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ET FONDEMENTS THEORIQUES

Partie 1 - Contextualisation de la recherche

2. L’oral en classe de langue, est-il pour un apprendre ensemble ?

2.2. L’enseignement de français au collège, quelles finalités ?

D’après le Référentiel Général des Programmes (2009), l’enseignement-apprentissage des langues étrangères doit permettre aux apprenants algériens d’accéder directement aux connaissances universelles, de s’ouvrir sur le monde et à d’autres cultures. De ce fait, les langues étrangères sont : « enseignées en tant qu’outil de communication permettant

l’accès direct à la pensée universelle en suscitant des interactions fécondes avec les langues et cultures nationales. » (cf. le Référentiel Général des Programmes).

L’apprentissage du français langue étrangère doit développer chez l’apprenant, tant à l’oral qu’à l’écrit, la pratique au moins des quatre domaines d’apprentissage traditionnels : écouter/parler et lire/écrire, auquel on peut ajouter l’aspect communicatif qui est transversal. Le but est d’amener l’apprenant à construire progressivement ses propres savoirs et à les utiliser à des fins de communication et de documentation, avec les autres apprenants de la classe.

« Au terme du cycle moyen, dans le respect des valeurs et par la mise en œuvre de

compétences transversales, l’élève est capable de comprendre/produire des textes oraux et écrits relevant de l’explicatif, du prescriptif, du narratif et de l’argumentatif et c’est, en adéquation avec la situation de communication. » (Ministère de l’Éducation

Nationale, 2010)

En cycle moyen, les quatre années sont réparties selon trois paliers. Un premier palier d’homogénéisation regroupe la première année moyenne, il permet à l’apprenant de renforcer les compétences acquises au primaire à travers la compréhension et la production des textes de type explicatif et prescriptif. Un deuxième palier, de renforcement et d’approfondissement, se déroule durant la deuxième et la troisième années moyennes. Il permet à l’apprenant de développer ses compétences pour faire face à des situations de communication encore plus diversifiées et plus complexes, à travers la compréhension et la production des textes de type narratif. Un troisième palier d’approfondissement et d’orientation caractérise la quatrième année moyenne. Il permet à l’apprenant de développer ses compétences pour faire face à des situations encore plus complexes, à travers la compréhension et la production des textes de type argumentatif. Voici un tableau regroupant ces nouvelles exigences (tableau 1 page suivante par souci de cohérence visuelle) :

78 Tableau 1 : Les compétences par palier (Cf. Nouveau programme du français de première année

moyenne, 2010 : 10)

On voit dans ce tableau que l’oral est à l’honneur, qu’il n’est pas seulement un outil pour aller vers l’écrit. Et surtout l’oral communicatif, qui tient que compte de l’aide de l’interlocuteur et de ses réactions.

2.3. L’enseignement de l’oral revalorisé, mais mal exploité

Dans ce qui suit, nous nous demandons si l’oral est aussi mis en valeur dans les pratiques de classe que dans les textes officiels.

2.3.1. La place de l’oral dans les nouveaux programmes du collège L’oral, omniprésent dans les pratiques scolaires comme outil d’enseignement, occupe une place importante dans les programmes du collège. Ces derniers mettent en valeur une description évaluative des acquis des apprenants dans chaque palier et selon toujours un profil attendu. À son arrivée en cycle moyen, l’apprenant est déjà capable de :

« - Réagir à des sollicitations verbales par un énoncé intelligible et cohérent. - S’exprimer de manière compréhensible dans des séquences conversationnelles. - Prendre la parole de façon autonome pour questionner, répondre, donner une information,

donner une consigne, donner un avis. » (Ministère de l’Éducation Nationale, 2009)

De ce fait, l’apprenant qui accède en première année est supposé déjà avoir une certaine maîtrise du français parlé, en prenant la parole de façon autonome et en s’exprimant de manière compréhensible dans de simples interactions. L’enseignement-apprentissage de l’oral dans le cycle moyen se base essentiellement sur la contribution au développement

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chez l’apprenant de l’expression d’idées et de sentiments, à travers plusieurs types de discours, à savoir l’explicatif et le prescriptif dans le premier palier, le narratif dans le deuxième palier et l’argumentatif dans le troisième palier. L’oral se développe donc de façon autonome, parallèlement à l’écrit. Mais on insiste, dans ces compétences, surtout sur le développement individuel des pratiques langagières et linguistiques.

