La politique paysagère du SYSDAU, considérée comme une instrumentation, nécessite l’analyse de l’action publique pour être évaluée. La planification : une action publique critiquée Les documents d’urbanisme sont souvent critiqués. Ils sont jugés laxistes, trop peu contraignants et permissifs en ce qu’ils permettent le développement de formes urbaines sans qualité (Ministère de l'Environnement, 1996)45.
Tout d’abord, il s’agit du nonrespect (ou de manière insuffisante) des textes réglementaires. Les articles L. 110 et L. 121 (et suivants)46 contiennent des objectifs qui ne constituent pas systématiquement l’armature des documents d’urbanisme. Les choix d’aménagement ne respectent pas assez ces objectifs. Ensuite, l’article L. 1211 qui vise à « prendre en compte la préservation de la qualité des paysages et la maîtrise de leur évolution », ainsi que l’article L. 12317 qui ouvre la possibilité « d’identifier et de localiser les éléments de paysage à protéger ou à mettre en valeur » ne sont pas suffisamment utilisés. Pourtant, ils permettraient de cadrer les orientations paysagères et de les inscrire réglementairement dans le POS. Dans le cadre du Règlement national d’urbanisme, c’est l’article R. 11121 traitant de « l'atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales » qui fait l’objet d’erreurs manifestes d’appréciations lors du contrôle des permis de construire. Ses effets restent discutables, dans la mesure où les services de l’Etat et les collectivités qui en ont récupéré la responsabilité ne disposent que de compétences et de temps limités pour les instruire. L’intégration du projet de paysage au projet d’urbanisme se résume ainsi souvent à une simple et insuffisante « végétalisation » des abords des bâtiments. Il soutient rarement un parti pris d’implantation et de volumétrie des constructions en relation avec leur « environnement » direct (Metailié J. et Alet B., 2002).
Audelà des difficultés d’application des textes (Dobrenko B., 2003), le bilan met l’accent sur l’importance des études préalables et des diagnostics de territoires qui n’intègrent pas suffisamment les enjeux environnementaux et paysagers, bilan à nouveau confirmé en 2005 à l’occasion d’une évaluation du dispositif (Hortesie, 2005). Mais ce constat n’est pas récent.
Les analyses historiques montrent les premières inflexions d’un urbanisme de marché dès les années 1920. La loi Cornudet de 1919 portant sur les projets d’aménagement, d’embellissement et d’extension des villes insère la procédure de planification pour les communes de plus de 10 000 habitants. La question de la
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Déjà en 1996 bien avant la Directive « EIPPE » de 2001, l’administration expose le processus d’évaluation environnementale comme garant d’une meilleure prise en compte de l’environnement et des paysages dans le processus d’élaboration des documents d’urbanisme.
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Article L110 du code de l’urbanisme, version 1996: « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le cadre de vie, d'assurer sans discriminations aux populations résidentes et futures des conditions d'habitat, d'emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, d'assurer la protection des milieux naturels et des paysages ainsi que la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l'équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace ».
Article L12110, version 1996 : « Les documents d'urbanisme déterminent les conditions permettant, d'une part, de limiter l'utilisation de l'espace, de préserver les activités agricoles, de protéger les espaces forestiers, les sites et paysages naturels ou urbains, de prévenir les risques naturels prévisibles et les risques technologiques et, d'autre part, de prévoir suffisamment d'espaces constructibles pour les activités économiques et d'intérêt général, ainsi que pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d'habitat ».
compétence et de la légitimité intervient dès cette époque et place l’élu (le maire) au centre de la complexité que nous avons évoquée précédemment (Claude V. et Saunier P.Y., 1999). Cette loi remet en débat l’élargissement des compétences communales à ces règles d’urbanisme, avec en toile de fond un regroupement intercommunal. Cependant, le développement des pratiques des élus sur ce type de plan d’urbanisme reste timide. Car ils sont sous pression des propriétaires et d’un marché immobilier ténu du fait du gel des loyers. JeanPaul Gaudin (1989) montre ainsi que le développement de la règle va de pair avec la spécialisation des fonctions (le maire, le technicien, l’ingénieur, l’urbaniste, l’architecte). C’est un urbanisme de compromis et d’intérêt particulier qui s’est forgé dans sa dimension locale. Pensant initialement à la simple structuration de la compétence urbanistique, il s’avère que ces années font davantage référence au renforcement et à la rationalisation du pouvoir politique local dans l’acte d’urbanisation. Les années après guerre ont permis à l’Etat de reprendre le flambeau dans un exercice de réponse urgente à de nouvelles problématiques sanitaires et sociales, et de développement métropolitain. Cette nouvelle orientation s’est traduite par un urbanisme jugé fonctionnaliste et technicien, à l’inverse d’une conception négociée avec les forces locales (habitants y compris).
