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2.1) La construction d’un groupe énergétique européen

Ce développement hors des frontières françaises n’a pas été une chose aisée pour la direction du Groupe EDF.

2.1.1) Une internationalisation rapide mais politiquement délicate

Le choix de la France a en effet été de suivre la directive dans sa version le plus limitée alors que d’autres pays au contraire ont devancé les échéances et ont libéralisé plus rapidement leur industrie, comme l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie. En effet :

« L’Etat a sa responsabilité dans la mauvaise image d’EDF. Il a fait traîner le vote des lois dérégulant les marchés de l’électricité et du gaz et s’oppose au projet de Bruxelles de libéraliser à 100% ces marchés en 2005 »49.

Entreprise publique (EPIC) dont l’unique propriétaire et actionnaire est l’Etat français, EDF a pu ainsi utiliser sa proximité avec le monde politique et syndical mais également son poids économique et son enracinement local pour faire passer ses projets et ses ambitions.

« EDF, concerné au premier chef par l’ouverture du marché, a longtemps freiné des quatre fers pour préserver son monopole. (…) sur les bancs de l’Assemblée ou du Sénat, rares sont les voix qui s’élèvent contre le premier producteur d’électricité du monde et symbole, plus encore qu’Air France ou France Télécom, du service public à la française. Un mastodonte qui a toujours mené son actionnaire, l’Etat, par le bout du nez, l’autorité censée le surveiller servant le plus souvent de relais à l’entreprise publique dans les ministères. Sa force de persuasion, EDF la puise dans ses racines : « EDF est la quintessence du compromis saint-simonien typiquement français entre un

48 Plaquette Groupe EDF Branche Asie Pacifique & www.edfasie.com

49 L’Expansion du 07/06/01 EDF : l’Etat ne renonce pas au bon vieux temps du monopole.

grand corps de l’Etat, les ingénieurs des grandes écoles, et un grand syndicat, la CGT » résume le sénateur socialiste Henri Weber. »50

Le champion tricolore a ainsi pu transformer pleinement ce décalage temporel en une véritable opportunité stratégique pour conquérir massivement des positions en dehors de ses frontières tout en protégeant son territoire d’origine.

« Pour l’instant, EDF ne se déploie dans le monde ni avec ses techniques, ni avec ses hommes, mais avec la force financière que lui procure sa situation de monopole. »51

Les difficultés viendront cependant de Bruxelles et de la Commission Européenne qui infligera des contreparties significatives face aux visées expansionnistes de l’ex-monopole français.

« L’hostilité des gouvernements européens vient de ce qu’ils ressentent comme une absence de réciprocité sur le marché français »52.

Ainsi les gouvernements italien et espagnol inventeront des « décrets anti-EDF » prévoyant de plafonner les droits de votes du français dans ses investissements sur leurs territoires.

Cette situation retardera quelque peu EDF, mais ne l’empêchera pas de se développer très fortement en Europe.

2.1.2) Un grand groupe européen, encore trop électrique…

EDF est aujourd’hui une des plus grandes entreprises énergétique d’Europe et un des premiers électriciens de la planète. Avec près de 44,9 milliards d’euros de CA en 2003, EDF se place en seconde position derrière l’allemand E.ON (46,4 Mds d’Euros), mais devant RWE (43,9), Suez (39,6), Enel (31,3) ou Endesa (16,2). En revanche, s’il l’on s’intéresse au CA issue des activités de l’énergie, EDF prend alors la tête des acteurs de l’énergie en Europe juste devant E.ON (44,3 milliards). En effet, EDF est un acteur exclusivement présent dans le monde de l’énergie et très majoritairement dans l’électricité.

Cette place prépondérante au sein du secteur électrique en Europe est une des caractéristiques du groupe (cf. Figure 40), monopole unique (et aujourd’hui encore d’une très large domination) sur un marché domestique important. La France est en effet le second marché électrique derrière l’Allemagne où celui-ci est partagé entre quatre grands acteurs (EON, RWE, HEW-Vattenfall, et EnBW, filiale d’EDF).

50 L’Expansion du 17/02/00. La fin du monopole fait peur aux politiques.

51 Ibidem.

52 L’Expansion du 07/06/01 EDF : l’Etat ne renonce pas au bon vieux temps du monopole.

Figure 40 : Production électrique en Europe 2001 - 2003

(Source : PWC & Enerpress. Changement climatique et Energie. Facteur Carbone Européen. 2004)

Globalement, si l’on raisonne en terme de « Ventes » (ci-dessus) ou de « Capacités de production », EDF reste un acteur à part dans le paysage énergétique européen. Même si les positions du groupe dans le gaz restent encore en devenir, le géant électrique est de très loin un leader en terme de puissances électriques installées avec 122 GW, soit plus du double de ses principaux concurrents : 49 GW pour Suez (dont plus de 20 GW hors Europe), 45,7 GW pour ENEL, 44 GW pour RWE ou encore 40,9 GW pour E.ON.

Le Groupe EDF a pu maintenir une position de force sur le marché européen grâce à un important développement sur ses voisins frontaliers tout en conservant son marché d’origine.

Ainsi depuis 1999, EDF s’est lancé dans une campagne d’acquisition d’importants acteurs locaux de l’électricité et du gaz (London Electricity, EnBW, Montedison…). L’activité hors-France représente ainsi en 2004 plus de 37% du CA (soit plus de 17 milliards d’euros). C’est en réalité grâce à ce développement international qu’EDF a pu développer et maintenir une croissance régulière de son activité, car l’activité sur le marché français s’est stabilisée autour d’un CA annuel d’environ 26-28 milliards d’euros.

Les positions fortes sur le marché français donnent à EDF de réels leviers pour financier son développement à l’international. A titre d’illustration EDF disposait en 2004 d’un « free cash

flow » de plus de 3,5 milliards d’euros. Cependant au cours des premières années de ce développement, les cibles acquises ne se sont pas toutes révélées aussi prometteuses.

Lors de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion des entreprises publiques (en 2003), il a été constaté que certaines acquisitions avaient été surévaluées ou risquées voire hasardeuses. Les investissements en Amérique Latine (Edenor, Light) ont notamment été très critiqués. La crise financière qui a frappé ces pays (Argentine & Brésil) a fortement dégradée l’intérêt de ces investissements. De plus, la « campagne d’Italie », durant laquelle EDF a cherché à prendre le contrôle d’Edison, s’est finalement révéler être positive en mai 2005, après plusieurs longues années de négociations et revirements de l’Etat italien et de l’ENEL.

Si le développement d’EDF à l’international peut être perçu comme une aventure difficile et parfois douloureuse, le groupe a su cependant construire de réelles forces en Europe.