à chacune des présentations du TDAH.

Tableau 1. Exemples de difficultés liées aux présentations du TDAH

Difficultés/manifestations

liées à l’inattention Difficultés/manifestations liées à l’hyperactivité Difficultés/manifestations liées à l’impulsivité • Être prêt au bon moment ou

à commencer une tâche (activation/vigilance) • Écouter ou suivre les

consignes (attention dirigée) • Soutenir un effort lors d’une

tâche répétitive ou assez longue (attention soutenue) • Écrire et écouter

l’enseignant en même temps (attention partagée)

• Effectuer une séquence ou série d’étapes (mémoire de travail)

• Ajuster l’intensité de son activité motrice de la récréation au temps de lecture

• Rester immobile lors d’une tâche calme

• Exécuter avec justesse des gestes et des mouvements (coordination visuomotrice) • Développer une calligraphie

visible ou une capacité à découper (contrôle de la motricité)

• Respecter l’espace des autres (en lien avec difficulté à contrôler motricité)

• Commencer une tâche sans attendre la fin des consignes (autocontrôle)

• Attendre son tour de parole, demander au lieu d’arracher les objets des mains des autres (inhibition comportementale) • Coopérer, faire la queue,

rester calme lors

d’insatisfaction (tolérance à la frustration)

Parallèlement aux difficultés observées selon les différents profils cliniques, un grand nombre d’études ont montré un déficit de certaines fonctions exécutives chez les personnes présentant un TDAH (Leno et al., 2018; Molitor et Langberg, 2017; Snyder et al., 2015). Les fonctions exécutives font référence à « un ensemble de processus dont la fonction principale est de faciliter l’adaptation de la personne à des situations nouvelles, et ce, notamment lorsque les routines d’action ne peuvent suffire à la réalisation de la tâche » (Massé et Lagacé- Leblanc, 2020, p. 42). Les travaux de Barkley (2011) et de Brown (2013) ont permis de mettre en lumière certaines fonctions exécutives qui sont particulièrement atteintes chez les jeunes ayant un TDAH, notamment la mémoire de travail, l’activation, l’inhibition comportementale, l’autorégulation comportementale, l’autorégulation émotionnelle, l’organisation, la résolution de problèmes et la gestion du temps. Selon Barkley (2018), ces difficultés peuvent se manifester selon quatre aspects : 1) des difficultés d’autocontrôle (p. ex. une exécution rapide au détriment de la qualité) ; 2) une faible inhibition comportementale ou une difficulté à retarder une réponse (p. ex. l’interruption des conversations) ; 3) un style motivationnel caractérisé par une faible tolérance au délai de gratification (p. ex. la difficulté à attendre son tour) et une faible tolérance à la frustration (p. ex. se fâcher facilement) ; 4)

situation (p. ex. une prise de risque non calculé). Le Tableau 2, adapté de Massé et Lagacé- Leblanc (2020) et inspiré de Barkley (2011) et Brown (2013), résume les principales fonctions exécutives touchées accompagné d’exemples de comportements observés en contexte de classe.

Tableau 2. Fonctions exécutives atteintes chez les jeunes présentant un TDAH

Fonctions exécutives Comportements associés Mémoire de travail (utiliser la

mémoire pour réaliser des tâches ou se rappeler des informations)

• Retient difficilement ce qu’il lit.

• A de la difficulté à faire deux choses à la fois (p. ex. écouter et prendre des notes).

• A de la difficulté à retenir les consignes verbales.

• A de la difficulté à garder ses idées en tête et à se rappeler ce qu’il veut écrire.

Activation ou automotivation (mobiliser son énergie pour se mettre au travail)

• Se mobilise difficilement pour se mettre au travail, surtout lorsque cela ne l’intéresse pas.

• Procrastine : attend à la dernière minute pour réaliser une tâche, même s’il reconnaît l’importance de celle-ci.

• Est dépendant envers les autres personnes pour se mettre à la tâche ou se mettre en action.

• A de la difficulté à se motiver à rester sur la tâche et à faire le travail.

• Démontre des performances inconsistantes tant dans la qualité que dans la quantité du travail réalisé.

Inhibition comportementale (affecte particulièrement la concentration)

• Écarte difficilement les stimulations non pertinentes lors d’une activité en cours.

• Arrête difficilement une activité ou un comportement lorsqu’il doit le faire.

• Fait des commentaires impulsifs aux autres personnes. Autorégulation

comportementale (contrôler l’action vers l’atteinte des objectifs)

• Agit sans penser avant de prendre en considération tous les aspects les plus importants de la situation.

• Fait des choses sans considérer les conséquences associées. • Ne réfléchit pas avant de réaliser une tâche ou ne se parle pas

intérieurement lors de la réalisation pour guider ses actions. Autorégulation émotionnelle

(gérer les émotions, en particulier le stress et la frustration)

• Se fâche plus facilement et maintient plus difficilement son calme lors d’une situation frustrante.

• Retrouve plus difficilement son calme après avoir vécu une émotion intense; reste émotionnel ou contrarié plus

longtemps.

• Fournit moins d’efforts lorsque les tâches sont ennuyeuses. Organisation et résolution de

problème • A de la difficulté à expliquer ou à rapporter des informations dans le bon ordre. • Ne traite pas les informations aussi rapidement que les autres. • A de la difficulté à apprendre rapidement des activités

• A de la difficulté à réaliser une tâche dans une séquence logique ou à planifier les étapes à suivre.

• Organise difficilement ses idées.

Gestion du temps • A de la difficulté à estimer le temps nécessaire à la réalisation d’une tâche ou d’un déplacement.

• A de la difficulté à prioriser les choses à faire dans le temps. • Perd son temps ou le gère mal.

• Ne voit pas le temps passer.

Les dernières lignes ont mis en évidence les nombreuses difficultés associées au TDAH. Au- delà des multiples problématiques liées au TDAH abordées ci-haut, une étude clinique déterminante sur le TDAH réalisée à partir des bases médico-administratives canadiennes et américaines, la Multimodal Treatment of Attention Deficit Hyperactivity Disorder (MTA), a révélé au début des années 2000 que 70 % des enfants d’âge scolaire atteints de TDAH présentaient au moins un autre trouble (Jensen et al., 2001). Dans cette lignée, les problèmes les plus souvent associés au TDAH sont décrits ci-dessous.