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L'exploration de l’activité discursive du Président de la République nous incline à cette option méthodologique. Il s'agira d'une analyse dirigée et de vérification ; puisqu'elle est déduite de l'hypothèse de travail. L'analyse du contenu privilégie deux dimensions : l'approche quantitative et l'approche qualitative.

Une certaine tradition méthodologique née d'une volonté de quantification en réaction contre l'analyse littéraire refusait le qualitatif comme catégorie d'analyse féconde. Il était assimilé à l'impressionnisme inapte à vérifier une hypothèse de travail.122 Cette opposition n'est pas fructueuse et perd d’ailleurs en systématisation. L'on sait aussi qu'une valorisation excessive à titre unique de la quantification peut conduire à des "débouchés pervers." ‘‘Une recherche un tant

soit peu ambitieuse en science politique par principe doit combiner la mesure avec la réflexion, le quantitatif avec le qualitatif, le point de vue extensif avec le point de vue intensif’’, écrit le professeur Slobodan Milacic.123 En tout cas, la science n'a comme garantie de sa fécondité explicative que le pluralisme méthodologique.

122 George (A.L.). Quantitative and qualitative approaches to content analysis, trend in content analysis, ed. Ithiel

de Sola Pool, University of Illinois press, urbana, 1959, (Introduction, p.5).

123 Slobodan (M.). Introduction à l’analyse du discours, Cours, DEA, Université de Yaoundé, 1989.

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Toutefois, la différence réside dans le fait que l'analyse quantitative privilégie la récurrence thématique ; alors que l'approche qualitative a trait à la nouveauté, l'intérêt et à la valeur d'un thème.

L'analyse du contenu est une méthode très exigeante qui grosso modo suppose la détermination du corpus, le choix des catégories et des unités de quantification et la quantification proprement dite. Le corpus est défini comme l'ensemble des documents réunis en vue d'une analyse et étant donné les objectifs. C'est ‘‘l'ensemble des données sur lesquelles s’effectue l'analyse du

contenu’’.124 Dans notre étude nous avons retenu un nombre important de

discours du Président de la République se situant entre 1982 (date de son accession à la magistrature suprême) et 1990 (année de l'instauration du multipartisme). Ce corpus correspond exactement avec l'espace-temps qui caractérise la gestion idéocratique. Pour lever la difficulté liée à la constitution de ce corpus abondant, nous avons procédé à un échantillonnage présentant les données à analyser en cinq rubriques : les discours rituels, les allocutions diplomatiques, les discours de propagande partisane, les discours de visite à l'intérieur du pays, les interviews. Cette typologie nous semble largement représentative pour une appréciation de la fonction d'inculcation des schèmes de représentation unitaires.

Les catégories quant à elles sont ‘‘des rubriques significatives en fonction desquelles le contenu sera classé et quantifié’’.125 Sa formulation est très exigeante et ‘‘une analyse de contenu ne vaut que ce que valent ses

catégories.’’126 Les spécialistes exigent d'elles un maximum d'objectivité, d'exhaustivité, d'exclusivité et de pertinence. Cela veut dire que les catégories doivent être suffisamment claires et avoir un rapport étroit avec l'objectif poursuivi et le contenu en traitement. Nos catégories correspondent aux

124 Muchielli (R.). L’analyse du contenu des documents et des communications, Paris, Editions EST, Entreprise

moderne d’Edition et Libraires Techniques, 1998, p. 45.

125 Grawitz (M.). Méthodes des sciences sociales, Paris : Dalloz, 1996, p. 560.

126 Berelson (B.). Content analysis in communication Research, Glencoe, III, The Press, p.156.

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différents types de discours ci-dessus mentionnés. Elles nous paraissent exhaustives car elles mettent en relief la communication nationale et la communication internationale du chef de l'Etat. Ces catégories seront rangées dans deux rubriques qui faciliteront l'usage de l'analyse centre-périphérie. Ainsi distinguerons-nous les discours du centre et les discours de pénétration périphérique.127

L'analyse du discours pose également le problème délicat du choix des unités de quantification. C'est-à-dire à partir de quels indices va-t-on procéder au travail arithmétique de quantification pour que cet exercice ne s'apparente pas à une simple impression générale et personnelle du sens du texte ; il est nécessaire de coder les significations intéressantes, étant donné les buts de l'analyse.

