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LES QUESTIONS SOCIALES

XIII. LA CREATION D'EMPLOIS

Source :Secretariat de la CEA.

aTotal de la population economiquement active en Afrique (en millions).

TABLEAUXIII. 1 POPULATION ECONOMIQUEMENT ACTIVE ET TAUX ELABORES D' ACTIVITE (HOMMES ET FEMMES) POUR LA PERIODE1981-1987

Sous-region 1981 1987 1981 1984 1987

Afrique du Nord 31 191 37209 39,90 41,10 40,20 Afrique de I' Ouest 62779 71 256 63,35 61,70 60,25 Afrique centrale 24224 27 653 64,85 62,25 61,25 Afrique de I'Est et

Afrique australe 67 158 78 192 69,30 68,05 67,00

Total Afrique 185 214 59,25 58,40 57,55

470. Les effets d'une economie en voie de tassement ont surtout touche les travailleurs agricoles et ceux des in-dustries manufacturieres et de la construction. Le serieux recul du secteur agricole, surtout cause par Ie manque d'at-tention accordee aux petits exploitants, notamment aux femmes du secteur alimentaire, ainsi que des politiques inaptes a promouvoir les activites rurales et Ie developpe-ment non agricole, ont contribue a faire des zones rurales Ie lieu d' origine du probleme de I' emploi en Afrique. Par ailleurs, I' industrie elle-meme a ete insuffisamment orientee vers des activites a forte intensite de travail qui lui auraient permis d' absorber une main-d' reuvre toujours plus impor-tante. En fait, l'industrie n'utilisant qu'environ la moitie de sa capacite de production, il en resulte une immobilisation de ressources nationales considerables dans la plupart des pays, sans que de nouvelles possibilites d'emploi ne soient

creees. Jointes aux reductions intervenues en matiere de depenses d' equipement, ces circonstances ont prive la re-gion Afrique d'environ 1,5 million d'emplois permanents, sur une base annuelle, au cours de la periode allant de 1985 a 1987, c'est-a-dire a un moment ou Ie gel de l'embauche a supprime des centaines de milliers de possibilites d' em-plois. La reduction du nombre des travailleurs est venue s' ajouter a une situation deja precaire en creant quelque trois millions de nouveaux chomeurs au cours de la meme pe-riode. En 1988, Ie nombre des licenciements dans Ie secteur public avait atteint 12 000 et 30 000 respectivement au Senegal et en Guinee, et 80 000 et 1,1 million au Ghana et au Nigeria respectivement.

A. LE CHl>MAGE

471. Selon certaines estimations, Ie chomage, qu' il soit declare ou deguise, a augmente d'environ 8 %entre 1980 et 1985. Les taux de chomage urbain sont passes de 10 % au cours des annees 70 a environ 30% au milieu des annees 80, les taux les plus eleves s' observant surtout dans les pays les moins avances comme Ie Burkina Faso, l'Ethiopie, la Guinee, Ie Niger, Ie Senegal, la Sierra Leone, la Somalie et Ie Togo. Des taux de chomage en augmentation et une main-d'reuvre qui s'accroit a un taux annuel de 2,7 %font qu' en chiffres absolus Ie nombre des chomeurs et des per-sonnes sous-employees dans la region se multiplie a un rythme inquietant. Ainsi, les estimations de la CEA indi-quent que Ie nombre des chomeurs declares est passe de 9,7 millions en 1983 a 22 millions en 1985, ce qui represente pres de 40 % de la population active. Les sous-employes ont augmente de 63,6 millions a 95 millions au cours de la meme periode2