Selon les nouveaux programmes du moyen, à la fin du cycle, l’apprenant doit être déjà capable de comprendre, lire et produire un énoncé argumentatif. Il doit être capable surtout de dégager et reformuler le point de vue d’un énonciateur, donner son propre point de vue, l’étayer à l’aide d’arguments et d’exemples. Cela suppose un développement de l’esprit critique et de la pensée personnelle chez les apprenants. Pourtant et malgré la pédagogie du projet également prônées dans les textes officiels, ces programmes évoquent peu la situation collective ou le travail en équipe.

2.3.2. L’enseignement de l’oral face à la réalité de la classe

Parler de l’enseignement-apprentissage de l’oral en classe, c’est parler de l’oral vecteur de l’apprentissage, qui domine presque tous les échanges scolaires. C’est un moyen qui permet l’interaction entre l’enseignant et les apprenants et c’est le moyen qui permet la transmission du savoir. L’oral est également un objet d’apprentissage que l’apprenant doit acquérir pour pouvoir communiquer, échanger des idées ou argumenter. Il est donc à la fois objet et outil. Mais il peut surtout être vecteur de construction des savoirs s’il est utilisé de façon interactive : or cette dimension n’apparait pas dans les programmes. Face à ce que visent les textes officiels et les programmes scolaires, la réalité de l’enseignement de l’oral en classe de langue en Algérie reflète souvent une toute autre orientation : un enseignant qui détient la parole tout au long du cours et un apprenant passif et qui ne peut pas parler et qui n’ose rien dire. On imagine peu, en outre, les apprenants qui communiquent horizontalement entre eux, sans passer par l’enseignant donc dans des interactions toujours verticales.

C’est une réalité grave qui, selon plusieurs auteurs, provient en premier lieu de la responsabilité de l’institution qui n’a pas vraiment su introduire et dessiner la mission de l’école après tous les échecs et toutes les réformes établies. L’école, qui selon Charles et Théa Rojzman (2006 : 1) est

« porteuse dans son fonctionnement lui-même d’un apprentissage du vivre ensemble, mais

d’un apprentissage involontaire, incontrôlé et inadapté de la part de l’institution. Un apprentissage défaillant qui dysfonctionne visiblement. D’une part, parce que l’on nie

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encore cet apprentissage de fait, d’autre part parce que l’on ne prépare pas les enseignants à affronter et à travailler avec cette réalité : l’école est notre première société. »

On dira que les enseignants n’étaient pas formés à ce changement. Dans la situation d’enseignement-apprentissage en Algérie, la question de la formation des enseignants fait le sujet de nombreux débats. Selon plusieurs intervenants, un enseignant doit être capable de maîtriser plus que la simple compétence linguistique. Il doit être doté d’une compétence sociodidactique qui lui permette surtout de gérer de façon adéquate son groupe classe, en prenant en charge la mise en valeur des relations interpersonnelles et les valeurs sociales en œuvre dans la classe. « En réalité, les enseignants n’ont pas été

formés aux règles les plus élémentaires de sociopédagogie, alors qu’ils sont exposés à pouvoir gérer un groupe – parfois très hétérogène – d’enfants ou d’adolescents. »

(Rojzman, C. et Rojzman, T. 2006 : 2)

C’est la raison pour laquelle notre recherche, au-delà des pratiques de classe innovantes, vise la formation des enseignants.

