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Conclusion du chapitre 1 Une approche territoriale des risques systémiques et endo-urbains qui n’apparaît pas explicitement sur

Chapitre 2 L’inscription institutionnelle de la pertinence territoriale Chronique d’un cadre annoncé

1. La définition consensuelle d’un statut juridique

Les statuts juridiques des EPCI sont composés d’un bloc de compétences obligatoires, spécifique à chaque type d’établissement intercommunal (communauté urbaine, communauté d’agglomération et communauté de communes), et de la sélection de compétences optionnelles. De plus, les communes-membres d’un EPCI peuvent à tout moment décider de transférer des compétences optionnelles supplémentaires –c'est-à-dire qui n’avaient pas été transférées lors de la création ou des compétences facultatives nouvelles qui ne sont pas prévues par la loi. L’article 28 de la loi de juillet 1999 modifiant l’article L.5211-17 du code général des collectivités locales prévoit que le vote de ce transfert s’effectue « dans les

conditions de majorité requise pour la création de l’établissement public de coopération intercommunale ». Chaque domaine d’action transféré, surtout s’il s’agit d’une compétence

supplémentaire, doit représenter un « intérêt communautaire » pour les communes.

La loi de juillet 1999 ne prévoit pas de compétences de prévention et de gestion des risques, ni comme délégations obligatoires, ni en tant que transferts optionnels. Pourtant, depuis 2001, certains EPCI prennent des compétences statutaires en matière de prévention et de gestion des risques collectifs, élisent des vice-présidents à cette compétence et mettent en place des services dédiés dans leur organigramme. Comment expliquer que la compétence « prévention et gestion des risques » soit votée unanimement par les élus communaux, alors que ce domaine d’action se trouve à la croisée entre les politiques de sécurité et celles d’environnement mais aussi au carrefour des pouvoirs de police municipaux et régaliens ?

Dans les trois agglomérations étudiées, le vote de cette compétence ne provoque pas de réactions particulières de refus des élus des communes. Le vote des statuts de la communauté urbaine de Nantes est marqué par son unanimisme. Aucune des compétences transférées n’est contestée. La compétence de « prévention et gestion des risques » ne fait pas figure d’exception. À la communauté urbaine de Lyon, la révision des statuts de mai 2004 –afin de mettre le statut juridique de 1966 en cohérence avec la nouvelle loi de 1999– ne remet pas en cause la compétence « prévention et de gestion des risques » déjà existante. Même dans le cas de la communauté d’agglomération du Havre, où la création de l’EPCI soulève des oppositions dans les communes, les comptes-rendus des réunions d’assemblée communautaire ne font pas état de conflit sur le transfert de la compétence « prévention et gestion des risques ». Les modalités de formation et le périmètre de la communauté d’agglomération sont contestées. Depuis novembre 2000, 7 des 17 communes, proposées par le préfet pour former la communauté d’agglomération du Havre, refusent d’entrer dans l’agglomération. Le préfet les fait entrer de force dans l’EPCI. Ces communes constituent un front d’opposition aux politiques intercommunales, notamment sur les grands équipements et les modalités de fiscalité, mais leur poids démographique ne leur permet pas de peser dans le vote à la majorité qualifiée. En 2004, elles continuent de s’opposer à certains transferts de compétences tels que la collecte des déchets et la création d’aires de passage pour les gens du voyage.

Dans les trois agglomérations, aucun élu communautaire ou communal ne fait part de réticences au moment du vote des statuts juridiques. Le responsable de la prévention et la gestion des risques de la communauté urbaine de Nantes pense même que les élus communautaires votent cette compétence « à l’aveugle ».

« J’imaginais que, quand les élus ont voté les statuts avec ces compétences, ils avaient une idée de ce que ça entraînait. Mais je n’en suis plus du tout certain, parce que lorsque que l’on interroge les vingt-quatre communes, la problématique n’est pas bien comprise. Les élus ne savaient pas vraiment ce que recouvraient ces compétences en réalité. » Entrevue J.G., directeur de la Mission Risques et Pollutions, DGSU, Nantes Métropole, 11 février 2004191.

