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1.2) Désintégration, nouvelles régulations… et privatisation

Ce processus de libéralisation et de création de marchés intérieurs européens, n’est pas un processus uniforme et homogène, mais bien la gestion d’une diversité d’histoires, de cultures, d’institutions et d’industries souvent très différentes.

En effet, la dérégulation des industries de réseaux est un processus long et complexe dans lequel les risques économiques, politiques et sociaux encourus peuvent être considérables.

Les difficultés rencontrées en Grande-Bretagne (transport ferroviaire, électricité, licences UMTS…) ou aux Etats-Unis (électricité en Californie, faillite d’Enron…) ont été largement médiatisé et manifeste les enjeux liés à ce processus. Si chaque dérégulation reste spécifique, nous pouvons souligner certains paramètres.

Le passage à la concurrence est souvent un processus long qui se réalise par étapes (cf.

Tableau 11 & Figure 13). Trois temps permettent de mieux identifier la migration du monopole public à l’entreprise privée concurrentielle en passant par un statut hybride (privatisation, régulation, apprentissage de la concurrence).

Tableau 11 : Les trois temps de la régulation

Monopole => Libéralisation => Marché concurrentiel

Léon (2005) précise qu’aujourd’hui les industries de réseaux peuvent être considérées en droit économique comme des industries « mixtes » c'est-à-dire obéissant à une réglementation sectorielle spécifique et répondant dans le même temps à des règles de droit commun en matière de concurrence (Frison-Roche & Payet 2006).

Figure 13 : Intensité de la régulation lors du passage du monopole à la concurrence

Temps

(Source : D’après Bergman & al. 1998, p.8)

A coté du processus temporel, la complexité du phénomène est liée à ses spécificités techniques. Si nous ne rentrerons pas ici dans le contenu détaillé des réformes entamées, nous cherchons cependant à identifier au sein des nombreuses solutions misent en place quelques caractéristiques de ces changements.

Les principales caractéristiques des réformes des services publics en réseaux :

1. Séparation des activités concurrentielles de services et de l’infrastructure des anciens monopoles publics intégrés, puis l’introduction de la concurrence dans les services.

2. Mise en place de mécanismes de coordination réglementaires et contractuels, avec des régulateurs sectoriels indépendants et des contrats entre les acteurs.

3. Privatisation partielle ou totale des activités.

Bouttes & Leban (1995) soulignent alors l’existence d’incertitudes réglementaires radicales dans le cadre de la libéralisation des industries de réseaux et tout particulièrement dans le secteur de l’électricité. L’originalité et l’ampleur des projets laissent apparaître de nombreuses questions quant à la traduction légale d’un discours théorique d’une part mais aussi quant aux effets techniques et physiques d’autre part.

1.2.1) L’introduction de la concurrence sur certains éléments de la filière

Un des moyens d’introduire de la concurrence au sein d’anciens secteurs monopolistiques est de séparer les infrastructures d’activités pouvant être concurrentielles (cf. Tableau 12)

Ces sont principalement des évolutions technologiques importantes qui ont permis l’apparition de nouveau maillons concurrentiels, comme par exemple les turbines à gaz dans l’énergie, ou encore les technologies hauts débits (ADSL) et hertzienne (GSM) dans les télécommunications.

Tableau 12 : Exemples de dissociation entre les infrastructures de monopole naturel

Transport aérien Aéroports, espaces aériens Avions, services.

Chemin de fer Réseaux ferrés, gares. Trains, services.

Eau Distribution et collecte des

eaux usées Traitement de l’eau, gestion du service.

(Source : Complété et adapté de G. Dufrénot & H. Sultan-Taïeb, 2002, p.148)

Si le processus d’intégration européenne (Traité de Rome en 1957, l’Acte Unique en 1986, puis les traités de Maastricht en 1992 et d’Amsterdam en 1997…) a été, et reste encore aujourd’hui, une grande aventure politique et sociale, la création d’un marché commun tient une place particulière de ce processus.

Dans le cadre de la stratégie dite de « Lisbonne » (Conseil Européen de 2000) visant à faire de l’Union Européenne la zone la plus compétitive du monde d’ici 2010, il a été décidé d’accélérer la libéralisation des industries de réseaux comme l’électricité, le gaz, les services postaux, les transports et d’intégrer et libéraliser pleinement les télécommunications. Deux ans plus tard, lors du Conseil de Barcelone (2002), après négociations entre les états membres et notamment les réticences de la France, il est finalement décidé de libéraliser pleinement les marchés de l’électricité et du gaz à l’échéance de 2007. Ainsi sur le plan énergétique la politique de la Communauté européenne est d'assurer une sécurité d'approvisionnement de l'énergie à un prix abordable à tous les consommateurs dans le respect de la protection de l'environnement et de la promotion d'une concurrence saine sur le marché européen de l'énergie.

1.2.2) La mise en place d’une nouvelle régulation

En se retirant progressivement de la maîtrise complète d’un opérateur public intégré, l’Etat doit assurer la bonne gestion du secteur une fois libéralisé. Afin d’assurer un contrôle indépendant de l’organisation et de l’évolution d’un secteur en cours de libéralisation, l’état peut choisir la mise en place d’un régulateur. Si tous les pays n’ont pas choisit ce mode de contrôle pour leurs secteurs en cours de libéralisation, ces instances sont très présentes.

Synthétisant ces situations, Finon & Midttun (2004) ont précisé l’existence de différents types de régulation, à la fois économique et politique, générales et spécialisées (cf. Tableau 13).

