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ET FONDEMENTS THEORIQUES

Partie 1 – Problématique du recueil des données

4. La description de la situation collaborative scolaire observée

Au début de l’année scolaire 2015/2016 et plus exactement du mois d’Octobre 2015, nous avons mené notre recherche dans deux collèges de la wilaya de Tébessa en Algérie. Notre enquête, les conditions dans lesquelles elle s’est effectuée ainsi que le terrain d’investigation seront décrits en détail dans les sections qui suivent. Dans ces quelques lignes, nous commençons par une description des situations didactiques sur lesquelles s’est basée notre étude. Dans une première phase, nous nous sommes introduit, avec l’accord des enseignants, dans deux classes différentes de 4ème année moyenne et dans deux collèges différents de la ville de Tébessa. Nous avons mené une observation participante périphérique dans le but de recueillir des informations susceptibles de répondre à nos questions. Nous avons assisté, au début du mois d’octobre 2015, à deux séances ordinaires dans chaque classe, avec un effectif de 30 apprenants chacune. Le but est de prendre des notes sur la situation d’enseignement-apprentissage dans chaque classe,

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susceptibles de nous aider à vérifier les conduites habituelles des différents acteurs de la classe et leurs comportements langagiers avant d’entamer notre deuxième phase d’observation que nous qualifions de principale. Nous avons donc mis sur pied un protocole de type comparatif.

Dans cette deuxième partie, nous avons assisté à une tâche collaborative réalisée par des collégiens âgés entre 15 et 17 ans de classe de 4ème année moyenne. Nous avons choisi de mener cette tâche dans les deux mêmes classes où nous avons réalisé notre première observation et avec les mêmes enseignants.

Cette activité s’inscrit dans le cadre d’une séance de français langue étrangère portant sur « la production de l’oral »et répondant aux objectifs de la première séquence du manuel du 4ème année moyenne intitulée « Argumenter en utilisant l’explicatif pour faire prendre conscience de la nécessité de préserver son environnement » qui fait partie du premier projet proposé par le manuel. La consigne est : « A l’occasion de la journée internationale de l’environnement, tu vas réaliser avec tes camarades, un recueil de textes illustrés qui aura pour titre : " Nos gestes au quotidien pour protéger notre environnement " » (Manuel

scolaire de français, 4ème année moyenne, 2013 : 8-64). (cf. Annexe 2)

Les deux enseignants demandent à leurs apprenants (représentés par des collégiens partagés en groupe de 3, ce qui donne 10 groupes au total dans chaque classe), de rédiger collectivement un argumentaire portant sur les causes et les dangers de la pollution dans leur ville Tébessa23 ainsi que de proposer des gestes quotidiens pour préserver leur environnement. On espère créer aussi des échanges verbaux entre apprenants, finalisés par une tâche qui est accomplie en collaboration. Cette activité doit se terminer par une trace écrite ; un apprenant dans chaque groupe jouera le rôle de rédacteur sous la dictée des autres. La tâche de production collective d’un texte a été nommée « rédaction conversationnelle » par un certain nombre de chercheurs (notamment Dausendschön-Gay et Krafft, 1995 ; de Gaulmyn, Bouchard, Rabatel, 2001), qui se sont intéressés à l’étude des interactions entre les corédacteurs et surtout à leurs apports à la dynamique de la production et à la « révision normative » du texte.

Pour notre part, ce n’est pas le processus rédactionnel qui nous intéresse, mais les échanges collaboratifs verbaux qui l’accompagnent, c’est-à-dire, les compétences orales

23 Nous présentons la ville de Tébessa et nous justifions notre choix du terrain d’étude dans le chapitre 2 de cette partie.

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mobilisées par les apprenants lorsqu’ils collaborent et pendant qu’ils négocient le texte à rédiger. Nous préférons parler alors d’échanges collaboratifs rédactionnels plutôt que de « rédaction conversationnelle » pour mettre l’accent sur notre objet d’étude qui est la description et l’interprétation des échanges verbaux et leur arrière-plan métalinguistique et interactionnel qui caractérisent cette activité particulière. Ainsi, cette interaction particulière qui constitue l’objet de notre étude correspond à un type d’activité orale appelée par les auteurs du CECR une « coopération à visée fonctionnelle ». Elle désigne toute interaction finalisée par une tâche à accomplir collectivement. Selon les textes du Conseil de l’Europe (2001),

« les tâches pédagogiques communicatives (contrairement aux exercices formels hors contexte) visent à impliquer l’apprenant dans une communication réelle, ont un sens (pour l’apprenant), sont pertinentes (ici et maintenant dans la situation formelle d’apprentissage), exigeantes mais faisables (avec un réajustement de l’activité si nécessaire) et ont un résultat identifiable) […] » (CECR, 2001 : 121).