Comment expliquer cette acceptation massive, mais passive, des élus communautaires et leur vote unanime des compétence de « prévention et gestion des risques » ? Une hypothèse serait que les statuts soient rédigés de manière à réduire suffisamment les marges de manœuvre des agents publics en charge des risques collectifs pour qu’il n’y ait pas de débat.

L’étude des champs d’action, tels que délimités dans les statuts, de la prévention et de la gestion des risques montre que cette hypothèse s’avère exacte dans le cas de la communauté urbaine de Lyon, mais elle est réfutée dans le cas des agglomérations du Havre et de Nantes.

Dans les statuts de la communauté urbaine de Lyon192, la « lutte contre la pollution de l’air et les nuisances sonores, soutien aux actions en faveur de la préservation et de la promotion d’espaces naturels » est une compétence dite « partagée ». Il n’y a pas de compétence propre de prévention et de gestion des risques. La délibération d’ajustement des compétences, suite à la commission spéciale du 28 mai 2004, explique : « Dans le cadre de la

législation en vigueur, un domaine d’activité peut être partagé lorsque le libellé même de la compétence n’implique pas qu’elle soit exercée dans sa totalité, c’est le cas, lorsque la loi indique ‘actions’ (qui se différencie de "l’action"), le ‘soutien’, les ‘dispositifs contractuels’, ‘la lutte contre…’ ».

À la communauté d’agglomération du Havre, l’action de prévention et de gestion des risques est une compétence indépendante et distincte des autres. Elle est rédigée avec beaucoup de détails sur les actions à mener : « Risques Majeurs : l’assistance aux communes

pour l’information préventive des populations, le recensement des risques, l’élaboration de documentation réglementaire, la rédaction des plans d’intervention ». Bien que les agents

publics de cette politique intercommunale n’aient pas été consultés pour l’écriture des statuts, les marges de manœuvre de la prévention et la gestion des risques sont importantes. À la communauté urbaine de Nantes, les compétences concernant la prévention et la gestion des

191 Entretien retranscrit en annexe du master de recherche (GRALEPOIS, 2004).

192 Les statuts révisés en mai 2004 dans le cadre du passage du statut de communauté urbaine de Lyon de 1966 à la forme d’EPCI de la loi de 1999.

risques sont dispersées entre des compétences obligatoires de « lutte contre la pollution de

l’air ; Lutte contre les nuisances sonores » et « d’environnement et cadre de vie : Actions pour l’aménagement, Prévention des risques technologiques et naturels majeurs et lutte contre les pollutions ». Cette compétence comprend aussi la gestion des animaux errants et le

volet logistique de la lutte et de secours contre l’incendie pour le compte du SDIS193.

Les compétences de prévention et de gestion des risques sont davantage formalisées et autonomes dans le cas de l’agglomération du Havre alors qu’au contraire elles sont dispersées dans le cas de la communauté urbaine de Lyon. Ces compétences sont acceptées sans débat entre élus ni conflit politique. Il est surprenant de voter des compétences et donc de décréter d’intérêt communautaire un domaine d’action publique auquel les représentants élus se sont peu intéressés les décennies précédentes.

Pourtant, cette compétence est au carrefour des pouvoirs de police des maires et des services d’État. Elle aurait pu susciter des interrogations sur les contours de son transfert. Lorsque les agents publics « risques » dans les EPCI expriment les raisons de cet unanimisme, l’argument principal valorise directement leur rôle administratif et politique. Selon eux, la compétence « prévention et gestion des risques » est un service d’expertise, d’aide et de support à la décision en matière de prévention et de gestion des risques pour le compte des élus communaux. Les agents publics en charge des risques collectifs se disent voués à l’action publique municipale, notamment à l’application du pouvoir de police, et que les élus perçoivent spontanément leur intérêt dans ce service.