Tableau 13 : Les différents types de régulations Niveau :

(Source : Adapté de Finon & Midttun, 2004)

Ainsi par exemple, en France, deux autorités assurent le contrôle des secteurs des télécommunications et des Postes (ARCEP) et de l’électricité et du gaz (CRE).

L’ART (Autorité de Régulation des Télécommunications) crée par la loi de juillet 1996 pour réguler le secteur des télécommunications (mais mise en place en janvier 1997), est en effet devenu le 20 mai 2005, l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes) afin d’y intégrer la régulation postale.

De même, créée par la loi du 10 février 2000, la Commission de Régulation de l’Electricité est devenue le 3 janvier 2003, la Commission de Régulation de l’Energie, suite à l’intégration de la compétence gazière. Autorité administrative indépendante, elle est chargée de veiller au bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz naturel.

L’introduction de nouvelles autorités de régulation complexifie souvent très largement la régulation d’un secteur récemment libéralisé (cf. Figure 14).

Figure 14 : La régulation d’un secteur libéralisé

(Source : Adapté de Varone & Genoud, 2001)

Ayant des compétences sectorielles, ces autorités administratives indépendantes sont généralement dotées de certains pouvoirs de contrôle et d’enquête. Spécialisées sur une industrie spécifique est elle remplace cependant pas les autorités traditionnelles de contrôle de la concurrence (Conseil de la Concurrence en France, Bundeskartellamt en Allemagne, Fair Trade Commission au R-U…).

1.2.3) Libéralisation & privatisation

Le processus de dérégulation s’est, dans la plupart des cas, accompagné progressivement d’un processus de privatisation. Le concept de privatisation désigne un transfert de propriété du public vers le privé et s’oppose au concept de nationalisation suivant lequel des activités privées sont intégrées dans le domaine public.

Même si ce phénomène est souvent conjoint, il n’est pas exclusif. En effet, certains marchés monopole privé restent rares et correspondent souvent à des délégations de services publics par le biais de concessions. De plus, il existe souvent des situations de concurrences mixtes ou l’ancien monopole public opère face à des concurrents privés.

Tableau 14 : Libéralisation & privatisation : des situations variées et évolutives Exemples dans le secteur de

l’électricité Monopole … … Concurrence

Public… Monopole public.

Quelle soit opérée soit par une vente directe aux enchères à des investisseurs identifiés (CNR

& SNET, dans l’électricité en France) soit par l’introduction en Bourse (ENEL, en Italie), une privatisation permet à des Etats de faire rentrer dans les caisses publiques des recettes considérables issus de la vente de titres ou à l’inverse de stopper des charges financières importantes jusqu’alors dédiés à une entreprise publique.

Par ailleurs, la privatisation organisée grâce à une augmentation de capital, peut également permettre la collecte de capitaux sans le versement de fonds publics (EDF en 2005).

Abordé du point de vue économique (industrielle…) ou juridique (concurrence, droit économique…) le thème de la libéralisation des industries de réseaux, et notamment dans le

secteur de l’énergie (concurrence, nouvelles régulations, privatisation…) est l’objet de recherche de nombreuses équipes tant française qu’internationales (cf. Tableau 15).

Tableau 15 : Sélection de travaux sur le thème de la libéralisation d’industrie de réseaux [chercheurs en économie (industrielle) de l’énergie

et en droit (économique) de la concurrence]

Laboratoire & équipes de recherche :

Chercheurs : Spécialité & sélection d’ouvrages ou d’articles pertinents :

Finon D. & Glachant J.M., (2005) A Competitive Fringe in the Shadow of a State Owned Incumbent:

The Case of France”, Energy Journal, Vol. 26, n°4.

Glachant, J. M., & Finon, D. (eds.) (2003) Competition in European Electricity Markets: A Cross-Country Comparison, Edward Elgar.

Glachant J.M (dir.) (2000) Les réformes de l'industrie électrique en Europe, Editions du Chevalier J-M (2004) Les grandes batailles de l’énergie. Folio Actuel.

Chevalier J-M & al. (2002) Les stratégies d’entreprises dans les nouvelles régulations, PUF.

Percebois J. (2004) Le régulateur face aux comportements opportunistes des opérateurs dans l'industrie du gaz et de l'électricité, Revue de l'Energie, Juin

Percebois J. (2003) Ouverture à la concurrence et régulation des industries de réseaux: le cas du gaz et de l'électricité. Economie Publique, n°12.

Economie de l’énergie, de l’environnement et du développement.

Finon D. & Glachant J.M., (2005) A Competitive Fringe in the Shadow of a State Owned Incumbent:

The Case of France”, Energy Journal, Vol. 26, n°4.

Finon D. & Midttun A. (2004) Reshaping of European Electricity and Gas Industry : Regulation, Markets and Business Strategies”.- Londres : Elsevier.

Economiste Industriels, Politiques de la Concurrence – France.

CERNA Régulation. Ecole des

Glachant JM, & Lévêque F. (eds) (2006?) Electricity Reform in Europe: Towards a Single Energy Market, Edward Elgar.

Lévêque F (eds) (2006) Competitive Electricity

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CECO Laboratoire d’Econométrie.

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Dalloz-Sirey.

Frison-Roche & Payet (2006) Droit de la concurrene.

Dalloz.

La spécificité des questions de libéralisation des industries de réseaux, si elle est déjà bien traitée par les sciences économique et juridiques, reste encore peut abordée par les sciences de gestion, et notamment d’un point de vue stratégique.

1.3) Les approches de la libéralisation des industries de réseaux en