Cependant, ce point de vue peut être nettement réinterprété si l’on considère l’action publique à l’origine de ces observations, non comme une incohérence dans ses dispositifs, mais plutôt comme la capacité à s’adapter à des évolutions des « espaces géographiques ». En effet, si les textes réglementaires évoluent rapidement, leur application stricte par les pouvoirs publics peut engendrer de nombreuses disparités dans le traitement des cas, le plus souvent particuliers. Patrice Melé (2008a) montre combien le zonage, technique de délimitation du droit des sols et des usages de l’espace, constitue un paramètre sur lequel la règle est détournée par les acteurs locaux pour en faciliter l’application. Autrement dit, une forme d’adaptabilité est nécessaire pour permettre une application, même négociée, de la règle d’urbanisme. Il s’agit autant d’une forme intentionnelle d’action publique que d’une absence d’efficacité des documents d’urbanisme. Gilles Jeannot (2000) illustre ce fonctionnement par les démarches adoptées dans les Directions Départementales de l’Equipement, lorsque cellesci élaboraient les documents d’urbanisme pour le compte des collectivités : « Dans cette approche, la règle est toujours une ressource première offerte au fonctionnaire de niveau
moyen ou supérieur, susceptible d’être transgressée au nom d’arrangements avec les notables locaux. Ces arrangements, selon ce modèle, autorisent à la fois une plus grande autonomie des fonctionnaires en question et aussi une plus grande efficacité globale de l’action en permettant aux fonctionnaires
territoriaux de coller aux réalités locales « représentées » par ces notables ». A l’inverse, quand l’Etat se
voit imposé un projet qu’il juge nonconforme, il utilise les règles les plus restrictives et difficilement contournables par les collectivités, en s’appuyant par exemple sur des normes techniques ou juridiques47.
Cette réalité correspond à ce que Françoise Choay48 et Pierre Merlin nomment la « flexibilité de
l’urbanisme » (1996, pp.351352) qui est définie comme la « propriété des documents d’urbanisme qui
caractérise leur aptitude à se plier aux circonstances. […] Le souci d’introduire la flexibilité dans les plans d’urbanisme a cependant souvent conduit à des documents sans propositions précises, la flexibilité servant alors de masque à un désengagement des pouvoirs publics. […] En fait, la conciliation de la prise en compte, dans la planification urbaine, des incertitudes de l’environnement et d’une nécessaire volonté d’intervention suppose une véritable réflexion prospective dont tiennent lieu, trop souvent, de simples projections ou, au contraire, des scénarios futurologiques ». Pierre Lascoumes
47 Pierre Lascoumes traite du risque « de confusion des pouvoirs » dans la décentralisation en analysant le rôle des DDE qu’il juge comme « un acteur décisif du processus de décision dans l’équation – développement – aménagementprotection » (1994, pp.276277). 48 Déjà en 1965, Françoise Choay dénonçait la crise de l’urbanisme : « les systèmes de valeurs sur lesquels l’urbanisme repose en dernier ressort ont été masqués par l’illusion naïve et persistante d’une assise scientifique » en opposant culturalisme et progressisme. Choay, F., "L'urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie", Editions du Seuil, Essais. Points. N°108, Paris, 1965, 446 p.
