• Aucun résultat trouvé

L’inscription dans l’organigramme aux côtés des politiques urbaines est peu visible et les contours de la compétences suscitent des doutes

Conclusion du chapitre 2 La territorialisation institutionnelle de la prévention et de la gestion des risques : entre opportunités et

Chapitre 3 Organisation administrative et instruments d’action publique, outils de consolidation de « l’évidence territoriale » ?

1. L’inscription dans l’organigramme aux côtés des politiques urbaines est peu visible et les contours de la compétences suscitent des doutes

Michel Crozier a démontré que les organigrammes ne forment pas un « système

complètement rationnel tel que celui dont rêvaient les théoriciens de l’organisation scientifique du travail »205. Son analyse stratégique de la sociologie des organisations invite à

étudier les luttes définitionnelles comme des conflits de légitimité et de pouvoir.

Lors du mémoire de recherche206, deux tendances majeures avaient été relevées dans l’organisation administrative de la prévention et de la gestion des risques collectifs des communes. Une première tendance privilégie les liens avec les services urbains en réseau (comme le rattachement aux directions de la voirie, de l’eau ou de l’assainissement). La seconde tendance considère la prévention et la gestion des risques comme reliées aux politiques d’aménagement des territoires (comme le rattachement aux directions de l’urbanisme ou de l’environnement). Qu’en est-il de cette dichotomie dans le cas des EPCI ? L’affichage sémantique et le positionnement hiérarchique des services de risques collectifs illustrent cet enjeu de légitimité et de pouvoir. Trois éléments sont pris en compte pour étudier les modalités d’inscription dans l’organigramme des EPCI : le nom du service, son format administratif et sa direction générale de rattachement.

- Des dénominations hétérogènes peu révélatrices des liens avec les politiques urbaines

Dans l’enquête quantitative de 2006 pour le conseil national de la protection civile, certaines dénominations de services affichent leur proximité avec les politiques de sécurité civile (comme la communauté d’agglomération du Pays d’Aix en Provence : « Direction de la sécurité et de la prévention des risques ») ou bien avec les risques majeurs (comme la communauté d’agglomération d’Angers, d’Avignon ou de Salon-de-Provence). D’autres se retrouvent dans les politiques d’environnement (comme à la communauté urbaine de Strasbourg : « Écologie urbaine », à la communauté d’agglomération de Saumur Loire : « Service Risques et stratégie environnementale »).

Pour les trois EPCI observés, la communauté d’agglomération du Havre a choisi d’appeler son service : « direction pour l’information sur les risques majeurs ». La communauté urbaine de Nantes l’a nommé : « mission risques et pollutions », alors que la communauté urbaine de Lyon a retenu : « mission sur les risques majeurs ». À la communauté d’agglomération du Havre, le service dédié aux risques devait s’appeler « direction de prévention des risques majeurs ». Le « P » de prévention a posé problème au président de l’EPCI qui ne veut pas apparaître comme « le super-maire qui prend en charge tous les

205 CROZIER Michel, Le phénomène bureaucratique, Le Seuil, Paris, 1963, p.194. 206 GRALEPOIS Mathilde, La gestion locale des risques urbains, 2004, op.cit.

risques de l’agglomération »207. Ensuite, il y eu « direction des risques majeurs » mais

l’administration générale a trouvé que ce nom avivait des controverses, encore absentes, autour du transfert d’une compétence de sécurité civile à l’EPCI. La notion « d’information sur les risques majeurs » est choisie pour résoudre le problème.

Au-delà de l’analyse sémantique des différences d’appellation des services de prévention et de gestion des risques dans les EPCI, deux remarques peuvent être formulées. Concernant le nom donné aux services, la diversité des appellations ne permet pas de souligner des tendances homogènes d’affichage. La référence aux politiques urbaines est absente, alors que le souci de positionner la prévention et la gestion des risques par rapport aux autres acteurs institutionnels (surtout les maires, les préfets, les services de l’État ou les pompiers) est beaucoup plus présent.

L’analyse pragmatique des trois cas montre que le choix de la nomination du service de prévention et de gestion des risques entraîne une prise de conscience des conséquences de la répartition des activités et des responsabilités. Dans les trois agglomérations étudiées, l’appellation du service pose problème. Ces complications se focalisent sur les possibilités d’empiètement des pouvoirs de police des maires et des services d’État, notamment des préfets. Comparons les débats sur la dénomination du service de l’agglomération havraise à l’absence de conflit soulevé par le titre de « risques majeurs » donné par les agents publics de l’agglomération lyonnaise. Les tergiversations pour nommer le service de prévention et de gestion des risques de la communauté d’agglomération du Havre traduisent davantage un souci d’affichage externe de ne pas s’exposer à des conflits de responsabilités qu’à un souci d’affichage interne d’une identité administrative. À la communauté urbaine de Lyon, la mission s’intitule « risque majeurs » alors que c’est justement l’objet de controverses dans d’autres EPCI. Or, il s’avère que ce service « risques majeurs » est dissimulé dans un organigramme complexe et qu’il ne dispose d’aucun levier d’action dans sa direction générale. Dès lors, l’analyse de la dénomination des services doit rester consciente des limites des effets d’affichage, mais elle doit aussi rester attentive aux résultats recherchés par ces efforts de labellisation.

- une diversité de format administratif peu propice à la visibilité

Selon les analyses sociologiques des organisations bureaucratiques, les formats administratifs « structurent et délimitent le champ d’exercice des relations de pouvoir entre

les membres d’une organisation, et définissent ainsi les conditions auxquelles ceux-ci peuvent négocier les uns avec les autres »208. Pourtant, les différences de format des services

207 Extrait d’entretien exploratoire, P.L., directeur de la DIRM, CODAH, 17 octobre 2005. 208 CROZIER Michel & FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, Points, Paris, 1977, p.78.

administratifs des trois cas observés ne révèlent pas en soi les modalités d’un rapport de pouvoir qui permettrait d’exposer ou d’occulter l’approche urbaine des risques collectifs.

À la communauté d’agglomération du Havre, le service de prévention et de gestion des risques est une « direction », c'est-à-dire un service indépendant avec des moyens, du personnel et un budget. Dans les communautés urbaines de Lyon et de Nantes, ce sont des « missions » sauf que dans l’agglomération lyonnaise cette mission est thématique, c'est-à- dire qu’elle a un domaine de compétence délimité alors que la mission nantaise est dite « transversale » à toute sa direction de rattachement. Cette différence entre les deux missions est étonnante car, à l’étude des statuts des communautés urbaines de Lyon et de Nantes, le domaine de compétence de la prévention et de gestion des risques lyonnaise est dit « partagé » alors que celui de la communauté urbaine de Nantes est attribué en propre.

Le choix du format administratif –que ce soit la « direction » havraise, la « mission transversale » nantaise ou la « mission thématique » lyonnaise– est relativement peu éclairant. Par contre, le choix de la direction générale de rattachement est un élément important dans le processus identitaire des services de prévention et de gestion des risques.

- une direction générale de rattachement

Une place dans un organigramme n’est pas un choix purement technocratique et gestionnaire. C’est une décision politique de rendre visible ou non, d’affilier à un domaine d’action publique, de soumettre à un pouvoir hiérarchique mais aussi de donner des moyens d’action ou non (voir figures, n°6, 7 et 8).

Organigramme de la Direction générale des Services Urbains

Outline

Documents relatifs