Nous nommerons par unité d'enregistrement, le "mot-base" sélectionné pour représenter tous ses synonymes. Cette simplification du vocabulaire nous permettra de procéder à des apparentements. Ainsi, l'unité considérée comme "mot-base", sera confondue à ses synonymes : rassemblement, solidarité, nous, intégration nationale, construction nationale, peuple camerounais, nation, œuvre commune, identité nationale, patriotisme. Comme on peut le constater, il ne s'agit pas d'une synonymie lexicale ; mais des rapprochements selon la signification que leur donne Roland Barthes lorsqu’il exige que "le sens soit dès

l'abord le critère de l'unité."128 Le mot "unité" est à ce titre considéré comme "noyau de sens" autour duquel gravite la parenté synonymique. Algiras Greimas précise même que chaque unité de quantification retenue, présente son isotopie.129 En tout cas, le choix de l'unité varie selon les buts que se propose

127 Le discours du centre est un discours prononcé à la capitale et tendant à conforter l’unité du pouvoir d’Etat ;

le discours périphérique est celui qui tend à fidéliser les allégeances et qui est prononcé lors des visites internes du Président de la République.

128 Barthes (R .) ‘‘Introduction à l’analyse structurale du récit’’ in Revue communications, 1966, p.6.

129 Greimas (A.J.). Sémantique structurale, Larousse, 1966, p.114-115.

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l'analyste.130 Il est par conséquent inutile de discuter pour savoir si l'on prend pour unité l'assertion, l'énoncé, la proposition, la phrase ou le mot.

L'opération de quantification se fera par le ‘‘general inquirer’’ qui est un programme sur ordinateur qui comporte, outre le dictionnaire normalisé et l'anti-dictionnaire, le vocabulaire complet du champ de la recherche, et la possibilité de reconnaître et de classer les relations syntaxiques simples entre mots clé (dont la fréquence est calculée) et d'autres mots qui leur sont associés.

L'aspect qualitatif de l'analyse du discours se rapporte aux conditions de sa production. Il sera ainsi pertinent d'inscrire le discours présidentiel dans les fluctuations conjoncturelles de la dynamique politique. Car le lieu de production du discours structure ce dernier et lui donne un sens. Un discours prononcé dans une "conjoncture routinière", ne s'énonce pas dans le même ton qu'une communication délivrée dans une ‘‘conjoncture critique’’.

Cette exigence fonde la distinction que nous avons opérée entre le "temps certain" et le "temps incertain" pour caractériser les contraintes qui pèsent sur la prise de parole présidentielle. Elle explique mieux la gestion de la difficile période bicéphale après la démission du Président Ahidjo à la tête de l'Etat.

Telle est la consistance de l'analyse du contenu et l'orientation que nous entendons lui donner. Cette triple option méthodologique ne constitue pas un choix ferme. Auquel cas, elle nous enfermerait dans une totale circularité. Le pluralisme méthodologique s'accommode mieux de notre problématique. C'est le sens que le professeur Kontchou donne à sa métaphore du "cocktail méthodologique".131

130 A condition de ne pas se laisser influencer par son idéologie, sa théorie ‘‘a priori’’ et son hypothèse de travail

; sinon ces ‘‘a priori’’ idéologiques risquent d’éclater au moment des commentaires des résultats ; commentaires où le temps partisan se donne libre cours en se sachant protégé par les conclusions scientifiques.

131 Kontchou (K.A.). ‘‘L’idéalisme comme obstacle à l’émergence de la science politique’’, article inédit.

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Nous pouvons dès à présent indiquer les grands axes de notre travail, qui épousera une articulation binaire en fonction de la césure temporelle que nous avons opérée entre la période monolithique et la période pluraliste :

Première partie : L'IMPACT DES DETERMINANTS UNITAIRES SUR

LA REGULATION DE L'ORDRE POLITIQUE MONOPARTISAN : LES PESANTEURS DE LA FONCTIONNALITE "IDEOCRATIQUE" DU SYSTEME .

Deuxième partie : LE PLURALISME ET LA DECONSTRUCTION

ADAPTATIVE DE L'''IDEOCRATIE" GOUVERNANTE : LE PILOTAGE "SOCIATIF" DES CONJONCTURES CRITIQUES.

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