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PARAGRAPHE II : LA FONCTION INCULCATIVE DU DISCOURS UNITAIRE : LA MISE EN MAJESTE DU DISCOURS

TABLEAU N° 3 : REPARTITION DES OCCURRENCES PAR PROVINCE

B- L’OBJECTIVATION DES ACTES DE RUPTURE PAR LE REFERENCIEL CONCURRENTIEL : L’ELARGISSEMENT

1- La construction discursive de la concurrence

Dans le corpus que nous avons retenu comme échantillon , le discours libéral n’y est pas absent. Le thème libéral ainsi que celui de l’unité nationale structurent avec un égal impact le discours présidentiel ; un travail lexicométrique a été réalisé sur la base d’une unité de numération associant les thèmes relatifs à l’ouverture démocratique. Dans un souci de nouveauté, il a

464 Bailey(FG), Les règles du jeu politique, Paris, PUF,1971, pp.15-25.

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introduit dans sa police discursive l’élément libéral comme acte symbolique de rupture465 avec l’ordre ancien.

Parmi les éléments discriminés par unité d’énumération nous avons retenu : la démocratie, la participation, l’ouverture démocratique, la démocratisation, le changement, le multipartisme. L’on s’aperçoit que le Président de la République en fait un large usage dans les discours et allocutions rituels ; suivent par ordre d’importance numérique, les interviews, les discours de visite provinciale, les discours de propagande partisane, les allocutions de circonstances et les allocutions diplomatiques.

Mais ce discours à consonance libérale est resté ambigu quant à ses rapports avec la réalité. En effet, le Chef de l’Etat lors d’une visite effectuée en France en mars 1983 a d’abord reconnu la constitutionnalité du multipartisme ; ce qui suscitera dans les milieux « upécistes » en France un certain espoir. Il jettera ensuite un pavé dans la marre en précisant que « L’UPC en tant que telle

n’a pas d’existence légale au Cameroun. Mais je sais qu’il y a des camerounais qui se réclament de cette appellation dont certains se trouvent en France ; mais je dis que s’ils veulent rentrer au Cameroun, ils peuvent rentrer ». Précision

-piège s’il en est ; puisque ceux des "upécistes" qui se sont risqués dans l’aventure ont été arrêtés par les forces de l’ordre466.

De même, le débat interne que le Président de la République tolère au sein du parti à partir de 1984 entre les rénovateurs et les fondamentalistes se referme en 1985 par une note de régression par rapport à ses prises de position antérieures. En tout cas, toute voie dissonante était étouffée et le Président de la République avait semblé n’octroyer au parti que quelques interstices d’apparente liberté.

465 L’élement libéral est de facture purement simulatrice et tend à susciter l’adhésion autour des mêmes

prétentions unitaristes ; il va sans dire que la conjoncture critique des années 90 va révéler les nettes tendances conservatrices du régime, et un redéploiement de la thématique unitaire.

466 Ils ont été accusés de subversion, pour distribution des tracts hostiles au pouvoir ; paradoxalement au cours

d’une interview réalisée dans le cadre du club de la presse de R.F.I. la même année, il déclara que « nous ne pouvons pas affirmer que… le Cameroun restera nécessairement dans le cadre d’un parti unifié … ».

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Le discours concurrentiel que le Président de la République veut libéral s’inscrit plutôt dans une perspective simulatrice . C’est le sens de l’une de ses boutades adressées à l’Union des Populations du Cameroun : "Les camerounais

n’ont plus besoin d’emprunter le maquis pour exprimer leurs opinions"467. Mais si cela est possible, cette liberté d’opinion ne peut être opérationnelle que dans le cadre du parti, considéré comme "avant-garde". Autrement dit, seul le parti dispose du monopole de la parole légitime.

Bien plus, ces "effets de croyance" auront une portée limitée en raison du maintien de l’ordonnance n°62-01-18-du 11 mars 1962 portant répression de la subversion qui en son article 3 définit comme subversif « Quiconque aura émis

ou propagé des bruits, nouvelles exactes, lorsque ces bruits, nouvelles, rumeurs ou commentaires sont susceptibles de nuire aux autorités publiques ». Ce texte

qui ne concerne directement pas le multipartisme, élimine à l’évidence toute dissonance et tout droit à l’opposition468.

Il reste que le ton libéral du discours présidentiel entre 1985-1990 montre que le pouvoir est obligé de subir le pluralisme de la société même si le parti exerce encore une puissante « fonction de conservation sociale »469.

467 Le chef de l’Etat n’envisageait effectivement cette liberté d’expression que dans le cadre d’un patronage

monopatisan ; alors que l’UPC croyait à un retour au multipartisme prévu à l’article 3 de la constitution du 2 juin 1972.

468 Minkoa (She. A.) – « Rupture et permanence de l’identité du subversif au Cameroun : Le droit pénal au

secours de la science politique », Polis, Revue camerounaise de science politique, vol1, n° spécial, fév 1996, pp.4-9.

469 Champagne (P.) – « Faire voter : notes sur la démocratisation politique en Russie » in Actes de la recherche

en sciences sociales, n°140, décembre 2001. PP.80-84.

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Tableau N° 6 : LES OCCURRENCES DE LA THEMATIQUE LIBERALE DANS LE DISCOURS PRESIDENTIEL. Catégories de discours Thème d’ouverture démocratique Discours et allocutions rituels interviews Allocutions diplomatiques Discours propagandistes Discours de visites internes Discours de circonstances Total Démocratie et démocratisation 33 22 1 11 8 0 75 Participation 18 9 1 3 18 2 51 Ouverture 9 5 1 3 2 0 20 Changement 9 3 1 0 6 6 25 Multipartisme 0 1 0 0 0 0 1 Total 69 40 4 17 34 8 172 % 40,11 23,25 2,32 9,88 19,76 4,65 100%

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Le tableau ci-dessus indique que le thème du multipartisme est quasi-inexistant. Ce qui conforte l’idée d’un maintien du monolithisme comme formule unique d’expression politique. Mais les thèmes comme ceux de la démocratisation, de la participation et de l’ouverture qui n’ont pas un contour précis occupent par contre une place importante dans l’univers discursif du Président de la République.

L’insertion du paradigme concurrentiel demeure donc largement contrôlée.