(1994, p. 273) fait un constat similaire dans son analyse de l’action publique environnementale : « En fait,
pour les acteurs sociaux concernés, ce qui s’affiche au niveau central comme un projet n’est jamais approprié comme un ordre sanctionné. Il est immédiatement converti en termes de contraintes et de ressources, susceptibles d’être aussi bien aménagées que mobilisées selon leurs intérêts et leur degré de pouvoir. Cette étape d’appropriation est d’autant plus déterminante que tout projet d’action publique conserve, le plus souvent, un caractère flou et des dimensions lacunaires qui laissent aux acteurs
sociaux, qu’ils soient publics ou privés, des marges d’initiatives considérables ».
Cette analyse peut être mise en parallèle de la dimension incrémentale des politiques publiques présentée par Pierre Muller et Yves Surel (1998, pp. 124126). Les échanges sociaux régis selon des mécanismes de marchandage et de négociation limitent fortement la prise de décision. Les alternatives de choix sont réduites (peu de scénario), d’où le statu quo. Il se produit une « intrication entre les objectifs et/ou les valeurs et/ou les dispositifs instrumentaux qui sont disponibles.». L’agrégation des contraintes conduit à une séparation entre l’objectif idéal et les mesures concrètes programmées. Malgré tout, si les deux auteurs présentent une vision assez statique de la gouvernance, il existe des moments de nouvelle mobilisation de l’action publique. Ils emploient à cet effet le terme de « fenêtre d’opportunité » pour évoquer des mécanismes de rupture qui favorisent le changement ou la prise de décision effective. Cette fenêtre est caractérisée par des mécanismes de mandat que nous avons déjà évoqués dans le cadre d’un syndicat de SCOT, ou par des mécanismes de crise qui favorisent les changements de paradigme (1998, op. cit., pp. 143146). Nous ajoutons aux deux points indiqués par les auteurs, les évolutions des normes. La loi SRU a représenté un tournant, tout comme les lois sur l’intercommunalité, etc. Sur le territoire bordelais, l’arrivée d’Alain Juppé a constitué une période de changement déterminante, et le projet de métropole millionnaire pourrait devenir une nouvelle étape majeure dans la configuration métropolitaine en débat. Reconsidérer l’action avant ses résultats Les règles ne sont pas l’unique cadre d’interprétation de l’action. Certes, les lois fournissent des obligations, des orientations ou des objectifs. Mais elles doivent être comprises comme un cadre d’interprétation dans lequel les acteurs locaux vont puiser pour accorder leur intervention (Commaille J., 2000). Xavier Desjardins et Bertrand Leroux l’ont montré en analysant les politiques de transports de plusieurs SCOT en France. Bien que les résultats paraissent décevants, il faut néanmoins revoir leur analyse par le biais de la coordination des politiques sectorielles contenues dans le document (Desjardins X., 2007; Desjardins X. et Leroux B., 2007). Si les documents d’urbanisme sont communément critiqués, la sociologie de l’action publique permet de porter un autre point de vue. En repositionnant l’action publique d’un territoire dans son histoire, nous pouvons poser un regard plus distancié afin d’analyser les évolutions de la politique et non uniquement ses résultats. Pierre Lascoumes le traduit ainsi : « Chaque politique relève d’un processus de type incrémental49. C'est à dire qu’elle se crée et se transforme par une succession de changements de faible amplitude, d’avancées par essai erreur, qui renouvellent les catégories de pensée, les formes de constructions des problèmes, les modes de réponse sociale et les types de mobilisation » (Lascoumes P., 1994, p. 272). Dans cette optique, nous considérons que la compréhension de l’intervention paysagère du SYSDAU doit se réaliser dans un processus de déconstruction, selon le principe de la sociologie compréhensive de l’action publique identifiée par Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès, en référence à des travaux américains (2007, 49 JeanClaude Thoenig utilise une notion voisine en évoquant « l’incrémentalisme disjoint » défini comme « une stratégie de décision que poursuivent les dirigeants et dont l'« intelligence» est produite par l'ajustement partisan mutuel ». In Muller, P.; Leca, J.; Majone, G.; Thoenig, J.C. et Durand, P., "Enjeux, controverses et tendances de l'analyse des politiques publiques", Revue française de science politique, vol. 46e année, n° 1, 1996, pp. 96133.
pp.3344). L’objectif de ce type d’analyse de l’action publique est de « dégager des lois générales sur les
processus d’action publique, sur les dynamiques créées, aussi inattendues soient elles ». L’intérêt est « de
rendre compte d’un ensemble d’activités d’appropriation, peu visibles mais déterminantes ».