« Notre compétence, c’est de l’assistance et du conseil. Je dis que je

suis à la disposition des maires, que je peux envoyer des documents, aller à un conseil municipal… Je suis à leur disposition, mais c’est eux qui décrochent le téléphone. (…) [La compétence de prévention et de gestion des risques] n’est pas obligatoire, les communes pourraient tourner le dos. Si c’était obligatoire, c'est-à-dire avec des responsabilités, là on mettrait plus la pression mais aussi on aurait plus les moyens. » Entretien P.M., chargé de mission géographie des risques, DIRM, CODAH, 13 décembre 2006.

« On est des fonctionnaires, pas les décideurs. On est rigoureux

dessus, on joue notre rôle de proposition et d’aide à la décision, à partir du moment où les élus sont contre, ça ne va pas plus loin. ».

Entretien I.B., chargé de mission Mission Risques et Pollutions, DGSU, Nantes Métropole, 11 octobre 2006.

193 Dans le cadre des transferts de la compétence sur la gestion de la ressource en eau, la communauté urbaine de Nantes est compétente sur l’entretien et le bon fonctionnement des bornes incendie pour le compte du SDIS (comme par exemple, le débit ou la pression).

« Je pense que ce qu'on a mis en place ne sera pas remis en cause

même s'il y a un changement politique, je pense que c'est dans le bon sens. Qui pourrait aller contre ce type de politique qui répond à une demande citoyenne ? C'est le bon sens et l'évolution de la société. »

Entretien J.G. directeur de la Mission Risques et Pollutions, DGSU, Nantes Métropole, 15 février 2006.

Les agents publics porteurs d’une approche intercommunale de prévention et de gestion des risques ont bien saisi les enjeux et les limites de cette compétence « prévention et gestion des risques ». Pour cause, ils en sont les principaux artisans. Ce domaine est inscrit officiellement dans les organigrammes mais son caractère facultatif peut, par exemple en cas de changement d’équipe municipale, rendre la compétence optionnelle, voire superficielle, aux yeux des élus194. Ces citations soulignent d’ailleurs les possibilités de mise en dépendance

des agents publics des risques collectifs vis-à-vis des élus. Même si ces derniers ont voté cette délégation, les agents publics de la prévention et de gestion des risques continuent de convaincre leurs élus et de légitimer leur travail au-delà de l’écriture des compétences dans les statuts juridiques des EPCI.

Au final, il peut apparaître étonnant que le vote de la compétence statutaire de « prévention et gestion des risques » dans les EPCI ne soulève pas de questionnement sur les contours d’un domaine au croisement des politiques de sécurité, d’environnement ou d’hygiène. Toutefois, le plébiscite des élus communaux semble davantage dû à une méconnaissance des limites du champ d’intervention qu’à un accord massif en connaissance de cause. Plus généralement, ce constat permet d’émettre l’idée que les conflits de représentation territoriale et d’identité administrative ne se jouent pas au moment du vote politique des élus. De fait, ce constat confirme qu’il ne faut pas réduire le processus de mise sur agenda à l’apparition dans les statuts et dans les compétences des institutions (Garraud, 2006). Alors que les élus communaux sont relativement absents de la démarche de construction administrative et d’implantation institutionnelle d’une action publique de prévention et de gestion des risques au niveau intercommunal, les agents publics continuent de décliner leur définition des risques endo-urbains et leur approche intercommunale de la prévention et de la gestion de des risques. Pour cela, ils montrent que cette compétence est obligatoire juridiquement, mais aussi qu’elle est indispensable pour le développement et la régulation des agglomérations.

194 Il est possible de retirer des compétences à l’EPCI ou de les rétrocéder aux communes selon des procédures de vote propre à chaque type d’EPCI.

2. La justification juridique de la compétence « prévention et gestion des risques » par le

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