472. Le profil et les caracteristiques sociales des sans-travail sont de la plus haute importance en ce qui concerne Ie developpement futur de la region Afrique. Les donnees disponibles indiquent que les jeunes ages de 15 a 24 ans constituent de 65 a 75 % des chomeurs, alors qu'ils ne representent que 30%de l'ensemble de la population. Leur taux de chomage est, en moyenne, trois fois plus eleve que celui des adultes. Pour leur part, les femmes forment un groupe important parmi les chomeurs. A mesure que les marches de I' emploi se sont restreints et sont devenus plus incertains, en raison de la crise et des programmes d'ame-nagement de· structure (PAS), les femmes ont eu a faire face a la discrimination en matiere d'emploi. Les etudes menees par Ie Programme des emplois et des competences tech-niques pour I' Afrique (PECTA) de I'Organisation interna-tionale du Travail montrent que les femmes ont deux fois plus de chance que les hommes d'etre licenciees. Ces etudes indiquent egalement que les taux de chomage des femmes, a la fois eleves et en constante augmentation, s' etendent bien au-dela du plafond d' age de 25 ans, alors que Ie cho-mage chez les hommes demeure essentiellement un phe-nomene qui affecte les jeunes. Ceci entraine de serieuses consequences pour les femmes qui sont meres ou menageres ou qui, de plus en plus frequemment, gerent une exploitation agricole.

469. Comme pour d'autres regions en developpement, les donnees concernant l'emploi, les revenus, la pauvrete et d' autres facteurs sociaux en Afrique sont a la fois frag-mentaires et sujettes a varier selon les definitions qu' on leur donne. De plus, la plupart des donnees disponibles ne sont pas suffisamment detaillees pour reveler les aspects quali-tatifs, la portee et I' acuite des variables qui touchent les differents groupes socio-economiques. Neanmoins, une analyse attentive des donnees disponibles demontre claire-ment qu' il existe une nette deterioration de I' emploi pro-ductif dans la region1 Le tableau XIII. 1 indique, pour la periode 1981-1987, une chute des taux elabores d' activite pour toutes les sous-regions. Alors que les estimations in-diquaient que I'emploi global s' etait accru annuellement de 2 % en Afrique au sud du Sahara au cours des annees 70, il a ete stagnant au cours des annees 80, et la situation de l'emploi, prise dans son ensemble, s'est aggravee de 16% entre 1980 et 1987. Etant donne l'impulsion actuelle vers les ajustements structurels, la situation economique exte-rieure peu favorable ainsi que les difficultes que presentent les changements fondamentaux dans les domaines de la population, des revenus et de la distribution des ressources entre les zones urbaines et rurales et entre les riches et les pauvres, les perspectives concernant I' emploi apparaissent comme etant fort sombres.

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473. Le probleme du ch6mage presente aussi, et de plus en plus, la particularite de toucher des individus qui ont ete eduques, ce qui a pour effet de supprimer les gains chere-ment acquis grace aux sacrifices financiers et sociaux des familIes et des gouvernements. Le desequilibre entre Ie nombre des dipl6mes et les besoins de main-d' reuvre d' eco-nomies en voie de tassement a eu pour consequence que, pour I' ensemble de la region en 1987, de 4 a 5 millions d'individus ayant re~u une formation etaient sans travail.

Dans plusieurs pays, il est fort inquietant de constater que Ie taux de ch6mage des individus formes a tendance a etre plus eleve, atteignant parfois Ie double des taux de ch6mage de ceux qui n'ont beneficie d'aucune formation. Par exemple, des etudes de depistage entreprises en 1986 chez les dipl6mes nigerians ont demontre que seulement 58 % d' entre eux avaient reussi a obtenir un travail a plein temps, 18 mois apres avoir termine leur stage au service national de la jeunesse. On a aussi constate un important sous-emploi de meme que du Illecontentement : 30 % des dipl6mes consideraient que leur formation etait sans rapport avec leur travail et 60 % d'entre eux n'aimaient pas ce qu'ils fai-saiene. A cause de contraintes budgetaires, plusieurs gou-vernements se sont vu obliges de supprimer la garantie d'un emploi dans la fonction publique anterieurement accordee aux dipl6mes.