Ces observations nous encouragent à considérer une politique paysagère dans un SCOT autant par la mobilisation de l’action que par le contenu même de la politique. L’instrument SYSDAU n’est pas qu’une simple institution productrice d’un document de planification. Elle est aussi une structure cognitive créatrice d’une identité collective au sein de laquelle des logiques de pouvoir s’exercent. Par l’intermédiaire de ses leaderships, elle construit une mobilisation pour se légitimer. Ses logiques d’intervention configurent l’action (Muller P. et Surel Y., 1998, pp. 5053). Pour comprendre le cheminement d’une politique, il est nécessaire de caractériser les modalités d’action qui ont autant d’importance que les orientations ellesmêmes, puisque nous constatons que la variable de correction n’est pas la règle mais l’action publique qui la régit. Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès font état des effets potentiels des instruments. Ils créent « des effets d’inertie qui rendent possible une résistance à des pressions extérieures » (2004, op. cit., p.31). Nous pouvons le constater sur la
structuration politique du SYSDAU. Le syndicat est devenu une plateforme de résistance des communes périphériques face à des logiques de regroupement intercommunal50. La CUB (27 communes sur 93, mais
près de 82% de la population du périmètre du SYSDAU) dispose de 50% des voix au sein du comité syndical. Rappelons que le SYSDAU a fait l’objet d’une forte mobilisation des 67 communes de sa périphérie en opposition à la centralité représentée par la CUB. Le 25 mars 1999, les représentants de ces communes se sont réunies à Cestas pour se constituer en une association soucieuse de veiller à leurs intérêts propres Cette mobilisation a été rééditée en 2009 à l’occasion du débat sur la métropole51 et une coalition de communes
périurbaines s’est formée au sein du SYSDAU pour s’opposer à tout projet d’extension de la CUB52. Le
SYSDAU s’est luimême opposé (timidement) à la proposition de la nouvelle carte communale par le Préfet dans le cadre de la loi53 de réforme des collectivités locales54. Ce geste témoigne de l’expression d’une
périphérie hostile à un élargissement statutaire de la CUB, qui ellemême semble dans l’incapacité de fédérer audelà de ses limites. Ces tensions ont des répercussions sur le potentiel de mobilisation des acteurs et vont prédéterminer le niveau d’ambition qu’ils vont s’accorder (Marieu J., 1998). Dans cette logique, l’objet de l’instrument « syndicat mixte » dépasse largement celui de l’outil (le SD 2001). Le SYSDAU doit s’interpréter comme une structure de la « problématisation » qui permet à « des acteurs hétérogènes de se retrouver
sur des questions qu’ils acceptent de travailler en commun », dans son format d’intercommunalité.
L’analyse de la planification que nous avons présentée cidessus est également transposable aux différentes structures de coopération intercommunale. Patrick Moquay (1998) illustre en détail comment à partir des textes de lois régissant ce regroupement intercommunal, les acteurs se saisissent d’une forme technique ou instrumentale de coopération pour y inscrire leurs stratégies. Il fait le constat qu’il existe peu de règles définies malgré un corpus réglementaire qui sectorise l’intercommunalité. Celleci prend la forme juridique pour s’inscrire dans une réalité administrative, mais son fonctionnement est avant tout régi par les sociétés locales et les valeurs qui les mobilisent, ainsi que par un impératif politique et technique. Cet impératif peut être pragmatique et précéder les valeurs de coopération. L’auteur précise que c’est cette organisation de 50 Le quotidien SudOuest se fait l’écho régulier des tensions qui s’exercent sur ce sujet. Le dernier en date a eu lieu à l’occasion de la présentation d’une proposition de carte intercommunale par le préfet de la Gironde. Le projet visait l’extension de la CUB essentiellement sur ses parties Ouest et Sud Faure, P., "Les enjeux du grand Bordeaux", SudOuest, 1er juillet, 2009, SYSDAU, "Communiqué du SYSDAU du 4 mai 2011", 2011, 1 p, Vigneaud, J.P., "La CUB XXL? C'est non!" SudOuest (8 avril), 8 avril, 2011.. 51 Gilles, J.B., "Métropole : Les maires de la périphérie de la CUB craignent pour l'identité de leur territoire. Le manifeste de Cestas", SudOuest, 11 septembre, 2009. et Guitton, G., "La métropole divise la gauche", SudOuest, 18 septembre, 2009. 52 Cf. l’article du quotidien W.D., "Motion antimétropole. Le Conseil de la communauté de communes écrit au préfet", SudOuest, 28 avril, 2011. 53 Loi de réforme des collectivités territoriales n° 20101563 du 16 décembre 2010. Cette loi favorise la constitution de métropoles et de pôle métropolitain en remplencement des syndicats mixtes amenés à disparaître. Cette évolution réglementaire peut conduire les acteurs à mobiliser un nouvel instrument d’action sur le périmètre de l’actuel SYSDAU. Par ailleurs, la création des conseillers territoriaux d’ici 2014 va reconfigurer les relations entre les régions, les départementants et les communes. 54 SYSDAU, "Communiqué du SYSDAU du 4 mai 2011", 2011, 1 p.