2.4. Un apprenant citoyen plus à l’aise pour parler dans la société qu’en classe

L’éducation à la citoyenneté démocratique établie par les dernières réformes du système éducatif algérien vise à faire acquérir aux apprenants un ensemble de valeurs nationales et universelles qui lui permette en même temps de mobiliser librement ces mêmes valeurs à travers des activités communicatives orales multiples. L’objectif est de les amener à des interactions les plus naturelles possibles, telles qu’ils y sont confrontés dans leur vie socioculturelle. Selon le nouveau programme du français de première année moyenne, les activités communicatives orales proposées dans le cours de français peuvent donner aux apprenants l’occasion de mobiliser les valeurs nationales et universelles acquises en classe, et les préparer ainsi à jouer des rôles actifs dans une société démocratique. Le lien est ainsi clairement fait entre la classe et la vie hors de la classe. Et la langue y a une place première.

Cependant, les pratiques de classe reflètent souvent une autre réalité, décevante, celle d’un lieu très ritualisé, soumis à l’autorité de l’enseignant et qui se caractérise par une faible liberté interactionnelle de l’apprenant qui se sent de plus en plus mal à l’aise. L’écart s’accentue entre ce que les jeunes vivent dans leur vie sociale et dans leur vie scolaire. On a de nouvelles aspirations, mais le système scolaire reste basé sur des traditions anciennes. C’est alors que Schmitt-Gevers (1993) a introduit la notion

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« d’aisance dans la production et la compréhension de l’oral ». Selon Schmitt, un apprenant est plus à l’aise à l’oral, non pas lorsqu’il produit des phrases correspondant sympathiquement et stylistiquement à la norme, mais lorsqu’il transmet d’une façon spontanée un message, lorsqu’il s’exprime en tant qu’individu, de façon autonome et naturelle, tout comme il le ferait dans sa langue maternelle. Dans le but de travailler cette aisance en classe, ce même auteur propose plusieurs activités communicatives orales authentiques qui relèvent de la vie socioculturelle des apprenants, et font ainsi le lien entre école et société, comme le suggère la sociodidactique. On peut alors insister sur les liens entre les élèves, qui aident à réaliser les tâches demandées ou à résoudre les situations mises en place, en s’appuyant les uns sur les autres et grâce à leurs savoirs et savoirs faire. Nous avons vu dans ce chapitre que la société algérienne a été épuisée par les différents événements politiques, économiques, culturels et idéologiques qui l’ont marquée depuis l’indépendance en 1962. Ces expériences l’ont incitée à chercher et à établir une identité collective à travers l’installation d’une compétence citoyenne démocratique basée sur la participation active, le partage et les représentations communes. L’école, quant à elle, n’a pas échappé à ces bouleversements. Dépendante de la société, elle s’est retrouvée manipulée et tiraillée par les idéologies politiques, économiques et culturelles. Dès lors, à travers les différentes réformes du système éducatif, l’école s’est trouvée pour mission de former des citoyens actifs et responsables, des acteurs sociaux et collectifs. Nous faisons le point en affirmant que les apprentissages linguistiques peuvent être l’occasion rêvée de mettre en œuvre dans la classe des activités communicatives et collectives, qui respectent les programmes en cours : développement des compétences individuelles et réalisation des projets collectifs. Les apprenants pourront alors transférer hors de la classe ce qu’ils ont expérimenté et appris dans la classe, grâce au guidage de leurs enseignants.

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Partie 2 – Fondements théoriques

Comme nous l’avons déjà précisé dans notre chapitre contextuel, la formation à la citoyenneté présente une nécessité pour une cohésion sociale dans une société algérienne tourmentée par les variétés linguistiques et les conflits culturo-idéologiques. Du nationalisme au berbérisme, à l’islamisme, l’Algérie se trouve en quête d’une identité collective privilégiant la diversité et la différence, encourageant le partage et méprisant toute tentative d’exclusion. Cette identité complexe devient le but principal du système éducatif algérien en envisageant l’apprenant comme un acteur social, un être citoyen. C’est dans cette perspective que se situe notre recherche.