B. EXODE DES COMPETENCES

474. Paradoxalement, plusieurs pays ou Ie ch6mage des diplomes cree un probleme social couteux n 'hesitent pas a avoir recours

a

I' emploi d' etrangers dans plusieurs secteurs de leur economie. Par exemple, on estime qu'au moins 80 000 residents etrangers appartenant au personnel de I' as-sistance technique travaillent contractuellement dans les sec-teurs publics et parastataux d'une quarantaine de pays de I' Afrique au sud du Sahara, entrainant ainsi des depenses s' elevant

a

au moins 4 milliards de dollars. Quelque 10 000 d' entre eux sont employes uniquement dans Ie secteur agri-cole4. De telles tendances aussi contradictoires resultent de politiques insuffisantes en matiere de planification, de de-veloppement et d' exploitation des ressources de la part des pays d' Afrique de meme que des interets des pays donateurs et des conditions qu' ils imposent.

475. Les consequences pernicieuses de telles pratiques sont nombreuses et on constate notamment une baisse du moral et des motivations ainsi qu 'une efficacite diminuee de la part des personnels africains qualifies et experirnentes.

Leurs conditions de travail sont souvent deplorables tant en ce qui concerne leur remuneration que les moyens mis a leur disposition pour effectuer leurs taches. Ceci est parti-culierement vrai dans Ie cas des specialistes ~n sciences agronomiques, des ingenieurs, des medecins et des ensei-gnants des niveaux secondaire et superieur qui manquent d'outils, d'equipements, de livres, de materiel et de pos-sibilites de transport. En revenu reel, la valeur de leurs traitements s' est litteralement effondree entre 1980 et 1984, face a la brusque augmentation des prix. Par exemple, en 1984, la valeur reelle du traitement mensuel d 'un professeur d'universite en Sierra Leone equivalait

a

66 dollars, au Ghana un medecin touchait 42 dollars et Ie Secretaire general d'un ministere ougandais recevait 40 dollars.

476. II en est resulte un serieux accroissenlent de l'exode des competences d'Afrique. On evalue

a

70 000 Ie nombre d' Africains moyennement ou hautement qualifies ou d'un niveau professionnel qui travaillent actuellement en Europe, en Amerique du Nord ou en Asie occidentale. Plus de 30 000 d' entre eux ont quitte Ie continent entre 1984 et

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1987. Enfin, un nombre important de personnel forme a aussi obtenu du travail dans d' autres pays d' Afrique.

C. CARENCE DE LA SECURITE SOCIALE

477. La plupart des hommes et des femmes n'ayant pu emigrer sont passes au secteur non structure dans leur propre pays. Ainsi, de nombreux fonctionnaires, des enseignants, des infirmieres et d' autres employes de la fonction publique se sont efforces de subvenir a leurs besoins indispensables en mettant sur pied de toutes petites entreprises dont ils s' occupent meme pendant les heures de travail officielles ou enexer~antpartiellement leurs activites professionnelles pour leur propre compte. Les familIes

a

faible revenu ont ete contraintes de retirer leurs enfants de I' ecole pour qu' ils se consacrent a des activites remuneratrices, risquant ainsi de voir surgir de graves problemes sociaux lies au travail des enfants.

478. Dans une certaine mesure, les problemes de l'em-ploi dont il est question sont dus au fait que la portee de la protection accordee par la securite sociale officielle est tres restreinte et que son concept est d' inspiration etrangere au milieu. II est de fait qu' en periode de crise, quantite de souffrances humaines ont ete soulagees grace aux traditions consacrees par l'usage d'entraide familiale et communau-taire. Dans certains pays comme l'Egypte, la Somalie et Ie Soudan, les rapatriements de salaires des travailleurs mi-grants ont fourni un filet de protection tout en assurant les besoins des familIes dans les villages.

479. De la memefa~on,les menages africains, notam-ment ceux comprenant des femmes, ont manifeste un grand esprit de ressource et beaucoup de ressort. Leur recours au secteur non structure a permis la creation de quelque 6 millions d' emplois entre 1980 et 1985, alors que Ie secteur moderne n'a assure que 500 000 nouveaux emplois. Le secteur non structure a offert des debouches

a

un plus grand nombre de femmes que Ie secteur moderne et cela a permis aces dernieres de travailler dans les services tertiaires et la preparation alimentaire, en plus de vaquer a leurs taches menageres et de veiller aux enfants. Mais ilne faut surtout pas se contenter de penser que Ie secteur non structure n' a servi que de «coussin» aux femmes et aux pauvres. Le travail y est ennuyeux et souvent execute dans des conditions ou la securite et l'hygiene sont defaillantes. Les revenus provenant des micro-entreprises, et leur productivite, sont faibles.