L’intérêt des auteurs de CECR pour la notion de tâche est qu’elle permet aux apprenants de revivre une situation de « communication réelle » de la vie quotidienne alors qu’elle produit un résultat identifiable. Cette notion vient du latin « taxare » qui signifie « estimer ». Malgré sa confusion avec d’autres notions comme « exercice » et « activité », elle possède certaines caractéristiques qui la distinguent et la privilégient dans une situation didactique où l’enseignement-apprentissage des langues est soumis à l’éclectisme méthodologique (cf. Puren). L’exercice, qui vient du latin « exercitium » et qui signifie « pratique », est considéré comme une tâche hors du contexte, éloigné de la vie concrète. Il est défini comme un travail précis, à un objectif spécifique demandé et contrôlé par l’enseignant, dans une visée étroitement scolaire et pédagogique.

L’activité qui vient du latin « activitas »dérivé de activus (actif, relatif à l'action), est présentée comme à mi-chemin entre l’exercice et la tâche. Elle est définie comme un exercice en contexte. Le CECR ne voit pas une grande différence pédagogique entre l’activité et la tâche et c’est l’idée que partage Cuq (2010 : 56). Il insiste sur la distinction et les définitions données par Bouchard (1989) qui désigne les exercices comme des travaux « sur la correction linguistique », les activités comme des travaux « sur l’activité

communicative simulée » et les tâches comme des travaux « sur l’efficacité des textes produits en situations réelles et évaluées socialement ».

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Selon Emilia Conejo López-Lago24 (2006 : 3-4), considérer une activité comme une tâche est soumis à certains critères. Elle doit donner lieu à un travail sensé et créateur. Elle doit mettre en place des processus communicatifs réels, comme ceux utilisés par les apprenants dans leur vie concrète. Elle doit les inciter également à communiquer à travers une coopération et une collaboration débouchant sur un résultat concret et collectif. Elle doit leur permettre de mobiliser leurs compétences de compréhension orale ou écrite, de production orale ou écrite et d’interaction, chacune seule ou toutes à la fois.

Pour notre part, notre intérêt pour la tâche commune vient du fait qu’on espère qu’elle va provoquer des prises de parole spontanées et susciter des échanges authentiques entre les apprenants, comme ils le font dans la vie concrète avec leur langue maternelle, dans la maison avec la famille ou dans le quartier avec les amis pour atteindre un but commun. Aussi, nous croyons que dans cette interaction coopérative, où les apprenants interagissent pour réaliser un but commun, il peut se former petit à petit certaines conceptions et partages de représentations entre les participants. Ces conceptions dites « identiques » permettent la construction d’une compétence citoyenne qui influe par la suite en retour sur l’organisation des apprenants et trace ainsi leurs identités verbales. Nous désignons sous ce terme tous les traits linguistiques individuels marquant un être social, citoyen et actif qui prouve une responsabilité vers la réalisation de la tâche et surtout un engagement pour la finaliser et atteindre l’objectif final. Nous postulons que ce moment particulier de collaboration aura des conséquences linguistiques et didactiques sur la langue étrangère qui sert de fonds commun à l’activité. Nous supposons aussi que cette situation d’interaction particulière en classe de langue influera d’une certaine façon sur le comportement et l’identité professionnelle de l’enseignant, en l’amenant à occuper de nouvelles positions fonctionnelles au service de la gestion et du développement de la relation avec ses apprenants. Et nous nous penchons donc sur l’activité interactionnelle des deux acteurs, apprenants et enseignants.

24 Lectrice à l’Université de Bayreuth (Allemagne), elle a publié un article intitulé « Qu’est-ce qu’une tâche ? » dans Rahmen des Projektes « Español Online » (www.spanish-online.org). L’article a été adapté en français par Philippe Liria, professeur et formateur FLE.

187 Chapitre 2 - La présentation de l’enquête

Dans ce chapitre, nous décrivons les éléments qui ont caractérisé notre enquête ainsi que les conditions de son déroulement. Nous présentons, dans un premier temps, notre terrain d’étude : nous décrivons le public visé et nous montrons notre place de chercheur. Nous décrivons, dans un deuxième temps, les différentes phases qui composent notre enquête puis nous citons les conditions d’enregistrement et le matériel utilisé.