L’apprenant et futur citoyen adulte doit être préparé en classe. Il est amené à réaliser des actions dites « d’apprentissage » pour qu’il puisse être capable à sa sortie du système scolaire, de s’insérer de la meilleure façon dans la société, de réaliser des actions dites « sociales » dans sa vie concrète et de s’engager le plus activement possible.

Nous avons vu également que le travail collaboratif, tout en formant l’originalité de la société algérienne traditionnelle, est omniprésent et joue un grand rôle dans la cohésion sociétale présente et future. En fournissant un partage de représentations, ou ce qu’on peut appeler avec Puren des « conceptions identiques » et en engageant les participants à réaliser une tâche avec un but commun, le travail collaboratif leur permet à un certain degré de dépasser leurs différences et leurs conflits culturo-idéologiques, pour créer ensemble des « ressemblances » qui rassemblent. Il favorise ainsi la construction d’une compétence citoyenne démocratique.

C’est alors que nous nous intéressons au travail collaboratif et à son insertion dans la classe de langue : un outil si important et si rentable, pourquoi ne pas l’exploiter en classe? Peut-il être aussi utile en classe qu’en société ? Est-ce qu’il y aura des signes de progrès dans la compétence citoyenne chez les apprenants ?

A travers deux chapitres, nous présentons dans un premier temps ce nouvel objectif de la didactique des langues à savoir la formation d’un acteur social et un être citoyen. Nous décrivons ses différentes orientations et nous définissons les terminologies qui lui sont associées. Dans un deuxième temps, nous présentons les échanges collaboratifs comme un lieu favorable de développement des compétences linguistique, communicative et

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citoyenne. Nous nous basons sur une approche pluridisciplinaire et nous décrivons les concepts qui les sous-tendent.

85 Chapitre 1 - Former un acteur social, un être citoyen : nouvel objectif, nouvelles orientations, nouvelles terminologies

Dans ce chapitre, nous élargissons théoriquement les notions de base de notre travail de recherche. Dans le but de mener ce rapprochement entre travail collaboratif à l’extérieur et à l’intérieur de la classe, nous montrons que la didactique des langues a toujours évolué en prenant en compte l’adaptation entre société et école, ou ce que Puren nomme « agir d’usage » et « agir apprentissage ».

L’évolution et la description de la didactique des langues sont souvent évoquées à travers la présentation des différentes méthodes et méthodologies d’enseignement. Des méthodes traditionnelles à la perspective actionnelle puis co-actionnelle, en passant par les méthodes actives, audiovisuelles et l’approche communicative, l’accent est mis sur l’établissement de la corrélation entre les objectifs de l’enseignement-apprentissage des langues étrangères et les modèles linguistiques. Cette conception des méthodes d’enseignement qui part essentiellement de la situation de la classe, évoque un besoin social émergeant moins mis en valeur et souvent cité rapidement.

Pour notre part, nous présentons cette évolution des méthodologies d’enseignement des langues sous un autre angle : celui qui nous permet le mieux de mettre en valeur notre objet de recherche. En nous basant sur les travaux de Christian Puren, nous distinguons deux axes de repères essentiels marquant cette progression dans les méthodes d’enseignement-apprentissage des langues. On pose d’abord un premier axe vertical qui part de la société à la classe, mettant en corrélation les fins sociales qui marquent toute cette période d’évolution et les moyens scolaires fournis pour les mettre en valeur. Il est complété par un deuxième axe horizontal aussi important qui se centre sur une zone mettant en commun société et classe et qui établit la corrélation entre les perspectives actionnelles et les perspectives culturelles des méthodes d’enseignement.

Le schéma suivant présente ces deux axes de notre théorisation (figure 6 page suivante par souci de cohérence visuelle) :

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Société

Classe

Figure 6 : Les deux axes présentant l’évolution de la didactique des langues

Nous présentons dans les sections qui suivent le cadre conceptuel qui en découle.