Les outils mis à disposition des acteurs pour élaborer leur politique paysagère dans les documents d’urbanisme ne sont pas encore suffisamment optimisés pour garantir une norme d’action. Cependant, le cadre normatif de la planification urbaine contient des objectifs réglementaires qui conduisent les acteurs à élaborer leur intervention paysagère. Menée de façon empirique et le plus souvent par des experts paysagistes, la conception de la politique paysagère peut désormais s’appuyer sur une nomenclature de définitions communes pour tous les acteurs.
Les résultats issus des derniers appels à projet sur le paysage et plus particulièrement le programme « politiques publiques et paysages » permettent de mieux saisir les enjeux de l’évaluation des politiques paysagères. Ils nous ont montré que les méthodes d’évaluation ne sont pas uniques, et dépendent largement des outils évalués et des cadres d’action publique. Nous y décelons cependant une première réponse à notre hypothèse, puisque les conclusions de ces travaux débouchent régulièrement sur l’inefficacité de certaines mesures. Les raisons sont multiples, mais leur inadaptation au contexte social est souvent citée. Ces travaux nous influencent et nous ouvrent la voie pour proposer une démarche d’évaluation. N’ayant pas rencontré d’essais d’évaluation de politiques paysagères dans des documents d’urbanisme, nous avons pris le parti de retenir certaines expériences et de construire une démarche expérimentale en quatre étapes. Pour la première, il s’agit de réaliser une analyse historique de la planification sur l’agglomération et plus particulièrement des politiques paysagères qui y ont eu lieu. Cette étape permet de constituer une genèse de la politique à évaluer. Elle figure également une prise de recul nécessaire et une acculturation des dynamiques locales qui est essentielle pour se présenter devant les acteurs. La deuxième étape concerne l’évaluation du contenu de la politique. Elle s’appuie sur une grille d’analyse dont les critères exploités permettent la déconstruction du principal support de la politique paysagère : le rapport de présentation du SD 2001 et ses annexes. Ces critères s’appuient sur l’identification des actions, l’analyse du chaînage sémantique de l’argumentaire de l’intervention publique, et l’identification des éléments de paysage ciblés. En complément, des entretiens auprès d’acteurs de la politique vont permettre de corréler les informations et d’identifier leurs représentations paysagères et territoriales plus largement. Dans la troisième étape complémentaire, les mécanismes de traduction des orientations du SD 2001 dans les PLU seront analysés. Pour cela, nous réaliserons une étude approfondie de trois PLU représentatifs des orientations paysagères du SD 2001. La dernière étape constitue l’analyse des représentations paysagères selon deux échelles d’analyse : celle du SYSDAU et celle de trois communes. L’échelle du SYSDAU sera mobilisée par un sondage sous l’égide du syndicat. L’objectif est de déterminer si le SD 2001 répond aux attentes des populations. Cette démarche se veut expérimentale et en situation de concertation ; c’estàdire que le Sysdau est le porteur politique de la démarche. Nous voulons ainsi observer les résultats obtenus dans un contexte opérant de participation. L’échelle communale sera mobilisée par des entretiens individuels auprès d’habitants sur les trois PLU analysés auparavant. L’objectif est d’identifier les représentations paysagères des habitants et de comprendre les interactions existantes entre l’échelle de planification du SYSDAU, et l’échelle d ‘interprétation locale de la politique paysagère évaluée.
La démarche proposée ne peut représenter, à ce stade, une méthode stabilisée, mais davantage un cadrage qui nous permet de vérifier la pertinence des différentes étapes de l’évaluation que nous avons définie. Son contenu est établi selon une figure relativement simple qui interroge le document support de la politique (le SD 2001), et les populations vivant sur le territoire d’étude. Elle est complétée par une analyse des impacts du document à partir des leviers d’action réglementaires (les PLU) sur lesquels il est censé agir (Labat D., 2008a). Figure 16 : Schéma de la démarche d'évaluation proposée, à expérimenter sur le SD de l'aire métropolitaine de Bordeaux – D. Labat 2008.
Le schéma en figure 16 synthétise les six angles d’évaluation insérés dans le dispositif normatif de la planification territoriale. La projection de ces angles dans le dispositif français montre qu’il est nécessaire de prospecter audelà du SD 2001 pour identifier les impacts (ou effets) de la politique paysagère. Nous avons placé les angles de l’évaluation dans le chaînage de la planification urbaine dans l’optique d’obtenir une vision globale de l’impact du SD 2001. Ce positionnement des angles intègre une vision normative et cognitive de l’action publique liée au SD 2001 dans le dispositif de cohérence des divers documents. Il est nécessaire d’analyser : • l’étape de formulation des problèmes en réponse à une réalité des territoires (utilité et pertinence), le contenu sémantique et discursif du SD 2001 (cohérence interne), ainsi que ses relations avec d’autres outils de planification (chartes paysagères, agendas 21, plans de déplacements urbains, etc.) – (cohérence externe). Ces étapes sont réalisées à partir des processus suivants :
la construction de graphes d’objectifs
l’analyse des théories de l’action,
l’analyse de l’articulation des objectifs,
l’inventaire des moyens affectés à l’action publique,
des entretiens avec les acteursconcepteurs du SD 2001.
L’analyse de la pertinence est complétée par une enquête « grand public » sur le périmètre du SYSDAU. Le questionnaire est construit dans l’objectif de vérifier si les représentations paysagères des répondants sont similaires à celles traduites dans le SD 2001, et si les réponses de l’action publique correspondent aux attentes des enquêtés.
• L’analyse de la cohérence externe est complétée par l’analyse de la compatibilité du SD 2001 avec les PLU. Cette étape complète l’analyse de l’efficience du SD 2001 en vérifiant si les objectifs du document sont bien inscrits dans les PLU. Pour cela, nous reconstituons des graphes d’objectifs comme outil de comparaison et nous étudions le contenu complet des documents d’urbanisme (rapport de présentation, état initial de l’environnement, règlement et plan de zonage). Nous précédons à une analyse spatiale formalisée par le parcours sur les communes ciblées et indiquées dans ce mémoire par des photographies, témoins de nos observations. Des traitements statistiques et géomatiques sont réalisés pour obtenir des données sur le développement démographique, ou l’implantation des nouvelles constructions visàvis des orientations du SD 2001 (carte de charpente paysagère) par exemple. Enfin, des entretiens avec des habitants, des représentants associatifs, des responsables communaux sont réalisés afin d’identifier leurs représentations paysagères et leurs perceptions de l’évolution des paysages de la commune. Ces résultats sont confrontés aux orientations du SD 2001 et au contenu des PLU.
Les chapitres suivants présentent les quatre étapes de notre démarche d’évaluation que nous détaillons selon leur chronologie d’analyse.