coopération qui fait d’un espace (la métropole bordelaise dans notre cas) un territoire : « le territoire de
l’intercommunalité n’est pas un territoire donné, mais un territoire appelé – dans tous les sens du terme ; les acteurs vont le chercher, pour l’inclure dans leur argumentaire. C’est aussi un territoire activement reconnu et désigné, dénommé – et c’est cette opération qui fait d’un espace un territoire, en
affectant à l’espace un sens, en l’incorporant dans le jeu du social, et dans le jeu du pouvoir » (p. 81). Si
l’objectif du SYSDAU est la production d’un projet de territoire métropolitain (sa seule compétence en réalité), il ne faut pas oublier qu’il est d’abord animé par un ensemble d’intercommunalités et de communes aux enjeux et intérêts disparates voir opposés.
Philippe Estèbe (2008) explicite les attitudes des intercommunalités sur les espaces métropolitains (qu’il nomme « régimes »). Dans le bordelais, les « clubs périphériques » constitués d’intercommunalités périurbaines se spécialisent (cadres, entreprises, activités, etc.). Ces intercommunalités sont en interaction avec l’intercommunalité centrale (hétérogame), ellemême constituée de communes très disparates, intégrant souvent de nombreuses inégalités sociales et polarisant l’ensemble du territoire (logements sociaux, populations pauvres). Cette intercommunalité centrale vit dans la tension par son hétérogénéité interne. De la même manière que les rapports entre centralité et périphéries se vivent dans une échelle supplémentaire de tensions. Le SYSDAU est donc avant tout, un espace politique complexe de négociation et de coopération. Le contenu du SD 2001 est le résultat de cette coopération, quelle que soient sa pertinence et sa cohérence. De ce point de vue, il est nécessaire de considérer la politique paysagère du SD 2001 comme la résultante et comme le révélateur de cette coopération. Il ne s’agit pas alors de la considérer dans ce qu’elle devrait être selon une approche conceptuelle idéelle, mais dans ce qu’elle est selon l’analyse d’une réalité sociale et politique du territoire du SYSDAU. Nous définissons ainsi notre objectif d’évaluation de la politique paysagère comme la recherche des modes de mobilisation et de l’efficacité de l’action publique sur l’objet de la planification stratégique. Nous nous appuyons sur les expertises paysagères réalisées par les acteurs. Malgré notre compétence initiale de paysagiste, nous ne revenons pas sur l’expertise initiale réalisée par l’agence Follea&Gautier et nous la considérons comme l’expression d’une commande d’acteurs qui sert de référentiel à l’évaluation de la politique paysagère.
Sommesnous en présence d’une politique publique de paysage ?
La politique paysagère du SD 2001 correspondrait à une politique systémique et non « balistique » pour reprendre Pierre Lascoumes (1994). Mais à cette étendue systémique, ne correspond pas obligatoirement la typologie d’action politique nécessaire pour faire de l’intentionnalité paysagère du SYSDAU, un système d’action sur les paysages. Pour l’auteur, une action publique ne peut être qualifiée de politique publique