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La décentralisation : un principe de dignité constitutionnelle

SECTION I. L´ÉMERGENCE JURIDIQUE DE LA DÉCENTRALISATION : UN MOUVEMENT VERS L´INSTAURATION ET CONSOLIDATION DE LA

2. La décentralisation : un principe de dignité constitutionnelle

Après un début hésitant, la décentralisation est aujourd´hui consacrée comme un véritable principe constitutionnel, en Angola et au Mozambique, répondant ainsi, à notre avis, au discours décentralisateur qui la veut comme principe structurant, ce que permet sa constitutionnalisation.

La consécration de la décentralisation comme principe constitutionnel montre l´importance juridique qu´on lui accorde dans ces deux pays.

Si comme nous l´avons vu précédemment, la décentralisation a été consacrée dès la première Constitution ou loi constitutionnelle libérale, dans ces deux pays, notamment, la Constitution mozambicaine de 1990 et la loi constitutionnelle angolaise nº23/92, cette consécration n´était ni claire ni précise. Une consécration claire et précise de la décentralisation en tant que principe constitutionnel, n’est intervenue qu’à posteriori. Elle est intervenue d´abord au Mozambique, avec l´approbation de la loi de révision constitutionnelle nº9/96 qui répondait aux critiques des acteurs politiques sur le manque de précision, voire l´inexistence d’une quelconque consécration juridique dans la Constitution de 1990, fruit de la confusion juridique de sa consécration, comme nous l´avons vu.

À travers cette loi, approuvée par une Assemblée déjà multipartite, la décentralisation devient au Mozambique un principe constitutionnel. Elle annule la loi nº3/94 approuvée sur la base peu claire et imprécise de la Constitution de 1990. Elle fait de la décentralisation un principe juridique structurant, au Mozambique.

C´est cette consécration qui est en vigueur, aujourd’hui, au Mozambique après être reprise et confirmée par l´actuelle Constitution mozambicaine, la Constitution du 30 Novembre 2004.

Ainsi, on retrouve dans l´actuelle Constitution mozambicaine, la Constitution du 30 Novembre 2004, un titre dédié exclusivement à la décentralisation [le Titre XIV] que consacré la décentralisation comme «pouvoir local», c´est-à-dire, un pouvoir distincte du pouvoir étatique.

Cette consécration, parallèlement au faite de donner à la décentralisation une existence constitutionnelle distincte, présente aussi, entre autres, ceux que sont les objectifs de la décentralisation (article 271), les types des entités de la décentralisation (articles 272 et 273), les rapports entre ces entités et l´État (article 277), bien comme les compétences et les moyens de ces entités.

Comme au Mozambique, en Angola il fallait aussi attendre la nouvelle et actuelle Constitution qui a remplacé la loi constitutionnelle nº23/92 pour voir consacrer véritablement, de façon claire et précise, la décentralisation comme principe constitutionnel. Cela a été fait par la Constitution angolaise du 05 Février 2010. À la similitude du Mozambique, la Constitution angolaise du 05 Février 2010 prévoit- elle aussi la décentralisation de façon distincte, en la réservant aussi un titre exclusive dans la Constitution, le titre VI.

La Constitution angolaise présente aussi, entre autres, ceux que sont les objectifs de la décentralisation (article 217(1)), les types des entités de la décentralisation (article 213(2)), les rapports entre ces entités et l´État (article 221), bien comme les compétences et les moyens de ces entités. Il faut dire que la Constitution angolaise va plus loin, par rapport à la Constitution mozambicaine, en prévoyant par exemple, les autorités traditionnelles comme des entités de la décentralisation (articles 223 et suivants).

Alors on assiste, dans ces deux pays, à un mouvement de consolidation juridique de la décentralisation, avec la constitutionnalisation de la décentralisation de façon claire et précise.

Ainsi la décentralisation est aujourd´hui, en Angola et au Mozambique, un véritable principe constitutionnel, ce qui fait d´elle un principe juridique structurant. Elle s’en trouve aussi juridiquement garantie.

Sous-section II. L´octroi des garanties juridiques à la décentralisation

Hans Kelsen disait, «liberté vaut autant que sa garantie»481, ce qu´on peut traduire par rapport à la décentralisation comme : la consécration juridique de la décentralisation vaut autant que les garanties juridiques qui lui sont octroyées. C´est-à-dire qu’elle n’est complète qu’avec des garanties juridiques.

Cette idée, l´Angola et le Mozambique l´ont comprise. Ils ont octroyés des garanties juridiques à la décentralisation, poursuivant ainsi le mouvement d´instauration et consolidation juridique de la décentralisation. D´ailleurs José ALEXANDRINO parle de substantielle protection du pouvoir local, dans ces deux pays482.

L´octroi des garanties juridiques, dans ces deux pays, non seulement fait de la décentralisation une institution juridique forte, mais aussi répond au discours décentralisateur que la veut un principe structurant de ces pays.

La décentralisation vient bouleverser l´organisation politique et administrative de ces deux pays. Il faut donc la protéger face à des possibles menaces. Cette protection de la décentralisation serait assurée, à notre avis, par l´octroi des garanties juridiques à la décentralisation. C´est-à-dire, il faut donner à la décentralisation les moyens de se protéger contre les possibles menaces.

Théoriquement, en matière de décentralisation, il faut distinguer à notre avis, deux types de garanties : des garanties normatives et des garanties juridictionnelles, selon le fait qu´elle permet d´affirmer la décentralisation ou de contester juridiquement la violation de la décentralisation.

En analysant l´ordre juridique de ces deux pays, on trouve plutôt des garanties normatives que les garanties juridictionnelles à la décentralisation.

Les garanties normatives, notamment, «la décentralisation comme limite matérielle à la révision constitutionnelle» et «la décentralisation comme réserve de Loi» contribuent

481 Hans Kelsen cité par AJA, Eliseo : Les Garanties Des Droits. Exposition réalisée à la Faculté de Droit de l’Université Mohammed V, Rabat, 01-10-2004. p. 02. http://idpbarcelona.net/docs/recerca/marroc/pdf/act_garanties_des_droits.pdf . Consulté le 05/03/15.

482 ALEXANDRINO, José Melo: O défice de protecção do poder local: defesa da autonomia local perante o Tribunal Constitucional? Direito Regional e Local, 05, pp. 12 - 27.

à la consolidation de la décentralisation, dans la mesure où elles permettent une pérennité et une stabilité à la décentralisation, respectivement.

Si ces garanties normatives permettent de protéger juridiquement la décentralisation, tout en affirmant sa nature de principe structurant, poursuivant ainsi la consolidation juridique de la décentralisation attendue, le fait que les garanties juridictionnelles à la décentralisation restent faibles et même inexistantes [on regard ici principalement la garantie de recours à la juridiction constitutionnelle] peut, à notre avis, compromettre ce mouvement de consolidation juridique de la décentralisation.

Ainsi, le mouvement de consolidation de la décentralisation, par l´octroi des garanties juridiques, est fait de façon incomplète, car si d´un côté, on octroie à la décentralisation des garanties normatives (1), d´autre côté les garanties juridictionnelles ne lui sont pas complètement octroyées (2).