480. En demiere analyse, lorsque aucun des deux sec-teurs n' a ete en mesure d' assurer I' emploi et les revenus des individus et des familIes, les frustrations, I' oisivete et la pauvrete ont entraine les troubles sociaux. Bien que les donnees et les statistiques incontestables fassent partielle-ment defaut ou soient insuffisantes, il existe des indications tres sures que Ie crime, la corruption, la delinquance ju-venile, la desorientation de la jcunesse, Ie trafic des stu-pefiants et la violence prennent des proportions grandissantes dans plusieurs pays. Le systeme d' entraide spontanee a ete rudement mis

a

I' epreuve, la vie familiale a ete perturbee

a

la suite de fortes migrations et les femmes qui ont ete forcees de prendre en main de 30

a

50 %des menages, surtout dans les campagnes, sont accablees

a

force d' avoir

a

assurer la survie de la famille.

D. NouvELLEs INITIATIVES DE CARACTERE POLITIQUE

481. Compte tenu des multiples consequences d' ordre social de la crise de l'emploi, plusieurs pays ont pris de

Ii' ,

nouvelles initiatives de caractere politique ayant surtout pour objet de renforcer les organismes nationaux dont la vocation est de servir Ie monde du travail, d' accroitre la capacite du secteur non structure

a

faciliter Ie travail independant, et d' encourager une participation plus importante de la femme et des jeunes au developpement du pays. La plupart des pays sont maintenant pourvus des mecanismes propres

a

promouvoir l'avancement des femmes et des jeunes quoique, dans certains cas, les ressources soient insuffi-santes pour assurer une pleine efficacite.

482. Au Kenya, une commission presidentielle de l'em-ploi a ete creee en 1982 et un bureau national de I' eml'em-ploi a ete etabli en 1987. La Republique-Unie de Tanzanie a adopte, en 1983, la loi sur Ie developpement des ressources humaines et a mis en place un programme propre

a

encou-rager l'emploi productif dans les zones tant rurales qu 'ur-baines. La Cote d'Ivoire a accorde une attention particuliere au developpement du secteur non structure dans Ie cadre d 'une nouvelle politique nationale de I' emploi adoptee pour la decennie 1985-1995. Le Programme d'action afin d'at-tenuer les consequences sociales des ajustements, adopte au Ghana

a

la fin de 1987, comporte des dispositions propres

a

assurer la formation et Ie placement pour certains fonc-tionnaires dont les postes ont ete supprimes, de meme que des travaux publics

a

forte proportion de main-d' reuvre et des projets permettant d' accorder du credit et d' assurer des

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revenus aux femmes et aux chefs de petites entreprises dans les zones defavorisees. Le Nigeria a cree une nouvelle di-rection de I' emploi ainsi qu' un programme national de I' ap-prentissage. Ce programme a permis d'assurer

a

100 000 jeunes qui ont quitte I' ecole en 1987/88, une formation et des services d' appui axes sur Ie travail independant. Des projets apparentes dans Ie domaine des travaux publics, du reboisement et de l' agriculture contribuent egalement

a

creer des possibilites d' emploi pour les jeunes. II convient tou-tefois d' observer que les effets de ces programmes curatifs ne peuvent etre que limites. Le veritable defi consiste

a

supprimer la pauvrete et les inegalites socio-economiques, notamment dans les campagnes ou reside la source princi-pale des problemes de l'emploi.

NOTES

IVoir I' annexe au Rapport sur La situation sociaLe dans Ie monde, decembre 1988.

2E/ECA/CM. 14/31 /Rev . 1.

3Federal Republic of Nigeria,Report of Graduate EmpLoyment Tracer Study1986, National Manpower Board, Manpower Studies No. 24 (Lagos, 1988).

4Fonds international de developpement agricole : "Human Resources, Structural Adjustments and the Development of Smallholders and the Rural Poor" (mars 1988).

II' ,